Chapitre 14 : “I appear missing” - Queens of the Stone Age
Cela faisait maintenant plusieurs heures que ma soeur avait disparu. Au début, je suis resté assis sur le seuil de ma maison, prostré. Je n’osais pas entrer chez moi. Le désordre qui y régnait, restes de l’agression contre Liv et des manipulations de la police, me hantait. J’ai fini par prendre mon courage à deux mains. J’ai passé la porte. Je n’ai pas l’habitude de rester les bras ballants devant un problème.
Mon salon et ma cuisine étaient en chantier. Le désordre et la désolation avaient fait irruption dans mon foyer. Le canapé était toujours renversé, le vase brisé, la plante hors de son pot, gisant dans un tas de terre noire, qui avait été éparpillé un peu partout dans la pièce. Ma guitare était cassée, quelqu’un avait marché dessus. Il y avait de la poudre à empreintes ici et là, maculant mon lieu de vie de taches noires et grasses. J’ai commencé par relever mon canapé, ramasser les débris… Mon moral était au plus bas. J’étais partagé entre l’inquiétude et une colère sourde, qui grondait dans mes veines. Qui avait enlevé Liv ? Pourquoi l’inspecteur avait-elle parlé de gang ? Pourquoi enlever ma sœur, qui ne connaissait personne ici, qui n’avait rien fait de mal ? Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête lorsque quelqu’un frappa à ma porte, toujours ouverte.
Je vis l’inspecteur Johnson sur le pas de ma porte.
- Monsieur Turner, s’excusa-t-elle, j’espère ne pas vous déranger…
- Non… Entrez… Vous excuserez le désordre…
- Ne vous inquiétez pas, voyons… Ils n’y sont pas allés de main morte…
- Connaissant ma sœur, elle ne s’est pas laissée faire…
- Mmh non. Je parlais de mes collègues de la police scientifique… Il y a de la poudre à empreinte partout… J’en suis désolée.
Je souris doucement en réponse à sa sympathie.
- Pouvons-nous discuter de ce qui s’est passé ? Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, les minutes sont précieuses dans le cas d’un enlèvement.
Elle s’approcha de moi. Bien que je l’aie déjà vue quelques heures plus tôt, je remarquai qu’elle était plutôt jolie. Dans les 1m60, on voyait bien qu’elle prenait soin de son corps, athlétique mais aux courbes bien marquées. Elle avait de longs cheveux bruns, abondants et bouclés, qui tombaient sur ses épaules, menues… Elle portait un jean et une petite veste de cuir, style perfecto, qui lui donnait un air badass. Et puis ses yeux. Des yeux verts avec une touche de marron. Elle avait un regard d’une intensité que j’ai rarement vu. Je suis resté subjugué un instant, avant de reprendre mes esprits et d’être assailli par un sentiment de culpabilité. Ma sœur était sans doute retenue prisonnière quelque part et moi je perdais mon temps à m’extasier devant une fille.
- Vous êtes-vous rappelé quelque chose ? demanda-t-elle. N’importe quoi, même le moindre détail peut avoir son importance.
- Pas vraiment…
- Pouvez-vous me parler du déroulé de la matinée, avant qu’elle disparaisse ?
- Oui… Heu… Je me suis levé tôt. Je voulais aller surfer un peu, avant qu’il n’y ait trop de monde sur la plage. Liv était déjà levée. On a un peu parlé, mais la discussion a vite tourné au vinaigre. Alors je suis parti surfer. J’étais furieux…
- Sur quoi portait votre dispute ?
- Elle m’a reproché d’avoir fui mes problèmes… Je viens d’Angleterre et je suis arrivé ici suite à une rupture assez difficile. J’ai laissé ma grand-mère avec elle. Elle s’en est beaucoup occupée. Et même si elle m’a soutenu dans mon départ, apparemment elle m’en a voulu. Elle ne m’en avait jamais parlé. Jusqu'à ce matin.
- Vous êtes resté combien de temps sur la plage ?
