Chapitre 17 : “Psycho Killer” - Talking Heads
Pedro prit soin de s’essuyer les pieds avant d’entrer dans la villa. Il se rappelait encore la fois où il avait laissé un peu de terre sur le carrelage du hall d’entrée, ce qui avait provoqué les foudres de Mercedes. Il ne voulait plus jamais vivre cette expérience. Il déambula dans les couloirs à la recherche de sa patronne. Il fut guidé par le son de la voix de madame Gloria accompagnant le rythme entraînant d’un morceau endiablé. Le jardinier trouva la dame sur la terrasse, un verre de Gin à la main, allongée sur un transat. Un grand parasol blanc-cassé la protégeait du soleil. Il faisait chaud, ce jour-là. Le parfum citronné du gin parvenait aux narines du jeune homme et lui donnait soif. Il se surprit à laisser vagabonder son regard sur les ondulations du corps de sa patronne.
Gloria ne l’entendit pas arriver, trop occupée à chanter : “Psycho-Killer… Qu’est-ce-que-c’est ? Pah-pah-pah-paaaaah-pah. Pah-pah-pah-paaaaah-pah…”. Elle sursauta en voyant le jeune homme debout à ses côtés et baissa le volume de son enceinte connectée en riant.
- Pedro ! Trésor, ne me fait plus jamais une frayeur pareille !
- Désolé, madame Gloria… Je voulais juste vous dire que j’ai terminé de rempoter les gardénias. J’allais commencer à m’occuper des arbustes près de la piscine, mais la pince coupante est cassée, et je dois aller en acheter une nouvelle.
- Oui, oui, d’accord… Demande à Mercedes qu’elle te donne de l’argent… Dans la commode, à l’entrée…
- D’accord, merci.
Le jeune homme parut hésiter un instant.
- Qu’est-ce qui se passe, Pedro ? Un souci ?
- C’est que… Je me demandais… Qui sont ces hommes à l’entrée de la propriété ? Et il y en a aussi autour de la maison…
- Tu as vu ? Ce sont mes nouveaux gardes du corps. J’étais obligée, avec ce dingue qui s’est introduit chez moi l’autre jour…
- D’accord… Ils ont l’air… plutôt féroces. Pour quelle entreprise de gardiennage travaillent-ils ?
Elle regarda son employé d’un air pensif.
- Et bien… disons que j’ai passé un marché. Ne t’en préoccupe pas.
- Ce sont des Machetes, c’est ça ?
- Ne t’inquiète pas. Ils travaillent pour nous.
- Faites attention, madame Gloria ! Ils… Ils sont dangereux… Je… Mon frère…
Gloria vit que Pedro voulait lui parler, mais qu’il hésitait.
- Je dois vous confier quelque chose… Mais il faut garder ça pour vous, c’est important…
- Qu’y a-t-il, trésor ? Tu commences à m'inquiéter…
- Les Machetes… Mon frère les a vu… Ils ont tué un homme et enlevé une femme, l’autre jour, à Venice.
Gloria comprit pourquoi son jardinier avait l’air si préoccupé. Oui, elle savait ce qui s’était passé, dans les moindres détails. En plus d’avoir assisté à un meurtre violent, Victor avait participé à un enlèvement. Enlèvement dont elle était l’instigatrice. Elle ressentit une pointe de culpabilité. Elle ne voulait pas que Pedro ou sa famille souffrent à cause de son désir de vengeance.
Elle n’eut pas le temps de répondre, car son téléphone portable se mit à sonner. Elle fit signe à Pedro qu’ils discuteraient plus tard et décrocha. C’était Alejandro Vidal.
- Gloria, très chère. Je vous appelais pour vous prévenir que nous avons bien reçu votre paiement plus que généreux. Je voulais vous remercier en personne.
- Vous savez ce qu’on dit. “Tout travail mérite salaire”. Je dois dire que je ne regrette pas mon investissement. La présence de vos hommes contribue à mon sentiment de sécurité.
- Très bien. En ce qui concerne notre autre… petite affaire. J’ai de nouvelles informations. Nous avons l’identité de la personne que nous avons invitée, selon votre demande. Quelque chose me chiffonne. Pourquoi elle ?
- Et bien… disons qu’il s’agit d’un petit caprice de ma part. Je voulais éloigner cette fille d’un homme que je connais depuis un moment. Et si, en passant, je peux mettre ses nerfs à l’épreuve, ça me va.
- Vous parlez de Jacob Turner ?
Gloria fut surprise de la vitesse à laquelle Vidal avait eu cette information.
- Et bien… oui. Nous avons un passé… compliqué… Il m’a fait du mal. Il m’a rejetée. Hors de question que cet homme soit heureux avec une autre que moi.
- Saviez-vous que la femme qui se trouve chez moi est en fait Olivia, sa sœur ?
Gloria eut le souffle coupé. Son cœur se mit à cogner dans sa poitrine. Sa sœur ? C’était la sœur de Jake, sur cette photo ?
- Je… je ne le savais pas. Mais ce n’est pas grave. Je dirai même que c’est encore mieux. Je pourrai atteindre ce fumier d’une façon encore plus cruelle.
- Mais que vous a-t-il fait exactement ? Je veux dire : ok, il vous a rejetée, vous avez été blessée. Mais si vous me permettez, je trouve que votre vengeance est quelque peu… démesurée. Et c’est un homme qui a l’habitude de semer la mort qui vous dit ça.
- Pour faire court, Jake Turner m’a, en quelque sorte, tuée. Ses actes ont provoqué un nombre incalculable de malheurs. La fille que j’étais à l’époque est bel et bien morte. Il aurait pu me sauver, mais il n’a rien fait.
- Comme vous voulez. Mais j’ai bien peur que cette poursuite de vengeance ne provoque votre chute. Et nous ne vous suivrons pas en enfer.
Elle raccrocha. Elle ressentit un sentiment mêlé de fureur et de bien-être. Jake allait déguster. Il allait enfin payer pour tout ce qu’il lui avait fait.
De son côté, Pedro, qui avait tout entendu depuis le mur de l’entrée, se dit qu’il devait retrouver cet homme qui avait fait du mal à sa patronne. Il se jura que plus personne ne la ferait souffrir. Il y veillerait personnellement.
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