Chapitre 5 : “California Soul” - Marlena Shaw
La première chose qui frappa Liv lors de son arrivée à Los Angeles, c’est la luminosité. Elle avait quitté Londres et son crachin habituel, recouvert d’un couvercle de nuages, pour se retrouver sous un ciel bleu aussi lumineux qu’un néon à la devanture d’un bar branché. Le soleil dardait ses rayons comme s'il voulait revendiquer son territoire californien. Frénétiquement, elle cherchait ses lunettes de soleil dans son sac, sous le regard amusé de son frère. Elle qui aimait l’ambiance plutôt feutrée de Hampstead, elle n’avait jamais compris ce qui avait décidé Jake à venir s’installer ici, dans cette ville vibrante, gigantesque et, comme elle l’avait imaginé, beaucoup trop bruyante. Mais maintenant qu’elle y était, elle commençait à mieux saisir ce qui avait attiré son frère ici. Dans le taxi, elle regardait défiler Lincoln Boulevard, avec ses baristas, ses boutiques de skate et ses cantinas. Par la vitre baissée, elle pouvait sentir des odeurs de cuisine mexicaine, mêlées au parfum frais des eucalyptus situés non loin. En arrivant à Venice, elle comprit que, décidément, cette ville était à l’image de Jake. Il ne pouvait pas rester en place. Il adorait le rock, le cinéma et l’art pictural. Il était très sportif, dynamique. Il aimait le soleil, la chaleur, la mer… Et, bien sûr, le surf. Elle se rappelait que, plus jeune, son frère passait des heures sur la plage, là-bas, à Cayton, pour surfer. Los Angeles, et plus particulièrement Venice, lieu de résidence de Jake, était le paradis des surfers et des artistes. En découvrant l’univers dans lequel évoluait son frère, et pour la première fois depuis des semaines, elle se surprit à sourire, absorbée par la magie et la beauté de La Cité des Anges.
Le taxi les déposa en face d’un bâtiment entouré d’un jardin luxuriant, dans le quartier des canaux. “Mon humble demeure”, répondit Jake au regard interrogateur de sa sœur. Son frère ouvrit la marche, chargé des deux valises de Liv et ils entrèrent.
Le rez-de-chaussée était un immense espace ouvert avec une mezzanine, dont les murs de briques brutes contrastait avec d’autres, peints en kakis chauds. Les lampadaires, la rambarde et l’escalier de métal noir, ainsi que les verrières, étaient les seuls vestiges du passé industriel du bâtiment. Une guitare électrique dans un coin, un sac de frappe en cuir dans un autre et une planche de surf vintage accrochée au mur donnaient un aperçu des loisirs de l’homme qui habitait le lieu. Au centre de la pièce, un énorme canapé en vieux cuir élimé était posé sur le sol en béton lissé. Un tapis d’orient venait réchauffer un peu le style industriel de la pièce. À l'arrière se trouvait une cuisine en bois sombre et aux crédences parées de carreaux espagnols, hommage discret à leurs origines ibériques. Une grande verrière laissait généreusement entrer la lumière du soleil, qui jetait ses rayons chauds sur le lieu de vie.
Jake fit signe à sa sœur de le suivre. “Je vais te montrer quelque chose”, dit-il d’un air complice. Il ouvrit une porte du salon, qui donnait sur un garage de taille moyenne, où flottait une légère odeur d’essence et de pneu. Là, au milieu de planches de surfs et d’outils en tout genre, se trouvait une magnifique Ford Mustang noire de 1967.
- Incroyable, s’émerveilla Liv, on dirait celle de papa…
- C’est précisément la raison pour laquelle je l’ai achetée. Je ne l’utilise pas beaucoup, je me déplace surtout à pied. Mais quand je sors me promener à son bord, j’ai l’impression que papa est à côté de moi, en train de rouspéter parce que je fais trop crier le moteur. Tu te rappelles ?
- Il détestait quand tu la conduisais. Mais il te laissait quand-même faire de temps en temps. Il savait que tu aimais ça. Mais pourquoi as-tu commandé un taxi ? Tu aurais pu nous emmener à bord de ce bijou…
- Et la laisser au parking de l’aéroport pendant que j’étais à Londres avec toi ? No estoy loco…
Il l’escorta à l’étage, vers la chambre d’amis où il déposa les valises de sa sœur. Il lui montra où se trouvait la salle de bain, une vaste pièce lumineuse, carrelée de gris anthracite, comprenant une douche à l’italienne, et la laissa se reposer du voyage.
Liv s’écroula sur le lit et pensa qu’elle voulait prendre une douche, mais le décalage horaire aidant, elle s’endormit en quelques secondes. Elle entendit vaguement son frère évoluer dans la maison, puis fut réveillée par un parfum délicieux. Elle se redressa sur son lit et s'aperçut qu’elle mourait de faim. Elle descendit et trouva son frère dans la cuisine, en train de cuisiner. ”Je rêve ou ça sent les Albondigas ?”, demanda Liv en descendant les escaliers.
“ Tout juste, répondit Jake. Abuela a bien voulu me filer sa recette.
- Comment as-tu fait ? s’indigna Liv. Ça fait des années que je la lui demande. Elle me répond toujours,”Si, si, mas tarde”...
- Bah, elle sait que tu as tendance à massacrer tous tes plats…
Liv frappa l’épaule de son frère, qui rigola de plus belle.
Une demi-heure plus tard, ils étaient attablés et se régalaient en discutant de leur programme à Los Angeles, mais aussi de Granny Margaret. Même si la disparition de leur grand-mère était naturelle et dans l’ordre des choses, elle était tout de même difficile à digérer.
Après le repas, Jake emmena sa sœur à Venice Beach. Liv s’émerveilla de découvrir ce petit coin de paradis. Il s’arrêtèrent sur une terrasse pour boire un verre et là, Jake fit quelque chose qui allait provoquer des événements terribles. Il se prit simplement en photo avec sa sœur et posta le cliché sur Instagram.
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