- Je ne sais pas… Peut-être une heure, une heure et demie. J’ai pas mal cogité pendant que je surfais. J’ai compris qu’elle avait raison. Je suis revenu avec l’intention de lui demander pardon. Mais elle avait disparu.
Je me suis arrêté un instant, la honte et le regret me prenant à la gorge.
- Ok, déclara-t-elle après un moment de silence, comme pour me donner le temps de digérer tout ça. Vous avez dit qu’elle vient d’Angleterre, j’imagine donc qu’elle ne connaît personne ici, à part vous ?
- Exact.
- Alors une des théories qu’il nous faut creuser, c’est que quelqu’un vous en veux. Ou qu’on en veut à votre argent. Votre maison est plutôt jolie, ça pourrait attirer des personnes mal intentionnées.
- Je vous vois venir. Je me suis creusé la tête à ce sujet. Je ne vois personne qui aurait pu m’en vouloir au point de faire une chose pareille… Je n’ai pas vraiment d’ami proche, sauf peut-être un ou deux… Pour le reste, ce sont surtout des collègues, des connaissances de surf ou à la salle de sport. Non, je ne sais pas qui aurait pu faire ça.
- D’accord… et donc, personne qui pourrait avoir des accointances avec un gang ?
- Vous revenez avec cette théorie ? Mais pourquoi ? Qu’avez-vous découvert ? C’est en rapport avec Kasinski ?
- Je ne peux pas trop rentrer dans les détails à ce stade de l’affaire. Mais l’état dans lequel on a trouvé Mr Kasinski - si c’est effectivement lui - relierait l’affaire à un gang dangereux qui sévit à Pico Union.
- Alors c’est vrai ? Los Machetes sont dans le coup ?
Celui qui venait de nous interrompre en disant ça se tenait dans l’embrasure de la porte. Vince Morgan - encore lui - s’avança doucement dans mon salon, les mains dans les poches. Il marchait d’une façon bizarre, très fier de lui, comme si il venait d’élucider un mystère dans un film noir.
- Monsieur Morgan, protesta l’inspecteur Johnson, je vous demanderais de ne pas intervenir dans cette enquête et de respecter les sentiments de monsieur Turner. Cette affaire est très sensible et nous devons faire vite.
- Justement. Je suis certain qu’il préfère qu’on avance dans cette enquête plutôt que de lui faire des câlins en lui disant que ça va aller.
L’inspecteur le fusilla du regard, mais je me suis dit que le vieux Morgan avait raison. Je ne voulais pas qu’on me materne, je voulais retrouver ma sœur.
- Ecoutez, avança Morgan. Il ne se passe pour ainsi dire jamais rien dans ce quartier. Et tout d’un coup, une femme est enlevée et un vieil homme est retrouvé mort, les mains coupées à la machette…
- Quoi !? me suis-je écrié.
- Mais comment savez-vous ça ? s’énerva l’inspecteur Johnson.
- J’ai mes sources… Je disais donc que ces deux facteurs nous montrent que Los Machete sont dans le coup. Reste à savoir pourquoi…
- Monsieur Morgan, siffla Johnson entre ses dents, je vous le demande une dernière fois, restez en dehors de l’enquête…
- Attends, poupée, j’ai pas fini…
- Ça suffit ! s’énerva Johnson.
Elle sortit ses menottes et plaqua Morgan contre le mur.
- Vince Morgan, je vous arrête pour outrage à agent et entrave à une enquête de police en cours.
- Mais ne vous énervez pas, voyons, je cherche à vous aider !
- Je suis désolée, monsieur Turner, je vais devoir revenir. Je dois d’abord accompagner ce monsieur au poste.
- Jake, me cria Morgan, venez me chercher au poste… Je vous rembourserai, pour la caution.
Pantois, j’ai regardé la plus belle femme que j’aie jamais vu embarquer avec force un vieillard un peu trop sûr de lui. Et même si je ne le connaissais pas bien, j’ai décidé d’aller payer sa caution et de le sortir de là. J’avais le pressentiment qu’il pouvait m’aider à retrouver Liv.
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