Chapitre 13 : “All Along The Watchtower” - Jimi Hendrix

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Ari était en route vers le département de médecine légale situé sur Mission Road, à bord de la Ford Taurus de service qu’elle utilisait régulièrement. Le soleil était déjà haut dans le ciel et la ville grouillait de gens qui vaquaient à leurs occupations, faisaient des affaires ou tentaient de réaliser leurs rêves. Elle venait d’embarquer son coéquipier, Robbie O'Brien, qui terminait son café à emporter en bougonnant.

- Plus jamais je ne boirai d’alcool, se plaignit-il.

- C’est bien la première fois que je te vois dans cet état, répondit la jeune inspectrice.

- On a fêté nos quatorze ans de mariage avec Jodie… Je voulais rester chez moi mais sa mère est venue garder les enfants et elle ne repartira que ce soir. Entre rester à la maison avec elle ou poursuivre des tueurs, je préfère la deuxième option.

Robbie, 43 ans, marié, père de trois enfants, était inspecteur de police à la section criminelle depuis une dizaine d’années. Il avait des cheveux roux, hérités de ses origines irlandaises, et une petite moustache qui lui donnait un air de dandy. Lui et Ari étaient partenaires depuis quelques années.

- En parlant de tueurs, reprit-il, où en est-on avec cette histoire de meurtre/enlèvement dont tu m’as parlé au téléphone ?

- On a pas grand chose. Juste la description du véhicule, mais même pas de plaque. J’ai lancé une alerte BOLO, mais on a fait chou blanc de ce côté. A croire qu’ils se sont volatilisés.

- Qu’est-ce qui te fait croire que ce sont les Machetes ?

- Le cadavre avait les mains coupées, Rob…

- Ça ne veut rien dire… N’importe qui peut couper des mains… Et puis sérieux… Des Machetes, à Venice ?

- C’est la seule piste qu’on ait pour le moment.

Ari fut agacée par ce constat, auquel elle ne pouvait qu’adhérer. L’aspect illogique de cette enquête l’irritait.

Avant de pénétrer dans l’enceinte du Hall of Justice, bâtiment qui abritait le département de médecine légale, ils passèrent devant un Jack in the Box, ce qui rappela à Ari qu’elle n’avait encore rien avalé depuis ce matin.

Il laissèrent leur voiture au parking et entrèrent dans le bâtiment de style néoclassique. Le médecin légiste les attendait au sous-sol, où l’autopsie de la victime était en cours.

Eliott Young était penché sur le cadavre lorsque les inspecteurs arrivèrent dans la salle d’autopsie. Il était petit, avait le cheveu rare et les os fins. Une vague odeur de produits chimiques et de putréfaction flottait dans l’air. Robbie poussa un gémissement et son teint vira au vert.

La victime avait le torse ouvert, les pans de sa peau rabattus de part et d’autre de son tronc, pour permettre à Young de faire son examen post-mortem. Le visage du mort était caché par la peau du haut de son crâne, que le médecin-légiste était en train d’entourer de ses mains, comme un gros œuf fragile. Il leva les yeux sur les nouveaux arrivants.

- Ah ! Vous voilà ! Un instant… Je suis en train de…

Il retira la calotte crânienne dans un bruit de succion, ce qui fit tressaillir O'Brien.

- Voilà. Mmh. Pas de signe de traumatisme crânien. Je dois retirer le cerveau pour une étude approfondie…

- Pitié, Eliott, supplia Robbie. Dites-nous juste ce que vous avez pu déduire de votre examen…

- Ouh, on a un petit cœur, aujourd'hui inspecteur O'Brien ? Bon, alors… D’après les informations que vous m’avez données, il s’agirait de Paul Kasinski, 67 ans, célibataire. Comme il n’est pas possible de prendre ses empreintes, une analyse dentaire confirmera ou infirmera son identité. En ce qui concerne ses mains, elles ont été coupées post-mortem. Les blessures n’ont pour ainsi dire pas saigné. Pas d’inflammation, ce qui serait le cas si le sujet avait été vivant. Les a-t-on retrouvées ?

- Ses mains ? Non, pas encore, déclara Ari. Ça m'étonnerait qu’on les revoie un jour. Je parie qu’ils les ont balancées dans le canal, et avec tous les ratons-laveurs et opossums qu’il y a dans le coin, on ne va jamais les retrouver… Mais on continue les recherches, au cas où.

- D’accord… Pour la cause de la mort, il semble que monsieur Kasinski se soit fait étrangler. Il en a tous les signes : pétéchies au niveau de la peau et des yeux, traces d’abrasion assez profondes dans le cou… Je dirais qu’il a été étranglé avec une sorte de garrot, j’ai retrouvé des traces de coton et de chanvre dans sa blessure. Je dois encore pousser mon examen au cerveau, mais je peux déjà affirmer que la strangulation est bel et bien la cause de sa mort. C’est tout ce que j’ai pour vous en ce moment…

De retour au siège de la Police de Los Angeles, les inspecteurs Johnson et O'Brien se rendirent dans le bureau de Marcus Williams, le chef de la section criminelle. Il voulait un suivi régulier de ce qui se passait à Venice Canals. Ses supérieurs ne voyaient pas d’un bon oeil cette recrudescence soudaine de crimes - un enlèvement et un meurtre dans la même journée - dans un quartier réputé pour son atmosphère paisible.

