Chapitre 42 : “Red Right Hand” - Nick Cave and The Bad Seeds

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Quand les inspecteurs Johnson et O’Brien arrivèrent sur la scène du crime, ils ne s’attendaient pas à une telle boucherie. Les corps gisaient dans une ruelle derrière l’intersection entre Venice Boulevard et Union Avenue. L’accès en avait été barré par des banderoles jaunes. Des agents qui surveillaient les allées et venues laissèrent passer Ari et Robbie, tandis que les gyrophares peignaient les murs de la ruelle en bleu et rouge vifs.

Le signalement des deux cadavres correspondait à des sicarios d’Alejandro Vidal. Ils avaient toujours leur portefeuille sur eux, et donc leur identité fut rapidement établie. Il s’agissait de Pablo Cruz et Javier Villaposa. Le plus costaud des deux gisait face contre terre, le crâne maculé de sang. L’autre était couché sur le dos, dans une flaque rouge sombre, la gorge ouverte de part en part. Et, bien sûr, leurs mains étaient manquantes.

- Deux pour le prix d’un !? s’exclama Ari. Le mec est en pleine escalade !

- Il doit posséder une certaine force pour avoir eu le dessus sur les deux en même temps, continua Robbie. Ils sont plutôt costauds.

- Pas forcément, répondit Eliott Young. Il a dû commencer par le plus gros des deux. Il est sans doute arrivé par derrière pour le frapper à la tête avec ce bloc, là-bas.

Le médecin légiste montra un bloc de construction ensanglanté.

- Ça a suffit pour le mettre hors d’état de nuire, continua-t-il. Après cela, il a pu s’occuper de son copain. Je pense qu’il a directement utilisé sa machette pour lui trancher la gorge d’un coup net et précis, un peu comme un revers au tennis. Après, il a eu tout son temps pour couper les mains. Personne ne passe jamais par ici.

Ari regarda la scène qui s'étalait devant elle. Cette affaire prenait une tournure vraiment macabre. L’odeur métallique du sang lui donnait la nausée. Malgré la chaleur de cette journée, elle frissonna. Le bruit distant de la circulation ressemblait à des soupirs et elle eut hâte de sortir de cette ruelle. Elle observa les corps.

- Deux Machetes en une fois, les portefeuilles sur place, déclara Ari. Le gars devient impatient. Il fait moins dans le détail. On dirait qu’il perd tout contrôle.

- Il est moins vigilant, continua Robbie. A la moindre erreur on pourra le choper.

Un agent en uniforme vint les interrompre.

- Inspecteurs, On vient de trouver un troisième cadavre, plus loin dans la ruelle. Je… C’est pas beau à voir.

Ils suivirent l’agent jusqu’à un recoin, jonché de poubelles. Entre deux conteneurs, gisait un corps, assis. Les mains manquaient. La tête aussi.

- Wow, s’exclama Robbie. Je confirme, le mec qui a fait ça est hors de contrôle !

Le médecin légiste s’approcha et examina les blessures.

- La coupe est plutôt nette, comme pour les mains. C’est assez surprenant, car ce n’est pas si facile de couper une tête. Voyons voir qui est notre victime…

Il fouilla les poches du cadavre jusqu'à trouver un petit portefeuille de cuir.

- Victor Aguilar…

Ari sentit une boule d’inquiétude lui monter à la gorge. Elle regarda le corps sans vie. Jeans baggy. Sweat à capuche vert kaki.

- Oh, non… se lamenta Ari. C’est le frère de Pedro Aguilar. Il est venu me voir car il avait disparu. Il craignait que le gang lui fasse la peau…

Elle fut réellement touchée par cette nouvelle. Comment allait-elle annoncer à Pedro que son frère avait été retrouvé mort et que ses pires craintes s’étaient réalisées ? Alors qu’elle lui avait dit de ne pas trop s’inquiéter. Ari ressentit soudain une grande lassitude et son moral en prit un coup. Elle se sentit terriblement coupable.

- Attends, attends, temporisa Robbie… Donc, on a Aguilar qui se fait buter par les Machetes… puis notre gars qui passe faire le ménage derrière…?

- On aurait affaire à une espèce de vengeur ? hasarda Eliott.

- En tout cas, le coupable en veut aux Machetes, conclut Ari. Mis à part la première victime, Kasinski, tous les autres faisaient ou avaient fait partie du gang.

- Heu… Inspecteurs ? intervint un autre agent, qui venait d’entendre la déclaration d’Ari. Je crois que notre tueur élargit un peu le champ de ses activités. On a reçu un appel du central. Un avocat a été trouvé mort à Westwood… Même modus operandi…

Une vingtaine de minutes plus tard, ils arrivèrent sur Olympic Boulevard, où se trouvait le building abritant le cabinet Finnley et Bradburry, lieu du crime. Des voitures de police étaient garées devant, attirant la curiosité des badaux qui s’étaient attroupés autour du cordon de sécurité, gardé par plusieurs policiers. Un homme grisonnant, de haute taille et à l’allure digne vint à la rencontre des inspecteurs. John Bradburry, l’un des avocats associés du cabinet, les attendait, et il était bouleversé.

- C’est une catastrophe, déclara-t-il après s’être présenté. Je n’arrive pas à croire que Jason soit mort.

