Chapitre 35 : “I wanna be yours” - Arctic Monkeys

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Ce matin-là, je me suis levé comme d’habitude, vers sept heures, pour aller au boulot. Je devais me rendre à l’évidence. Je ne pouvais pas rester chez moi, les bras ballants à attendre que Liv revienne, tout comme je ne pouvais pas intervenir comme je le voulais pour la retrouver. J’ai bien retenu le conseil de l’inspecteur Johnson. J’ai voulu jouer les héros, et je m’en suis mordu les doigts. Clark, mon chef de service, m’avait appelé à plusieurs reprises pour prendre des nouvelles et m’assurer aussi que je pouvais prendre le temps dont j’aurai besoin dans ma situation. Il se montrait compréhensif, mais le connaissant, je savais qu’il trépignait pour que je me remette au travail. J’avais appris en discutant avec Jay, le collègue avec qui je m’entends le mieux, que l’équipe avait quelques soucis avec Penelope, notre robot conversationnel. Il était temps que je remette le pied à l’étrier. Je me sentais coupable, j’avais l’impression d’abandonner Liv à son triste sort. mais en y réfléchissant, les inspecteurs étaient sur le coup. C’était leur boulot et ils savaient ce qu’ils faisaient.

J’étais en train de penser à tout ça en buvant mon café. Je m’étais installé dans le jardin, espérant que la douceur matinale qui y régnait réussirait à m’apaiser un peu. L’air avait gardé sa fraîcheur de la nuit et la rosée faisait briller ma pelouse dans les premiers rayons du soleil. Un colibri virevoltait parmi les plantes à proximité, à la recherche de son petit-déjeuner. Ses pépiements et son bruissement d’ailes passaient presque inaperçu, perdus dans la rumeur de la circulation sur Pacific Avenue. J’étais complètement crevé. Je n’avais pas fermé l'œil de la nuit, tourmenté par l’image de ma sœur, gardée prisonnière par des fous furieux. Et puis, j’ai beaucoup repensé à ce qui s’est passé avec Ari Johnson… Je ne savais pas quoi en penser. Ce genre de débordement ne me ressemble pas. Après la rupture avec Helen, je me suis promis de ne plus tomber amoureux… à ce point. J’ai eu quelques relations depuis, mais je suis toujours resté assez réservé, voire distant. Il y a bien eu quelques filles avec qui je commençais à me sentir bien. Mais lorsque je m’en rendais compte, directement, une alarme se mettait à sonner dans mon esprit et je finissais par mettre un terme à la relation. J’avais toujours peur que ça aille trop loin. Peur de m’engager, pour ensuite subir une nouvelle déception.

Ce que je ressentais pour l’inspecteur Johnson était bien différent. Je ne dirais pas que j’étais tombé amoureux. Pas à ce stade. Je veux dire, on ne se connaissait pas vraiment. Alors pourquoi je n’arrêtais pas de penser à elle ? Pourquoi rester bloqué sur ce moment furtif, mais aussi intense qu’une descente de montagnes russes ?

La sonnette de ma porte d’entrée retentit, me ramenant à la réalité. Je ne savais pas qui cela pouvait être, mais à cette heure, ça devait être sérieux… C’était justement Ari. Mon cœur s’est mis à cogner très fort dans ma poitrine. J’étais à la fois heureux de la revoir, mais aussi troublé. Pourquoi était-elle venue chez moi si tôt ce matin ? Quelque chose n’allait pas. Elle avait l’air soucieuse, inquiète. Je l’ai invitée à entrer et nous sommes allés nous asseoir dans mon canapé. Le sol en béton lissé me semblait trop froid pour mes pieds nus, ce qui accentua mon malaise. Ma main se mit à agripper l'accoudoir de cuir élimé, comme si je savais déjà qu’elle avait une mauvaise nouvelle à m’annoncer.

- Que se passe-t-il ? ai-je demandé, une boule d’inquiétude me tordant les entrailles.

- Nous… Nous avons perquisitionné l’endroit où nous pensions pouvoir retrouver votre sœur et…

- “Vous pensiez”...? Quoi, vous ne l’avez pas trouvée ? Il s’est passé quelque chose ?

Elle baissa la tête, cherchant ses mots. L’idée qu’il était arrivé quelque chose de terrible germa dans mon esprit. Mon cœur s’est emballé. Une sensation de nausée me monta à la gorge.

- Elle n’était pas là. Aucune trace d’elle.

Il me fallut quelques secondes pour intégrer cette information.

- Mais… Je l’ai entendue ! C’était bien elle j’en suis certain !

- Je vous crois. Vraiment. De toute évidence, ils ont été prévenus de notre arrivée et ils l’ont changée de place.

