Chapitre 31 : “Know Your Enemy” - Rage Against The Machine
“ ¿Dónde estabas?¹ J’étais mort d’inquiétude !”.
Pedro était furieux. Après avoir appelé son frère et laissé un million de messages sur son répondeur, le jeune homme était arrivé à la douloureuse conclusion que c’était lui, le Machete qu’on avait retrouvé mort dans le parking de Muscle Beach. Il ne savait pas comment il allait annoncer ça à sa mère, qui était toujours au travail.
Il était chez lui, rongé par l’inquiétude. Il ne savait pas s’il devait aller voir la police, attendre leur appel, partir à la recherche de son frère…? Son cœur était tordu de douleur. Il n’arrivait pas à réfléchir, marchant de long en large dans leur salon.
Et puis Victor réapparut, franchissant la porte de leur petit appartement de Shato Street, comme si rien ne s’était passé. Le soulagement fut de courte durée, très vite remplacé par une colère sourde chez Pedro.
- Tu n’as plus de batterie ? Ton téléphone est en panne ?? Réponds ! Tu as intérêt à avoir une bonne raison de m’avoir laissé penser que tu étais mort !
Ivre de colère, il avait empoigné son frère et l'avait plaqué au mur.
- Détends-toi, mec, répondit Victor, en levant les mains dans un geste de reddition. Je l’avais juste oublié chez un pote.
- Comment peux-tu être si détendu !? Tu n’es pas au courant ? Un de tes copains du gang s’est fait assassiner, à la mode Machetes ! Tu te rends compte qu’ils commencent à s'entre-tuer !?
- Je… Non, je ne pense pas que ce soit un de nos gars qui a fait le coup. On a eu une espèce de réunion avec Monsieur Vidal. Il nous a passé un savon et a essayé de savoir si c’était l’un d’entre nous qui avait tué Tito. Mais aucun d’entre nous n'aurait pu le faire. De un : Tito était vraiment apprécié, c’était un chouette gars. De deux, on était tous occupés à différentes petites missions qu’on nous avait attribuées…
- Des “missions”...?
- Ouais… Crois-moi. T’as pas envie de savoir de quoi il s’agit…
Victor se laissa tomber dans le canapé et alluma la télé. Pedro le regardait, ne reconnaissant plus du tout son petit frère. Celui qui s’était confié, l’autre soir, à l’Arbre des Secrets, était reparti, très loin. Ne restait plus que cet individu froid et sans âme forgé par un gang sanguinaire. Les yeux cernés de noir, les griffures sur ses avant-bras, recouverts de tatouages du gang, ses vêtements sales et déchirés, tout montrait que Victor allait de plus en plus mal. Son mode de vie violent commençait à prendre le dessus.
- Mec… Je t’en supplie, implora Pedro. Quitte cette bande, avant qu’il soit trop tard.
- Fous moi la paix…
- ¡Come mierda!² s’emporta Pedro. Il partit en claquant la porte.
Il sortit dans la rue en rugissant de colère, faisant reculer des passants qui se trouvaient sur son chemin. Un embouteillage s’était formé devant son immeuble. Il slaloma entre les voitures, coupant la route à un automobiliste. Celui-ci klaxonna et regretta instantanément son geste sous le regard pesant du jeune homme, les muscles gonflés de colère, qui s’était arrêté d’un air provocateur avant de continuer son chemin. Une odeur de pots d’échappement traînait dans l’air, irritant la gorge. Le soleil de plomb frappait sans ménagement qui osait sortir en rue. Pedro avait l’impression qu’il allait imploser. Mût par sa colère, il se dirigea d’un pas rageur vers la porte de métro Wilshire/Vermont. Il devait aller tailler des buissons chez madame Gloria, et il allait être en retard. Durant le trajet dans le métro, il repensa à toute cette histoire. Victor, et même madame Gloria, ils s’étaient tous fait embobiner par ce Vidal. Une boule de colère restait bloquée dans le fond de la gorge. Il n’avait qu’une envie. réduire au silence Alejandro Vidal. Une bonne fois pour toutes.
Il arriva alors que sa patronne était sur le point de quitter la maison avec son avocat, qui la suivait comme un bon petit chien. Elle passa à côté de son jardinier en le saluant chaleureusement et s’arrêta net, intriguée par sa mine défaite.
- Et bien, Pedrolito… Tu en fait, un tête ! Que se passe-t-il…?
- Oh… Madame Gloria… C’est Victor. Encore.
Elle le prit à part, l’air concernée.
- Raconte-moi tout, l’encouragea-t-elle.
- Vous savez qu’on a retrouvé un Machete mort, les mains coupées ?
Gloria détourna le regard, l’air gênée.
- Heu… Oui… C’est plutôt surprenant…
- Surprenant !? s’énerva Pedro. Je ne crois pas, non. De la part d’un gang mené par un psychopathe, plus rien ne m’étonne ! Et mon petit frère se retrouve au milieu de tout ça ! Et je ne peux rien faire !
- Oui… Je comprends ton inquiétude. Je vais essayer de parler à Alejandro pour qu’il le laisse partir. Je vais faire ce que je peux.
- Vous auriez pu le faire depuis longtemps ! répondit-il, sa voix tremblant de colère. Vous disiez que vous alliez vous occuper de Vidal. Je crois plutôt que c’est lui qui vous tient dans sa toile !
Elle voulut répondre, mais il partit en direction du jardin, furieux. Elle le regarda tristement. Jason vint la retrouver.
- Tout va bien, Gloria ?
- Non, Jason. Je me suis engagée dans quelque chose de… Bref. Il va falloir que je prenne des décisions plus drastiques.
¹ : "Où étais-tu ?"
² : Expression vulgaire pour dire "Va te faire voir".
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