Chapitre 11 : “Respect” - Aretha Franklin

5 minutes de lecture

Ari Johnson regardait le cadavre, un homme blanc d’une soixantaine d’années, vêtu d’ une chemise hawaienne, recroquevillé dans une ruelle du quartier de Venice Canals, derrière une poubelle. Son portefeuille avait disparu, mais il semblait que la mort de ce pauvre homme était trop violente pour un simple larcin. Parce que la victime avait eu les mains tranchées. Ce détail laissait la jeune inspecteur de police perplexe, car c’était une signature évidente des Machetes. Pourquoi un gang serait-il venu dans un quartier habituellement paisible pour voler le portefeuille d’un pauvre homme et lui couper les mains ? A moins que celui-ci ait un rapport avec le cartel colombien ?

Elle regarda autour d’elle. Le quartier avait bien changé. Elle avait été élevée ici, dans une famille remplie d’amour. Sa mère, brésilienne, et son père, originaire de Louisiane, l'avaient nommée Aretha en hommage à Aretha Franklin, dont son père était fan. Mais dès son plus jeune âge, Ari avait préféré qu’on l’appelle par son surnom, un diminutif qui lui semblait bien plus personnel et plus puissant. Avec trois grands frères, Ari avait appris à tenir tête à quiconque la sous-estimait. Parce qu’ Ari Johnson ne se laissait pas faire. Elle n’avait peur de rien ni de personne.

Même à l’Académie de Police, ses collègues masculins avaient vite compris qu’il ne fallait pas la sous-estimer. Elle se souvenait de ce cadet - un certain Derek - qui avait essayé de jouer les gros bras, pour l’impressionner. Il prétendait qu’elle n’avait pas sa place au sein de la police. Qu’avec son gabarit - elle faisait un petit mètre soixante - elle se ferait vite bouffer toute crue. Sur le moment, Ari n’avait rien dit. Sa réponse fut donnée lors des tests physiques. Elle avait largement dépassé les autres en vitesse, en agilité et en endurance. C’était elle qui les avait tous bouffés. Derek, lui, avait abandonné, à bout de souffle, à la première épreuve.

Elle fut sortie de ses pensées par un agent en uniforme.

“ Inspecteur, on vient de recevoir un appel du Central. Il y a eu un enlèvement dans ce quartier.

- Pardon ? Mais qu’est ce qui se passe !? Le quartier des canaux est plutôt paisible, normalement. Ok. Riggs et Malone, rendez-vous sur les lieux de l’enlèvement et recueillez les témoignages. Je reste ici en attendant le médecin légiste puis je vous rejoins.

Ari se mit à réfléchir. Le meurtre auquel elle était confrontée pouvait-il être lié à cet enlèvement ? Le kidnapping ne faisait pas habituellement partie des méthodes de Los Machetes. Mais si la victime du meurtre s’était interposée ou avait vu quelque chose, son meurtre trouverait tout son sens.

Eliott Young, le médecin légiste, arriva quelques minutes plus tard. Après avoir réglé les derniers détails, Johnson partit pour l’adresse de l’enlèvement, à seulement cinq minutes à pied. Elle vit un homme d’une quarantaine d’années, grand et assez costaud, parler avec Malone, qui prenait sa déposition. Elle arriva à leur hauteur et vit que l’homme était livide et que ses mains tremblaient. Elle remercia l’agent de police et se présenta.

- Bonjour. Ari Johnson, police criminelle. Que se passe-t-il ?

- Bonjour. Je suis Jake Turner… je crois qu’on a enlevé ma sœur, Olivia.

- Vous croyez…?

- Elle a disparu… Et tout est retourné chez moi.

- D’accord… Si vous m’en disiez plus sur votre sœur…

Jake s’impatienta.

- J’en ai déjà parlé à l’agent… bref. Elle fait plus ou moins votre taille… Mince… Cheveux bruns, jusqu’aux épaules… Quand je l’ai quittée ce matin elle portait un top blanc à bretelles et un pantalon léger bleu… ou gris, je ne sais plus…

- Est-ce qu’elle vit chez vous ?

- Non, elle est en vacances. Elle vit en Angleterre. Je l’ai invitée à venir passer quelque temps ici pour se changer les idées. Nous venons de perdre un être cher.

