Chapitre 15 “Roads” - Portishead

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Dans la voiture les emmenant au poste de police le plus proche, sur Culver Boulevard, Vince regardait Ari attentivement. La petite était sacrément bien roulée. Il ne faisait aucun doute qu’une jolie fille comme elle devait avoir un sacré caractère pour être parvenue au poste d'inspecteur de police, surtout à la criminelle. Vince savait que les flics se considèrent, pour beaucoup, comme des mâles alpha. Ils n’admettent pas qu’une fille soit capable de faire leur boulot. En général, la candidate se faisait tellement charrier qu’elle ne tenait pas le coup.

- Dites… votre prénom, là… C'est genre “l'inspecteur Harry”, le film ?

- Non. C'est A.R.I. … C'est un diminutif…

- Ah… et c'est le diminutif pour… ?

- Ça ne vous regarde pas.

Le vieil homme se tut, pensant que “l’inspecteur Ari” n’était pas commode… Ouais, elle en avait, du caractère.

Il regarda par la fenêtre en réfléchissant à l’affaire. Le ciel, d’un bleu profond, semblait peser des tonnes. Il crevait de chaud, dans cette bagnole.

- Je ne sais pas pour vous… Mais si les Machetes sont effectivement impliqués, cette histoire risque de faire du grabuge…

Ari ne répondit rien. La rumeur des voitures sur Lincoln Boulevard parvenait par sa fenêtre ouverte. Vince se remémora l’époque où lui aussi conduisait ce genre de voiture de fonction.

- J’étais là lorsque Eduardo Vidal est arrivé tout droit de Medellin… C'était au début des années 90. Ça commençait à sérieusement sentir le roussi pour Escobar et ses associés. Le cartel commençait à battre de l’aile. Vidal faisait partie du système, mais il n’avait pas beaucoup de pouvoir. Il faisait partie de l’équipe qui transportait la cocaïne en Californie. Lors d’un de ses voyages, il a tout simplement décidé de rester à L.A. Il a fondé sa petite équipe, qui a vite pris de l'expansion. Mais il était malin, le Vidal. Il n’avait pas des envies démesurées de pouvoir. Il a su rester assez discret plusieurs années avant de se faire choper. Maintenant que c’est son fils qui gère l’entreprise, j’ai entendu dire qu’il était beaucoup plus gourmand…

- Comment savez-vous tout ça ?

- J’étais toujours de service, à ce moment-là…

Johnson garda le silence. Ils tournèrent à droite sur Culver Boulevard. Les boutiques et les cantinas laissèrent leur place aux maisons et petits immeubles à appartements. Puis, le regardant dans le rétroviseur :

- Pourquoi avez-vous été viré ? Vous étiez doué, à ce qu’on dit… Qu’est-ce qui s’est passé ?

Morgan baissa les yeux.

- Ils n’aimaient pas beaucoup mes méthodes… Disons que je ne suivais pas toujours les procédures. Ça a souvent payé. Là, ils étaient contents, les grands pontes… Jusqu’à l’affaire Mabel Smith.

- L’affaire Mabel Smith…?

- Je… Je n’ai pas été très pro sur ce coup-là… Elle est… Laissez tomber, répondit Vince, soudain taciturne. Regardez la route, vous allez finir par vous prendre un palmier…

Ari se demanda ce qui avait bien pu provoquer ce changement d’humeur chez le vieil homme. Elle se tut et se concentra sur la route. Ils arrivèrent rapidement à la Pacific Community Police Station, où Vince fut placé dans une cellule en attendant son verdict.

Le lendemain, Vince comparut devant la juge Lansbury, au tribunal de Santa Monica, qui fixa sa caution à 2000 dollars. Vince fit alors appel à Jake, et lui demanda s' il pouvait l’aider à sortir de prison. Morgan ne croyait pas trop que son voisin cracherait deux plaques pour sortir un débris de prison. Et pourtant, contre toute attente, Turner avait accepté.

Vince le retrouva quelques heures plus tard, devant le poste de police. Son voisin l’attendait au volant de sa Mustang. Il portait ses lunettes de soleil et l’autoradio chantait “Sweet home Alabama”.

- La classe ! s’exclama Vince. Non seulement vous venez me sauver les miches, mais en plus vous le faites au volant de cette beauté !

Jake se contenta de répondre par un sourire.

- Sérieusement, continua Morgan, merci de m'avoir sorti de là ! Venez, je vous invite, on va boire une bière.

Jake refusa d'un claquement de langue.

- Non, merci. Je suis alcoolique. Je n'ai pas bu une goutte depuis vingt ans.

- VINGT ANS !? Wow ! On peut dire que quand vous êtes décidé, vous rigolez pas, vous. Chapeau ! Bon, plus sérieusement… pour les deux-mille dollars, je vous rembourserai…

- Pas la peine, répondit Jake. J’ai une autre idée. Si j’ai bien compris, vous êtes détective, et vous avez roulé votre bosse. Si je vous engageais pour retrouver ma soeur ?

- Heu… et la police ?

- Laissons-les faire leur boulot. Vous et moi, on peut travailler ensemble. Vous avez l'expérience et à ce que j'ai entendu, vous êtes efficace. En ce qui me concerne, j'ai déjà eu affaire à la police. Je crains qu’ils soient ralentis par les procédures. Je n'ai pas envie d'attendre. Je suis déterminé et s'il le faut, je sais me battre. Plus on sera, plus vite on la retrouvera.

- Vous avez conscience du danger que vous pourriez affronter ?

- Ne vous inquiétez pas pour ça. Je veux retrouver ma sœur. Coûte que coûte. Alors ? Deal ?

Vince regarda avec respect cet homme décidé à affronter un gang sanguinaire pour retrouver sa sœur.

- Deal.

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