Chapitre 3 : “Empty” - The Cranberries.

3 minutes de lecture

Quand on perd un être cher, la première réaction est souvent le déni. On n’arrive pas à croire que cette personne disparaisse purement et simplement. Surtout si elle faisait partie de votre vie, de votre quotidien. Je me rappelle, j’étais au boulot. J’avais laissé mon portable sur mon bureau et j’ai remarqué plus tard que Liv avait essayé de me joindre à plusieurs reprises. Elle m’avait laissé, d’une voix monocorde, un message me demandant de la rappeler le plus vite possible. Un rapide calcul m’apprit qu’il faisait nuit à Londres, et que donc, il était arrivé quelque chose de grave. Je l’ai appelée. C’est là qu’elle m’a dit la nouvelle. Apprendre la mort de Granny Margaret fut déjà très dur pour moi, même si je ne l’ai revue que quelques fois par an, lorsque je retournais à Londres pour leur rendre visite, à elle et à Liv. Mais pour ma sœur, la transition a été encore plus brutale, car Granny vivait chez elle depuis plus de cinq ans maintenant. À l’époque, même si elle était encore vaillante pour ses 98 ans et malgré ses protestations, Liv l’avait prise chez elle, dans sa grande maison de Hampstead. Elle a pris le parti de traiter beaucoup de ses dossiers à domicile, mais son métier d’avocate exigeait tout de même qu’elle se déplace fréquemment, que ce soit à son cabinet, en rendez-vous avec ses clients, ou au tribunal. Elle avait donc dû se résoudre à faire appel à un service de compagnie organisé pour les personnes âgées, non sans avoir trié sur le volet les candidats. Une jeune dame, surnommée Millie, était sortie du lot. C’est elle qui, lorsque Liv était absente, prenait soin de ma grand-mère. Ainsi, Granny n’était jamais seule. Elle coulait des jours heureux, entre les tournois de belote avec Millie et les discussions animées autour d’un bon repas avec Liv.

Ce soir-là, Liv est allée frapper doucement à la porte de la chambre de Granny Margaret, pour lui dire bonne nuit. Elle l’avait trouvée couchée, appuyée sur une pile de coussins, les yeux fermés, les mains sur son ventre, avec un léger sourire sur les lèvres. Liv avait doucement caressé sa joue, mais elle avait vite compris que la vieille dame ne se réveillerait plus. Elle était restée un peu là, assise auprès de notre grand-mère, à se rappeler les jours heureux, quand nous étions enfants, lorsque nos parents étaient encore là. Granny qui nous faisait des tartes, qui était toujours là pour nous aider, nous rassurer, nous consoler. Granny qui nous avait tant aidé à la mort de nos parents, alors que Liv était en train de jongler entre ses études d’avocate et son frère qui, désespéré par la catastrophe qui venait de leur tomber dessus, avait sombré dans l’alcool et la violence. Granny qui, malgré mon comportement égoïste de l’époque, avait toujours été présente, par un mot gentil ou un bon petit plat. Granny qui avait toujours cru en nous.

Après avoir appelé leur médecin, Liv avait alors pensé à moi, son frère, devenu adulte, parti vivre depuis quelques années à Los Angeles. Elle m’avait alors téléphoné pour m’apprendre la triste nouvelle, et j’avais sauté dans le premier avion vers Londres.

La cérémonie funèbre a eu lieu quelques jours plus tard. La salle était pleine à craquer. Granny Margaret était vraiment aimée dans sa communauté religieuse. Le discours, simple mais très émouvant, dépeignait un portrait plein de tendresse de notre grand-mère. L’orateur, la bible en main, disait que maintenant, Granny dort paisiblement, et que Dieu la réveillera, jeune et en pleine santé, dans le monde nouveau. Cette déclaration m’a laissé songeur. Aucune mention de paradis céleste ou d’enfer. Nous aurait-on menti depuis le début ?

Je suis resté quelques jours avec Liv, le temps de traiter la paperasse administrative et les obligations suite au décès d’un proche. Quand tout a été réglé, je ne me voyais pas repartir et laisser ma sœur seule avec son chagrin. Je lui ai alors proposé de venir quelque temps avec moi à L.A., le temps de se reconstruire. Elle a objecté avoir des clients qui comptaient sur elle, mais je savais que Jane Farrell, son associée, accepterait de s’en occuper en son absence.

A bord de l’avion qui nous ramenait à la Cité des Anges, je regardais Liv qui s’était endormie. Elle tenait encore le faire-part de décès de notre grand-mère. Elle n’allait vraiment pas bien et j’étais content de lui avoir proposé de venir avec moi. J’ai repensé à tout ce que ma sœur a fait pour m’aider quand je n’allais pas bien et que je passais mon temps à boire et à me battre. Aujourd’hui, c’est à mon tour de l’aider. Je dois l’aider à retrouver le sourire. Nous devons avancer. Nous avons traversé tellement d’épreuves. Mais nous sommes toujours là.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Maxime Close ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0