Chapitre 25 : “Nothing Else Matters” - Metallica
Les nuits blanches, c’est un truc que je connais bien. Ça m'arrive une fois de temps en temps. Ça a commencé quand j’étais plus jeune, lorsque Liv et moi avons perdu nos parents, et que je me suis retrouvé englué dans une spirale d’autodestruction. À cette époque, j’arrivais à plus ou moins gérer. En vieillissant, par contre, ça pique de plus en plus. Je supporte mal le manque de sommeil. Ce qui donne comme résultat un vieil ours grincheux qui se mure dans une forteresse de silence.
Hier soir, ça a été très intense. Entre l’espoir de retrouver Liv et la découverte d’un cadavre, autant vous dire que ça a bien turbiné toute la nuit dans ma tête. Et puis, j’avoue que - ça reste entre nous, hein - j’ai beaucoup pensé à l’agent Ari Johnson. Sa douceur, son empathie alors que je venais de piétiner plusieurs lois de l'État de Californie… Le contact de sa main dans la mienne. Le numéro y est toujours. Je l’ai encodé dans mon portable, mais je ne l’ai toujours pas effacé de ma main. Je sais, c’est ridicule. Ajoutez à cela un sentiment d’inquiétude et de culpabilité envers ma pauvre sœur, qui doit être enfermée quelque part, à se demander pourquoi je n’ai pas encore été foutu de la retrouver. Je l’imagine déjà en train de m’enguirlander quand on la retrouvera. Oui, j’ai dit “quand” et pas “si”. Il est hors de question d’imaginer ne pas la retrouver. Ce n’est pas une option.
Bref, j’étais là, assis à la table de ma cuisine, en train de noyer mes pensées dans un café bien corsé, lorsqu’on a frappé à ma porte. Le contact froid du béton ciré sous mes pieds nus me ramena doucement à la réalité pendant que je me dirigeais vers la porte d’entrée, une boule d’inquiétude gonflant dans mon abdomen. C’était Vince. Lui non plus n’avait pas beaucoup dormi. Par contre, au lieu de se perdre dans des pensées plus ou moins stériles, il avait réfléchi à l’enquête. Après tout, c’est son boulot. Je crois que ça lui rappelle l’époque où il était un enquêteur hors-pair de la police de Los Angeles. Tant mieux, si ça peut affûter ses capacités et nous aider à retrouver ma soeur.
- J’ai appelé un de mes contacts au poste de police, commença-t-il en entrant sans que je l’y invite. Ça faisait plusieurs semaines que Lopez ne faisait plus partie des Machetes. Il avait même eu plusieurs entretiens avec un flic de la crim’, un certain O’Brien. Apparemment, il y a laissé sa camionnette. Elle serait utilisée régulièrement par le gang. Donc, on peut aisément considérer comme un fait établi que Liv s’est bien faite enlever par les Colombiens.
- “O’Brien” ? Ce ne serait pas le coéquipier de Johnson ?
Il me regarda, les yeux ronds. Il se dirigea vers la cuisine, s’assit et se servit du café.
- Merde… Il va falloir discuter avec ce connard prétentieux. Bon. On verra ça plus tard. De toute façon, il faut trouver un moyen de savoir où se terrent les Machetes.
- Tu as une idée ?
- A l’époque où le père Vidal gérait l’entreprise, ils possédaient une hacienda à Malibu.
Il sembla réfléchir intensivement en se grattant le menton. Puis il me lança un regard en coin.
- J’ai une idée… Mais c’est risqué. Et si on se fait choper, soit on va mourir, soit on va se faire remonter les bretelles par ta petite copine.
- Ma… quoi !? me suis-je étranglé.
- Mec… J’ai bien vu votre petit manège… (il prit une voix aiguë :) “Oh oui, monsieur Turner, prenez mon numéro personnel, appelez-moi, bisou bisou bisou”...
Je le dévisageais comme un demeuré, me demandant si ce clown avait vraiment été la légende dont on m’avait tant vanté les mérites.
- Bon, heu… C’est quoi ton idée ?
Il se gratta la tête…
- Et bien… Ce soir, toi et moi, on va aller à Malibu. Si, comme je le pense, le fils Vidal se trouve toujours là-bas, on devrait au moins avoir une piste.
- Pourquoi ce soir ? Allons-y maintenant !
- Tout doux, cowboy. Je te rappelle qu’on a affaire à un gang violent. On va y aller discrètement, en prenant soin de ne pas nous faire chopper. On risque gros sur ce coup.
Nous prîmes rendez-vous pour le soir même et il repartit de son côté. Il voulait aller se renseigner auprès de contacts qu’il avait gardé de l’époque où il était encore en service. J’ai voulu aller avec lui, mais il objecta que je ferais mieux de me reposer, me détendre, car ce qui nous attendait dans quelques heures risquait d’être intense.
Après son départ, j’ai donc décidé de me détendre à ma façon. Je me suis rendu à Venice Beach. Ma première idée était d’aller surfer un peu, mais j’étais trop inquiet pour ma sœur. J’ai préféré simplement profiter de la plage et réfléchir posément à la situation. Le contact du soleil sur ma peau me faisait du bien, comme si l’astre du jour voulait me rassurer. Le ressac des vagues, le sable s'immisçant entre mes orteils et le chant des mouettes, tout semblait avoir un effet apaisant sur mon âme tourmentée. Finalement, c’est plus déterminé que jamais que je quittai la plage, bien résolu à aller chercher ma sœur. Coûte que coûte.
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