Chapitre 34 : “Monster” - Imagine Dragons
Liv ouvrit les yeux en sursautant. Elle avait fait un cauchemar. Elle était désorientée et nauséeuse, se demandant où elle se trouvait. Elle regarda autour d’elle. Elle se trouvait dans une pièce en blocs de béton bruts, éclairée par des néons, dont la lumière blafarde peignait les murs de tons froids. Elle était assise sur le sol, menottée à un radiateur qui ne fonctionnait pas, qui la maintenait dans une position inconfortable. Elle avait mal au dos et aux fesses. Il y avait un tuyau rouillé au plafond, duquel tombaient des gouttes dans un plic-ploc sonore, comme pour égrainer le temps. Une odeur d’humidité et de poussière la prenait à la gorge. La pièce était aveugle. Seule une porte de métal en permettait l’accès.
Elle essaya de se rappeler ce qui s’était passé. Comment était-elle arrivée ici ? Elle se souvint que Manolo lui avait rendu visite. Puis il y avait eu des cris et le géant était sorti à la hâte. Elle avait collé son oreille à la paroi de bois, le cœur battant, espérant que ce soit enfin la police qui l’avait retrouvée. Mais ce n’était pas des injonctions de policiers qu’elle avait entendues. Avec stupeur, elle perçut très clairement la voix de son frère, suivi de bruits de lutte. Des coups de feu avaient retentis, puis une voiture avait surgi. Elle avait entendu des cris et soudain, un choc sourd. Le bolide avait redémarré en trombe, disparaissant dans la nuit. Il y eut encore quelques éclats de voix, puis le silence. Un silence assourdissant. Après quelques minutes, elle avait risqué un œil à travers un interstice entre deux planches, et elle avait vu Manolo, se tenant le côté et boitant. Il était sérieusement blessé et cette vision du titan, souffrant et affaibli, fut déstabilisant pour Liv. Deux hommes le soutenaient et l’emmenaient en direction de la maison. Peu de temps après, la porte de sa prison s’était ouverte. Elle avait tout de suite reconnu le visage des deux individus qui avaient pénétré pour l’attacher et l’emmener de force. C’étaient les deux hommes qui l’avaient enlevée. Elle s’était débattue de toutes ses forces, mais cette fois-ci, l’un deux lui avait plaqué un chiffon imbibé de chloroforme sur le visage. Elle avait sombré rapidement pour se réveiller, quelques heures plus tard, dans cette pièce lugubre.
Une seule certitude demeurait. Jake avait retrouvé sa trace. Elle avait encore de l’espoir, même si maintenant, il était évident que les Machetes l’avaient déplacée ailleurs. Jake allait la retrouver. Elle en était sûre. Son frère pouvait se montrer terriblement têtu. Dans sa situation, cette idée la réconforta.
Un cliquetis de clés dans une serrure attira son attention et la porte s’ouvrit dans un frottement métallique. Ses deux ravisseurs apparurent, le sourire mauvais. Ils la regardaient d’un œil porcin.
- Dis donc, Pablo, commença le plus petit des deux. Tu t’ennuies pas, toi ?
- Ouais, Javier. Ouais, je m’ennuie. Mais on a ici une petite chose avec qui on pourrait s’amuser, hein ?
Liv sentit un picotement dans sa nuque. Non. Elle n’allait pas finir comme ça ! Elle n’allait pas être souillée dans les mains de ces deux porcs ! Ils s’approchèrent, lentement, en ricanant. Le plus grand arborait des chicos jaunes et s’esclaffait d’un rire gras. Ils dominaient Liv de toute leur hauteur, la menaçant, toute petite, toute recroquevillée à leurs pieds. Elle ferma les yeux, attendant la suite, impuissante.
Soudain, un rugissement les cloua sur place. Ils pivotèrent et virent Manolo, qui dardait son regard noir sur eux. Ils bafouillèrent des excuses et disparurent sans demander leur reste. Liv ne pût réprimer un sourire de soulagement. Elle était heureuse de voir que le géant avait l’air d’aller bien. Elle savait aussi qu’il ne lui ferait aucun mal. Du moins, elle l'espérait.
