Chapitre 38 : “The Pretender” - Foo Fighters

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Le soleil se couchait doucement, colorant les immeubles de Pico Union d’un rouge flamboyant. Pedro venait de rentrer. Il avait passé la journée à travailler dans le jardin des Williamsons. Le terrain entourant leur propriété était gigantesque, et le jeune homme savait que l’entretien mensuel qu’il devait y faire pouvait durer un, voire deux jours entiers. Ça ne le dérangeait pas. Le travail ne lui faisait pas peur et la paye était bonne. Il sortait de sa douche lorsque son téléphone portable sonna, interrompant le morceau de Glass Animals qu’il était en train d’écouter. C’était Victor. Il était paniqué.

- Pedro ! Hermano ! Aide-moi ! Ils vont me tuer !

- Victor ? déclara le jeune homme, inquiet. Que se passe-t-il ?

Il entendait que son frère était essoufflé. On aurait dit qu'il courait.

- Je… Ils sont après moi… Je vais me faire buter !! AAA…

Le cri du jeune homme fut interrompu brusquement. Des sons étouffés, des parasites, puis la communication avait été coupée. Pedro, le cœur battant, appela le nom de son frère plusieurs fois, de plus en plus fort. Il essaya de le recontacter, mais seule la boîte vocale lui répondit.

Debout au milieu de sa chambre, Pedro sentit la panique s’emparer de lui. Un frisson lui parcourut l’échine, le message robotique se déroulant avec un automatisme désespérant dans le combiné. En une seconde, il sortit de sa torpeur et prit une décision. Ses mains tremblaient mais il arriva à composer le numéro de la police. Après deux sonneries, une dame à la voix traînante lui répondit.

- 911, quelle est votre urgence ?

- Madame ! Mon frère, il faut aider mon frère !

- Que se passe-t-il ?

Pedro essaya de se calmer. Il avait le souffle court. Il voulait être le plus clair possible.

- Je m'appelle Pedro Aguilar. Mon frère, Victor Aguilar vient de m’appeler. Il m’a dit qu’il était poursuivi par des Machetes. Il n’a pas eu le temps de m’en dire plus, la communication a été coupée. Mais je crains le pire, madame ! Il faut l’aider !

- Les Machetes ? Vous voulez parler du gang ?

- Mais oui, le gang ! s'énerva-t-il. Pas l’équipe de basket !

- A quel endroit se trouve votre frère ?

- Je… Je ne sais pas..

- Nous avons besoin de plus d’informations pour intervenir, monsieur…

Pedro se rendit compte qu’il n’avait aucune idée du lieu où se trouvait Victor. Désespéré, il ne savait plus quoi dire. L’agent au téléphone repris :

- Vous vous trouvez bien au 2847 Leeward Avenue ?

- Oui.

- Je peux envoyer une voiture de patrouille vérifier les environs, mais c’est tout ce que je peux faire avec les informations que vous me donnez…

Impuissant, Pedro sentit une bouffée de colère monter et lança son téléphone, qui explosa contre le mur. Il regretta instantanément son geste. Si son frère voulait le rappeler, ce serait désormais impossible. Il décida de se rendre aux bureaux de police par lui-même et de tout faire pour tenter de le retrouver sain et sauf.

Il prit le métro à partir de Wilshire/Vermont en direction de Union Station et descendit deux arrêts plus loin pour se rendre au QG du L.A.P.D., sur West 1st Street. Le trajet dura en tout moins d’une demie-heure, mais lui sembla prendre une éternité. Il trépignait nerveusement, pris par l’urgence de la situation et le désespoir, provoquant les regards en coin des autres usagers.

C’est au pas de course qu’il franchit les derniers mètres le séparant de sa destination, sous les protestations des passants bousculés dans sa hâte.

Il déboula au poste de police et fila tout droit à l’accueil, passant devant les personnes qui patientaient depuis un moment.

- Il faut m’aider, commença-t-il, ignorant une grosse dame qui rouspétait parce qu’il l’avait dépassée.

- Monsieur, veuillez attendre votre tour, déclara l’agent à l’accueil, un homme d’une quarantaine d’années en uniforme.

- S’il vous plaît ! C’est une question de vie ou de mort !

- Qu’est ce qui se passe ? demanda une inspectrice qui passait par là.

Pedro se tourna vers la femme et s’expliqua.

- Los Machetes ! Ils vont tuer mon frère !

- Suivez-moi, l’invita la jeune femme.

Ils se mirent à l’écart. La femme reprit.

- Je suis l’inspecteur Ari Johnson. Que se passe-t-il ?