Un silence pesant s’est installé. Le désespoir me prit à la gorge, me coupant la respiration.

- Qui pouvait bien savoir que vous alliez vous rendre là ? ai-je demandé.

- Personne… seuls ceux qui ont participé à cette opération étaient au courant.

Je l’ai regardée d’un air entendu. Pas besoin de lui suggérer qu’il y avait peut-être quelqu’un, au sein du L.A.P.D., qui jouait un double jeu. Cette idée me mit en rogne pour de bon. Je me suis levé et j’ai commencé à arpenter la pièce. J’avais envie de crier, de frapper. Je commençais à croire que je ne reverrai jamais Liv. Cette idée me chamboula tellement que des larmes de colère me montèrent aux yeux. Ari me regardait, impuissante et abattue. En la voyant troublée ainsi, je me suis efforcé de me calmer. Elle était de mon côté, elle ne méritait pas d’être accablée de la sorte. Les mains sur les hanches, regardant le sol, j’ai essayé de garder la tête froide.

- Ecoutez, ai-je commencé. Je… Je vous fais confiance. Je sais… Je sais que vous faites tout ce que vous pouvez.

Elle leva vers moi des yeux reconnaissants.

- Merci. Je… Ça me rend dingue. Rien ne va dans cette enquête. On est dans un cas d’enlèvement sans motif apparent, sans demande de rançon… On dirait juste une mauvaise blague… Sans parler de tous ces meurtres qui semblent pointer du doigt les Machetes. Et pour finir, quand on croit avancer, le gang a un coup d’avance. Je ne sais pas qui les a prévenu de notre arrivée. Mais si je le chope…

- Vous n’avez aucune idée ? Il n’y a personne qui vous vienne à l’esprit ?

- Non… Qui aurait le moindre intérêt à bousiller cette affaire ?

J’ai réfléchi, fouillant ma mémoire, à la recherche d’un élément qui aurait pu nous aider.

- J’ai vu une femme, chez Vidal. Blonde, assez jolie. Sophistiquée. Ça ne vous dit rien…?

- Non, fit-elle après un moment de réflexion.

- J’ai l’impression de la connaître. Son visage ne m’est pas inconnu.

- C’est peut-être une piste à vérifier. Vous pourriez la décrire à notre portraitiste ?

- Je crois, oui… Et en attendant, qu’est ce qu’on fait…?

Elle me regarda, pensive. Je voyais qu’elle était partagée entre deux idées. Puis elle se décida.

- Je vous tiens au courant. Je… J’ai du mal à l’admettre, mais je vais devoir être très prudente. Je ne sais plus à qui je peux me fier. A part Robbie. C’est mon coéquipier depuis des années. Il a déjà risqué sa vie pour moi. Et il était avec moi lors de l’opération. Nous avons subi cet échec ensemble. Venez dès que possible au poste pour qu’on puisse établir le portrait de cette femme dont vous me parlez. On ne sait jamais.

Je hochais la tête. Puis je la regardais, n’osant pas dire le fond de ma pensée.

- Autre chose ? me demanda-t-elle.

- Je… Non.

Elle me regarda. Elle avait compris. Je restai silencieux, regardant le sol.

- Je n’y arrive pas, ai-je chuchoté. Je ne peux pas faire comme si rien ne s’était passé, l’autre soir.

Elle se leva et s’approcha doucement de moi. A ma grande surprise, elle se permit de me caresser la joue. La chaleur de sa main sur ma peau avait quelque chose de rassurant, d’une incroyable douceur. Je l’ai regardée. Elle posait sur moi un regard compatissant, plein de tendresse.

- Je sais. Moi non plus, je n’y arrive pas. Et pourtant, il va bien falloir qu’on y arrive. Du moins pour le moment. Je ne peux pas me laisser aller tant qu’on aura pas retrouvé votre sœur. Je vais avoir besoin de vous sur ce coup-là. Ok ?

Je suis resté sans rien dire. J’ai juste hoché la tête. Elle avait eu les mots justes. Elle ressentait la même chose que moi, mais nous devions d’abord retrouver Liv.

Elle est repartie continuer son enquête. Je me suis préparé à partir au boulot, la tête pleine de questions. Allions-nous retrouver Liv ? Était-elle en danger ? Qui était cette femme blonde ?

Une seule certitude demeurait. J'étais terrifié à l'idée de ne plus jamais revoir ma sœur, de savoir qu'elle était peut-être en train de souffrir. Je mettais tous mes espoirs dans le fait qu’ Ari Johnson pouvait la retrouver. Elle était mon seul espoir. De plus, elle semblait me comprendre. Être en parfaite osmose avec moi. Et c'est peut-être pour ça que j’étais tombé fou amoureux d’elle.

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