Il s’approcha lentement, le regard triste. Il posa son regard sur les menottes. Il commença à tirer dessus, mais la manipulation tordait la main de Liv et risquait de la blesser. Il regarda le radiateur, pensif. Celui-ci était très vieux, rouillé. Alors il le saisit et tira de toutes ses forces. Dans un premier temps, rien ne se passa, et Olivia pensa que l’homme avait présumé de ses forces. Soudain, le métal émit une plainte et la tôle commença à se décrocher du mur, avant de céder. Le tuyau d’arrivée fut arraché, ce qui libéra la prisonnière.
La femme le regarda, impressionnée et reconnaissante.
- Merci ! s’exclama-t-elle.
- Ne vous réjouissez pas trop vite. Vous êtes toujours prisonnière. Mais inutile de vous traiter comme un animal. Je vais essayer d’améliorer un peu votre confort.
- Je… Vraiment, merci. Je suis contente de vous voir. J’ai cru qu’il vous était arrivé quelque chose de grave.
Le géant baissa la tête, apparemment touché par ce que Liv venait de dire.
- J’ai été un peu… secoué. Mais maintenant, je vais mieux… Merci.
- Et… mon frère… Je…
- Il a réussi à s’enfuir. Il n’a pas été blessé. Mais s’il revient, je ne le laisserai pas repartir.
Liv se tut. Malgré sa bienveillance, Manolo restait un Machete. Elle avait failli l’oublier. Ils gardèrent le silence. Seul persistait le plic-ploc de la fuite d’eau, dans un coin sombre de la pièce.
- Elle… Elle s’appelait Dolores, déclara le titan, comme pour lui-même.
- P… Pardon ? demanda Liv.
- J’aimais une femme. Dolores. Nous étions jeunes. C’était avant les Machetes. Je faisais partie d’une bande. On avait déjà braqué plusieurs commerces. C’était notre truc.
Liv garda le silence, écoutant attentivement l’histoire de Manolo.
- Dolores n’aimait pas ce que je faisais. Elle n’aimait pas les gars avec qui je traînais. Elle disait que ce que nous faisions était mal. Elle avait peur que je finisse en prison, ou pire… Elle avait raison. Je l’aimais comme un fou. Alors je lui ai promis… que j’allais arrêter et que nous allions partir ensemble, loin. Mais je lui ai menti. Je devais participer à un dernier coup. Encore juste un seul. Pour avoir assez d’argent, pour recommencer notre vie. Juste un seul… Je ne lui ai rien dit.
Il baissa la tête, les yeux brillants.
- Je… J’étais au volant. J’attendais les autres, qui étaient dans une banque. J’ai entendu des coups de feu. Ils sont sortis avec le butin et j’ai démarré. Ils m’ont dit que ça s'était mal passé. Ils ont abattu le garde de sécurité. Dans la débâcle, des gens sont morts. J’avais honte. Plus tard, je suis allé chez Dolores. Je voulais tout lui raconter, lui demander pardon. Et si elle voulait encore de moi, on serait partis ensemble. Sauf que Dolores n’était pas là. Sa mère m’a dit qu’elle l’avait envoyée à la banque, qu’il y avait eu un braquage… et…
Des larmes coulèrent sur les joues du géant. Il gardait le silence, trop ému pour ouvrir la bouche. Liv pleurait aussi, regardant cet homme dévoré par le remords. Il se reprit et termina son histoire.
- Je me suis livré à la police. Je ne méritais plus d’être libre. Je suis sorti quelques années plus tard, mais la douleur était toujours là, même si j’avais payé ma dette à la société. Je suis passé un jour devant un salon de tatouage. Je voulais que tout le monde voie qui je suis vraiment.
Manolo se tut, gardant les yeux baissés et s’assit lourdement sur le sol. Ses épaules, affaissées sous le poids de la culpabilité, formaient un arc de cercle. Liv s’approcha doucement de lui. Elle le regarda longuement puis posa sa main sur sa joue. L’homme leva les yeux sur elle, surpris. Puis elle s’approcha et le prit dans ses bras.
Il se raidit d’abord, surpris par le geste de la femme. Puis sa main se posa doucement sur sa tête, affectueusement. Il fondit en larmes et enfouit son visage dans le cou de Liv. Ils restèrent ainsi un bon moment.
Annotations
Versions