- Sincères condoléances. Désolée d’être si terre à terre, mais avez-vous des ennemis, monsieur Turner ?

- Non… Pas que je sache.

- Avez-vous déjà eu contact avec un gang ?

- Un gang ? Genre motards, ou quelque chose comme ça ?

- Je pensais plutôt à un cartel colombien.

- Quoi !? Non ! Jamais de la vie ! Je ne touche pas à la drogue. Je suis sobre depuis plus de vingt ans, je n’ai pas envie de retomber dans une forme ou l’autre d’addiction.

- Ok. Merci monsieur Turner. Désolée d’être si insistante, mais dans un enlèvement, les premières heures sont cruciales.

Elle fut interrompue par une voix derrière elle.

- Je sais qui a fait ça, j’ai tout vu.

Elle se retourna et se retrouva devant un vieux bonhomme grisonnant. Il arborait, lui aussi, une chemise hawaïenne. Elle se demanda si c’était la nouvelle mode du troisième âge dans le coin. Elle s’étonna aussi qu’il se trouve dans le périmètre de sécurité que les agents avaient délimité à leur arrivée.

- Vous ne pouvez pas vous trouver ici, monsieur. Patientez un moment et un agent va prendre votre déposition.

- Pas de soucis, c’est déjà arrangé. J’ai parlé avec Riggs, il m’a laissé entrer, en souvenir du bon vieux temps.

- Et vous êtes…?

- Je suis Vince Morgan. Je suis comme qui dirait de la maison.

- C’est-à-dire…?

- Morgan… Voyons, le célèbre inspecteur de la crim’ qui a arrêté Lóng Wuang, le chef de la triade du Dragon Furieux, en 75…

- Je ne vois pas, non…

- Ah… Vous devez être trop jeune. J’étais le meilleur à l’époque, vous savez…

L’agent Riggs apparut derrière Morgan.

- Inspecteur, vous vous rappelez de l’histoire du flic bloqué dans les égouts sous Vermont Avenue ? C’est lui.

- Pas possible ! “Débouche-WC” ? C’est vous ?

- Ah ouais, répondit Morgan, embarrassé, j’avais oublié cette histoire et ce surnom à la con… Je poursuivais un mec impliqué dans une affaire de blanchiment d’argent… Il était rapide, le bougre…

- Et toi tu étais trop gros pour la canalisation… rigola Riggs.

- Mais… vous avez fini par être viré… Le chef en a eu marre de vos… “méthodes”.

- Ouais. N’empêche que grâce à mes “méthodes”, les voyous la ramenaient pas comme aujourd’hui…

Jake intervint, furieux.

- Bon, on en revient à ma sœur qui s’est faite enlever ou je vais chercher des bières et on papote ??

- Désolée, monsieur Turner, s’excusa Ari.

- Je disais donc, continua Vince en s’adressant à Jake, je pense avoir assisté à la scène. Une camionnette noire s’est garée devant votre maison. Sur le moment j’y ai pas vraiment prêté attention parce que c’est pile au moment où j’ai… été un peu malade. Bref, quand je suis revenu des chiottes, j’ai entendu Kasinski pousser un hurlement et le véhicule démarrer en trombe. J’ai chopé un vélo qui était là et j’ai essayé de les poursuivre mais je les ai vite perdus. En plus, j’ai crevé en revenant. Le temps que je revienne, vous étiez tous ici. Où est cet imbécile de Kasinski ? Il a sûrement tout vu, lui qui nous épie tous…

- Ce monsieur Kasinski, demanda l’inspecteur Johnson, il n’aurait pas une chemise hawaïenne, comme vous, monsieur Morgan ?

- Ah, ouais ! Ça m'énerve prodigieusement ! Vous l’avez vu ?

- Et bien… peut-être… mais je ne peux pas le confirmer pour le moment.

Morgan compris tout de suite.

- Oh… Je vois… Ils l’ont refroidi, hein ?

- Quoi ? s’étrangla Jake. Vous plaisantez !?

- J’ai bien peur que non, monsieur Turner. Si c’est le cas, votre sœur est dans de sales draps…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Maxime Close ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0