Chapitre 7 : “Popular” - Nada Surf
Palisades Charter High School, 1996. Jason Finnley, 17 ans, était le mec populaire du lycée. Capitaine de l’équipe de basket, grand, athlétique, blond, et un sourire à faire fondre les filles les plus coriaces. Tout le monde le respectait. Tout le monde voulait faire partie de son entourage, très select. Son père, le docteur Paul A. Finnley, était un chirurgien esthétique réputé. On disait que Melanie Griffith et même Cher étaient passées entre ses mains. Il ne pouvait pas confirmer, lié par le secret professionnel. “Mais je ne peux pas le nier non plus”, plaisantait-il avec un air entendu.
La mère de Jason, Alexandra, était enseignante en littérature à l’Université de Californie. Leur existence dorée, dans un pavillon de luxe à Brentwood, contribua au succès du jeune homme.
Aujourd’hui, à 46 ans, Jason continuait son chemin sur la route de la gloire. Avocat principal pour le cabinet Finnley & Bradburry, il comptait plusieurs célébrités parmi ses clients. Mais sa préférée, celle pour qui il adorait travailler, c’était Gloria Rockwell. Primo, elle était scandaleusement riche. Secundo, en tant que fille cachée d’une actrice célébrissime, elle avait piqué sa curiosité. Son entourage était inévitablement sous le feu des projecteurs. Et ça, c’était bigrement bon pour les affaires ! Son aura de mystère déchaînait les passions. L’avocat apparaissait régulièrement à la télévision, en tant que son représentant légal, pour communiquer sur la mystérieuse Gloria Rockwell. Ils y trouvaient leur compte : Jason était sous le feu des projecteurs et Gloria restait cachée, discrète. Cerise sur le gâteau, Gloria plaisait énormément à Jason. Elle était belle, bien sûr, mais il y avait quelque chose chez sa cliente qui l’émoustillait particulièrement. Était-ce cette atmosphère énigmatique dans laquelle elle évoluait volontiers, ou son caractère bien trempé ? L’avocat savait que sa cliente n’avait pas peur, s’il le fallait, de frayer avec des personnages peu recommandables pour arriver à ses fins. Heureusement qu’il était tenu, comme son père, au secret professionnel. Car il savait que Gloria Rockwell ne reculait devant rien pour réaliser ses projets. Rien. Pas même un gang des rues dont le nom évocateur, Los Machetes, donnait une idée des risques encourus si on les approchait d’un peu trop près. Madame Rockwell avait pris rendez-vous avec l’avocat pour parler de ce gang. Se faisait-elle menacer ? A moins qu’il s’agisse d’un éventuel accord ? Connaissant sa cliente, il penchait pour la seconde option.
Gloria Rockwell arriva aux bureaux de Finnley et Bradburry, situés sur Olympic Boulevard, à l’heure précise du rendez-vous. Elle fut introduite auprès de Jason, qui travaillait son swing, en vue du tournoi de Golf qui l’opposerait au juge Landsford le week-end suivant. Comme à son habitude, elle portait d’énormes lunettes de soleil qui cachaient une bonne partie de son visage et une large capeline blanche, qui contribuaient à son anonymat. Elle était vêtue d’un léger chemisier en soie bordeau et un pantalon évasé blanc signé Alexander McQueen, ponctué de Louboutin noires.
- Gloria, darling, l’accueilli Jason, tu es resplendissante !
- Tu es un vilain flatteur, répondit Gloria en lui faisant la bise, mais tu as raison.
Ils prirent place autour de son bureau design de métal et de verre. Un diffuseur d’huiles essentiel répandait un parfum de mandarine dans la pièce.
- Que me vaut le plaisir de ta visite ?
- Et bien… Je me retrouve dans une situation délicate. Mais tu peux m’aider.
- Bien sûr, voyons, tu peux tout me demander, répondit l’avocat d’un air sérieux. Que se passe-t-il ?
- Tu connais les Machetes ?
- Le gang qui sévit à Pico Union ? Je sais qu’ils sont plutôt discrets, mais très violents… Comment t’es tu retrouvée à avoir affaire avec eux ?
- Un de mes employés avait des problèmes avec ces gens. Des soucis de dette. Ne me demande pas pourquoi, mais j’ai payé pour lui. Et aujourd’hui, un de leurs membres est venu chez moi, avec son petit air arrogant. Il m’a donné rendez-vous ce soir, minuit, dans une ruelle derrière Bonnie Brea Street, avec 2000 dollars. Puis il a regardé ma maison et a ajouté que ce serait dommage qu’elle parte en flammes.
- Mmh, je vois, déclara pensivement Jason. Ils ont sauté sur l’occasion de se faire de l’argent facile.
Gloria réagit en frappant le bureau du plat de la main, ce qui fit sursauter l’homme de loi.
- Foutaises ! On ne me manque pas de respect comme ça, je ne me laisserai pas faire !
- Heu, d’accord Gloria… Mais est-ce que tu sais que leur signature est de couper les mains de leurs opposants à la machette ?
- Je le sais très bien ! Mais j’ai un autre plan. J’ai une proposition à leur faire qu’ils ne pourront pas refuser. C’est pour ça que j’ai besoin de toi.
- Tu veux t’associer à eux !?
- En quelque sorte. Mais ce sera juste une façade. Quand je serai assez près d’eux, je pourrai les frapper en plein cœur. Et, crois-moi. Ça va saigner.
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