- Je m’appelle Pedro Aguilar. Mon frère, Victor Aguilar, vient de m’appeler. Il… Il a des problèmes avec les Machetes.

- Quel genre de problèmes ?

- Ecoutez… Je ne veux pas lui attirer d’ennui… Mais là, sa vie est en jeu.

- Vous pouvez me parler. Je vais voir ce qu’on peut faire.

- Il fait partie du gang, lui aussi. Mais, je ne sais pas… Je crois que ça commence à chauffer pour eux. J’ai entendu qu’il y en a qui se sont fait buter… comme si c’était les Machetes eux-même qui s’en étaient occupés. Et là… Victor m’a appelé. Il se faisait poursuivre par des membres du gang. Il m’a dit qu’ils voulaient le tuer, puis la communication à été coupée.

Ari se mit à réfléchir. Elle eut peur qu’un nouveau meurtre survienne. Il fallait agir, et vite.

- Ok… Comment était habillé votre frère ? Et dans quel coin a-t-il l‘habitude d’aller ?

- Ce matin, il portait un jean baggy, un t-shirt blanc avec une tête de mort et un sweat à capuche kaki. Par contre, depuis qu’il traîne avec le gang, je ne sais pas trop où il va… Il a changé. Il ne me dit plus rien.

Le jeune homme baissa la tête, apparemment ému par ce constat.

- Écoutez, reprit Johnson. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il se pourrait que les éléments dont vous me parlez coïncident avec l’enquête que nous sommes en train de mener concernant le gang. Nous connaissons les endroits où ils sont susceptibles de se retrouver, nous pourrions commencer par là… Vous n’avez vraiment aucune idée d’où il pourrait se trouver ?

- Non, répondit tristement Pedro.

Il resta interdit, semblant vouloir ajouter autre chose.

- Autre chose ? demanda Ari.

- Et bien, hésita-t-il. Je sais certaines choses, concernant les Machetes. Mais ça implique des personnes que j’aime… et je ne veux pas d’ennuis.

- D’accord, répondit l’inspecteur, pouvez-vous venir avec moi dans mon bureau ? Nous serons plus à l’aise pour parler de tout cela.

Il la regarda, semblant hésiter. Puis il accepta.

Ils prirent l'ascenseur vers le troisième étage, grouillant d'activités. Des inspecteurs tapaient des rapports sur leur ordinateur, d’autres étaient au téléphone. Un clochard criait, emmené par deux agents en cellule de dégrisement. Une prostituée, assise à un bureau en face d’un inspecteur, le toisa en lui faisant un clin d'œil.

Pedro suivit l’inspecteur Johnson jusqu’à son bureau et s’assit en face d’elle.

- Ok, attaqua l’inspecteur. Reprenons. Vous disiez avoir des informations sur les Machetes…?

- Heu… Ouais. Je ne sais pas si ça a un rapport… mais je connais une femme qui a… passé une sorte d’accord avec Alejandro Vidal.

- Un accord ? Il va falloir m’en dire plus, Pedro.

- Ma patronne. Elle s’est associée aux Machetes… pour se protéger. Elle est assez connue, et elle estimait que les sociétés de gardiennages n’étaient pas assez… dissuasives.

- C’est une idée… bizarre et dangereuse… Vous êtes sûr que leur accord ne porte pas sur autre chose ?

- C’est tout ce que je sais… Je pense qu’il y a d’autres enjeux engagés… Mais je n’en suis pas sûr… Ce qu’il y a, c’est qu’elle s’est faite piéger. Madame Gloria est une bonne personne. Je pense que Vidal la tient, d’une façon ou d’une autre. Je crois que ça a un rapport avec un homme qui l’a fait souffrir. Un certain Jake.

Ari leva un sourcil.

- Jake ? Que lui aurait fait cet homme ?

- Je ne sais pas trop. J’ai entendu une conversation téléphonique où elle disait que cet homme l’avait “tuée”. Qu’il aurait pu la sauver, mais qu’il n’a rien fait.

À ce moment-là, un homme, grand et plutôt sportif, sortit d’un bureau adjacent, suivi d’un autre qui tenait un carnet de croquis. Pedro remarqua qu’il regardait l’inspecteur Johnson d’un drôle d’air. Celle-ci le remarqua et s’adressa à lui.

- Tout s’est bien passé, monsieur Turner ?

Il fit une drôle de tête à la mention de son nom.

- Heu… Ouais, merci. J’ai fait de mon mieux. Le portraitiste a fait du bon boulot.