- Bon, alors, où en êtes-vous ?

- On est toujours en train d’attendre que l’identité de la victime du meurtre soit confirmée, répondit Robbie. Mais on est presque sûr qu’il s’agit de Paul Kasinski. Rien dans son casier, apparemment un mec sans histoire, à part le fait qu’il appelle la police environ une à deux fois par jour pour se plaindre de tout et de rien.

- Mmh, répondit le chef Williams de sa voix profonde, je vois. Le genre de voisin qui sait se faire détester… Pas de relation évidente avec Los Machetes ?

- Non, répondit Ari. Pas dans son casier en tout cas. C’est pour ça qu’on pense que le meurtre et l’enlèvement sont liés. Apparemment lorsque les assaillants sont venus enlever madame Turner, Kasinski s’est mis à crier, puis on n’a plus de traces de lui.

- D’où tenez-vous cette information ?

- Un voisin… Un certain… (Ari regarda ses notes) Vince Morgan. Il aurait fait partie de la maison ?

- Morgan ? Mmh ouais. Un véritable emmerdeur. Je n’étais pas encore chef à l’époque, mais je m’en souviens bien. Il était doué. Très doué. Mais il avait des méthodes… pas très catholiques. Bosch, mon prédécesseur, a fini par le virer. J’ai acquis la certitude qu’il avait été mettre son nez quelque part où il ne fallait pas.

Gardez-le à l'œil, il pourrait avoir envie de jouer au détective indépendant.

Parlons maintenant de l’enlèvement… Que pouvez-vous me dire en ce moment ?

- Pas grand chose. Olivia Turner, citoyenne britannique, était en vacances chez son frère, Jacob Turner. Et comme je vous l’ai signalé tout à l’heure, pas de traces du van.

- Que sait-on de ce monsieur Turner ?

- Ingénieur informatique. Il vit à L.A. depuis 2020… On a juste deux excès de vitesse dans son pédigrée, sinon rien à signaler. Je dois le revoir cet après-midi.

- D’accord. Ari, tu t’occupes de monsieur Turner. Robbie, tu as toujours des contacts chez les Machetes ?

- Oui. Mais, chef, entre nous, ça m’étonnerait fort que le meurtre et l’enlèvement soient liés… Je connais le gang. Je les ai côtoyé un moment, sous couverture. Je ne vois pas trop pour quelle raison ils se risqueraient à apparaître à Venice pour enlever une touriste anglaise… Non, je pense que Kasinski n’était pas si propre que ça. En creusant un peu, je parie qu’on pourra trouver un lien avec le gang.

- D’accord, répondit Williams. Je voudrais que tu ailles interroger tes sources, pour voir s’ils le connaissaient.

- Ok, chef. Je vais voir ce que je peux faire.

- Soyez vigilants. Je n’aime pas cette affaire.

A peine sortis du bureau du chef, Ari demanda à son coéquipier :

“Tu as vraiment enquêté sous couverture ?

- Les stups m’ont débauchés un moment parce que je connaissais un mec, un ami d’enfance, qui faisait partie du gang. Je me suis fait passer pour un flic pourri. Je leur rendais de petits services. J'ai réussi à obtenir leur confiance. Eduardo Vidal s'est fait arrêter grâce à certaines infos que j’ai eu la chance d’entendre en traînant avec eux. Quand il s’est fait serrer, j'étais avec d'autres membres du gang dans un bar. Ils ne m'ont jamais soupçonné. J'ai toujours leur confiance, mais depuis que Alejandro a repris l'affaire, ils font rarement appel à moi. Le mec est plus méfiant que son père.

- Ok. Où doit-on se rendre pour aller voir tes sources ?

O'Brien parût embêté.

- Ouais, écoute. Je préfère aller les voir tout seul… Ils me font confiance, tu comprends ? Si je débarque avec un autre flic, ils risquent de ne pas apprécier…

- Bien sûr, pas de soucis. Sois prudent, surtout. Je vais aller voir Turner entre-temps. On a qu’à se retrouver au In N’ Out Burgers dans une heure ?

- Ça marche.

Ari repris la route vers Venice. Elle prit la 101 en direction de Santa Monica et sortit à Lincoln Boulevard pour finalement arriver à Venice, une bonne demi-heure plus tard. Ari repensait à toute cette affaire. Même si Robbie lui assurait du contraire, elle était intimement persuadée que l’enlèvement et le meurtre étaient, d’une façon ou d’une autre, liés. La description de la camionnette noire que Vince Morgan avait faite correspondait bien au genre de véhicule que les Machetes utilisaient. De plus, la victime du meurtre portait bien leur signature. Elle ne croyait pas aux coïncidences. Si c’étaient bien les colombiens qui avaient enlevé Olivia Turner, ils devaient y trouver leur compte. Il fallait qu’elle découvre ce qui s’était passé.

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