Chapitre 26 : “Solitude” - M83
Liv, adossée à la paroi de planches de sa prison, réfléchissait à sa situation. Elle avait complètement perdu toute notion du temps. Depuis combien d’heures avait-elle disparu ? La lumière du jour ne passait plus par l’interstice entre les plaques de bois du toit et l’air était plus frais. Il faisait nuit, mais elle n’avait pas envie de dormir. Elle avait froid. L’odeur de poussière de bois était entêtante, dans cette pièce. Elle pensait à l’espèce de monstre qui devait la surveiller. Enfin, le terme “monstre” était peut-être un peu exagéré. Liv avait découvert que derrière l’aspect effrayant du géant, se cachait un homme assez… gentil. D’accord, il la gardait captive. Mais il passait souvent, pour voir si tout allait bien. Régulièrement, il lui apportait de l’eau fraîche, de la nourriture. Il avait même déposé une fleur sur un des plateaux. Il avait découvert qu’elle avait essayé à plusieurs reprises de s’enfuir, mais il se contentait de l'avertir, un peu comme s’il grondait une petite fille. Parfois, on aurait dit qu’il se sentait obligé d’être désagréable, comme s' il se rappelait ce qui se passait réellement. Mais au final, il avait toujours un geste, une attention, même discrète, pour la prisonnière.
Elle entendit le loquet de la porte s’actionner. Puis on frappa à la porte. Liv savait que c’était lui. Encore une chose surprenante de sa part. Il attendait toujours qu’elle l’invite à entrer avant de pénétrer dans la pièce.
Cette fois-ci, il avait apporté plusieurs coussins et des couvertures.
- La nuit risque d’être assez fraîche, commença-t-il. J’ai pas envie que vous tombiez malade. Vous êtes déjà assez pénible comme ça.
C’était sa tentative d’endosser son rôle de “méchant”.
- Je vais rester ici encore longtemps ? demanda-t-elle.
- Ça… Ça ne dépend pas de moi…
- Allez-vous enfin me dire pourquoi je suis ici ? Je ne comprends pas… Je ne suis personne ici… Est-ce que ça a un rapport avec une affaire que j’ai traitée en Angleterre ?
- Une affaire…? Vous êtes flic ?
- Non, avocate. J’ai défendu certaines personnes accusées de meurtres… Est-ce que…
- Non, la coupa-t-il. Ça n'a rien à voir.
Un silence pesant s’installa. Le géant était en train d’arranger un lit de fortune, essayant de le rendre le plus confortable possible.
- Est-ce que… je peux vous poser une question ? risqua Liv.
- Quoi ?
- Est-ce que je peux au moins savoir votre nom ?
El Titán sembla réfléchir. Puis il répondit :
- Manolo. Je m’appelle Manolo.
- D’accord. Moi, c’est Oliv…
- Olivia Turner. Ou Liv. Je sais.
L’avocate resta interdite, se demandant comment il avait eu ces informations. Elle le regarda se donner du mal pour lui arranger un nid douillet.
- Pourquoi vous faites ça ? demanda Liv.
- Quoi ?
- On dirait… On dirait que vous essayez de rendre mon… “séjour” le moins pénible possible…
Manolo, avec son masque de tête de mort, la regarda. Ses yeux, cernés de noir, ressortaient dans la pénombre, ce qui lui donnait un aspect encore plus dangereux.
- Écoutez, commença-t-il… Je… Je ne suis pas habitué à traiter avec des personnes… innocentes. Vous n’avez rien fait de mal… Pour moi, vous n’avez rien à faire ici. Mais c’est le patron - enfin, la patronne, plutôt - qui en a décidé ainsi. Ce genre de choses ne serait jamais arrivé du temps de Señor Eduardo.
- Señor Eduardo…?
- L’ancien chef du gang. C’était un homme bon. Il m’a donné ma chance, alors que tout le monde me fuyait.
- Je suis désolée si je suis un peu brutale… Mais avec de tels tatouages, ne vous attendez pas à être la mascotte du quartier…
Manolo baissa la tête, apparemment blessé par la remarque de Liv.
- Il y a… une raison à ce tatouage…
- Laquelle ? Pourquoi se défigurer ainsi ?
Il la regarda bien en face, et Liv cru voir une profonde tristesse dans ses yeux.
- Je… Je suis responsable de quelque chose… d’horrible. Je ne mérite plus le titre d’être humain.
- Je ne vous crois pas, répondit Liv. Vous n’êtes pas un homme mauvais.
- C’est pourtant ce que je suis. Je suis le mal. Je ne sais faire que du mal. Ca suffit, maintenant. Je ne suis pas là pour papoter.
Soudain, des cris retentirent dans la nuit. Un homme criait “Alerta ! Intrusos ! Intrusos !”. Manolo écarquilla les yeux. Il regarda Liv, inquiet et sortit de la pièce en trombe, claquant la porte derrière lui.
Annotations
Versions