A ses mots, l’homme au carnet de dessin tendit à l’inspecteur une feuille A3, sur laquelle se trouvait le portrait d’une femme. Pedro reconnut instantanément Gloria.

Pouvez-vous m’attendre dans le bureau ? demanda-t-elle à "monsieur Turner". J’ai encore deux trois choses à voir avec vous.

- Ok, bien sûr…

Elle attendit qu’il parte et reprit sa conversation avec Pedro.

- Connaissez-vous cette femme ? demanda-t-elle en montrant le portrait.

- Et bien… oui. C’est elle. C’est ma patronne. Gloria Rockwell.

- Gloria Rockwell ? L’héritière qu’on voit sur les tabloïdes ?

- Exact.

Ari fit un gros effort pour cacher son agitation. Le fait que la patronne de Pedro soit cette femme vue chez Vidal confirmait qu'elle avait des affaires avec les Machetes. Mais ce qui la perturbait le plus, c'était l'idée que Jake ait pu lui faire du mal. Ari avait du mal à l’accepter. Certes, elle ne le connaissait que depuis peu, mais il ne semblait pas être ce genre d’homme. Et pourtant, les paroles de Pedro étaient claires. Ari se sentit stupide d’avoir si vite succombé à son charme et se promit de ne plus se laisser aveugler. Peut-être qu’il s’agissait d’un malentendu ? Ou que la situation était plus complexe qu’elle ne le pensait... Mais si Jake l’avait vraiment blessée, Gloria aurait-elle pu s’associer aux Machetes pour se venger ? Enlever Liv aurait été un coup dur… et une vengeance cruelle. Cette idée, d'abord floue, prit lentement forme dans son esprit. Elle sentit une angoisse monter. Et si c’était ça ? Si tout ça tournait autour de Jake et de ce qu’il avait fait à Gloria ?

Elle remercia Pedro et lui promit de tout faire pour retrouver son frère. Le jeune homme la remercia et se leva pour se diriger vers les ascenseurs. Il s’était un peu calmé, même si l’inquiétude lui serrait encore les entrailles. Il entra dans la cabine et, juste avant que la porte se referme, il vit l’inspecteur Johnson parler au grand costaud. Et il l’ entendit très nettement appeler l’homme “Jake”.

Là, au milieu des autres occupants en train de descendre vers le rez-de-chaussée, Pedro crut qu’il allait devenir fou. Il resta comme subjugué, n’arrivant pas à y croire. Alors que cette femme venait de lui promettre de l’aider, voilà qu’elle parlait à cet homme dont il venaient de discuter juste avant ! Son cœur se mit à battre furieusement, la colère grondant dans ses muscles tendus. Elle s’était bien moquée de lui ! Elle connaissait ce Jake, mais elle ne le lui avait pas dit !

Arrivé au rez-de-chaussée, il poussa les personnes devant lui pour se frayer un chemin vers la sortie. Il devait absolument prendre l’air, et vite. La rage le serrait à la gorge. Il se dit qu’il ne pouvait pas faire confiance à la police, qu’ils n’en avaient rien à battre de son cas.

Sur les marches de l’entrée, il croisa Jason Finnley. Celui-ci le toisa de haut en bas, ne s’attendant pas à le voir ici. Pedro vit dans cette rencontre une lueur d’espoir. Peut-être que l’avocat pourrait l’aider.

- Monsieur Finnley ! J’ai besoin de votre aide !

- Que se passe-t-il ? demanda l’avocat.

- Mon frère a des problèmes ! Il est en danger, les Machetes veulent sa peau !

- Et alors ? Il fallait s’y attendre, non ? A force de traîner dans la boue, on se salit…

- Quoi !? demanda le jeune homme, furieux et abasourdi. Vous traitez vous même avec le gang !

- Oui, mais moi, je n’ai pas eu le choix. Et c’est mon métier. Ne me confondez pas avec la vermine, compris ?

Pedro sentit une explosion de rage s’emparer de lui. Il empoigna l’avocat et s’apprêta à lui donner une bonne correction. Deux agents surgirent et le saisirent en lui ordonnant de se calmer.

- Mais qu’est ce qui se passe ? demanda un des agents.

- Rien, répondit Jason en ajustant son costume, juste le débordement d’un jeune homme stressé…

Pedro le fusillait du regard, serrant les dents, retenu par les policiers. L’agent s’adressa à Jason :

- Voulez-vous porter plainte ?

- Non, ça ira. Laissez-le partir. J’ai un client à défendre…

Pedro partit de là, bouillonnant de rage. Il avait la ferme intention de se venger.

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