- Que s’est-il passé ? demanda Ari.

- J’ai entendu un hurlement… Je suis sorti de mon bureau. Le cabinet était désert mais Sharon, l’assistante de Jason, était hystérique. Elle venait de le trouver… Je suis allé voir… Oh, mon Dieu… Tout ce sang…

- Avait-il des rendez-vous ?

- Sharon m’a parlé d’un certain “Santiago”, qui devait venir. Mais elle affirme que personne ne s’est présenté, or si quelqu’un vient au cabinet, il doit passer devant l’accueil, il n’a pas le choix… Je ne comprends pas comment le tueur s’y est pris. Nous n’avons jamais eu de problème de sécurité…

- Maître Jason Finnley, réfléchit Robbie. N’était-il pas l’avocat de Gloria Rockwell ?

- Inspecteur, dois-je vous rappeler que nous sommes tenus au secret professionnel ? Je ne peux rien divulguer sur les affaires de Jason, même s’il est mort. À moins que vous ayez un mandat…?

- Ne vous inquiétez pas, répondit Ari. Nous en aurons bientôt un. Pouvons-nous voir l’assistante qui a trouvé le corps ?

- Heu oui… Elle se trouve dans la salle d’attente. Elle est passablement choquée, soyez indulgents s’il vous plaît.

Les inspecteurs montèrent au troisième étage et trouvèrent directement l’assistante là où elle devait être. Sharon McGraff était une jolie fille, aux cheveux blonds et aux rondeurs généreuses. Elle portait une jupe jaune, assortie d’un élégant chemisier blanc cassé, qui réchauffait un peu la pâleur de son visage. Son mascara avait coulé et elle tenait un mouchoir devant son nez. Une policière se tenait à ses côtés, notant les informations dont elle pouvait se rappeler. Ari la remercia et s’assit à côté du témoin.

- Madame McGraff, commença doucement Ari, nous sommes les inspecteurs Johnson et O’Brien, police criminelle. Comment allez-vous ?

- Je suis bouleversée ! s’exclama-t-elle. C’est horrible ! Horrible !

- J’imagine que ça doit être difficile. Mais il est nécessaire que vous nous donniez un maximum de détails pour que nous ayons une chance de retrouver celui qui a fait ça.

- J’ai déjà tout dit à la gentille policière.

- D’accord, répondit Ari.

Johnson se dit qu’il fallait en savoir plus, même si la femme semblait profondément troublée. Elle savait que son état pouvait fausser les jugement et lui faire oublier des détails importants. Elle décida qu’il fallait qu’elle se détende un peu.

- Dites-moi, tenta-t-elle, elle est magnifique cette jupe !

Sharon la regarda de ses grands yeux verts et parut revivre en un instant.

- Oh oui ! Merci ! C’est d’un jeune créateur qui est sur Melrose Avenue ! Au début, la couleur m’a fait hésiter. Mais je me suis dit : “Sharon, il est temps de sortir de ta coquille !”. Et j’ai bien fait ! Une photo avec cette merveille m’a valu près de mille likes sur Instagram !

- Génial ! Vous me donnerez votre pseudo, je vous suivrai avec plaisir. Bon. Sharon, il faut parler de ce tueur maintenant. Avez-vous bien tout raconté à l'agent ?

- Et bien… Je dois vous avouer quelque chose. J’ai dit à maître Bradburry que personne n’était venu voir maître Finnley…

- Oui… Et ? encouragea Ari.

- Et bien… Peut-être que je me suis absentée... un tout petit peu.

Elle gigota un peu sur sa chaise, hésitant à cracher le morceau. Puis elle regarda Ari, sembla décider qu’elle pouvait lui faire confiance et avoua :

- Il y a ce garçon, du quatrième. Il s’appelle Brock. Il m’a envoyé un message pour me proposer un café. Donc je suis montée, oh, juste cinq minutes. On a bavardé à la machine à café et je suis redescendue le plus vite possible.

- Ok, je comprends, compatti Ari. Il est mignon ?

Sharon rougit.

- Oh oui ! Vraiment !

- Et c’était vers quelle heure ?

- Mmh, aux environs de onze heures, onze heures quinze.

- Parfait ! Un grand merci Sharon. Vous nous avez bien aidés.

Ils quittèrent l’assistante. Robbie jeta un regard en coin à sa coéquipière.

- “J’adore votre jupe” ? Vraiment ?

- C’est bon. En attendant, on sait quand le tueur à frappé. Il faudra vérifier si une caméra n’a pas chopé notre homme.

Ils entrèrent dans le bureau de maître Finnley. Des agents de la police scientifique prenaient des photos et recueillaient des échantillons pour analyse. Au centre de la pièce, en face de la grande fenêtre, gisait la dépouille de Jason Finnley, assis dans un fauteuil en cuir comme un pantin désarticulé. La tête sur le côté, sa bouche était ouverte, laissant apparaître sa langue. Il avait les yeux grands ouverts, comme s’il était surpris de voir tant de monde dans son bureau. Ses bras pendaient de part et d’autre de son fauteuil, terminés par des moignons ensanglantés.

- Ce mec est déchaîné, déclara Ari. Il faut l’arrêter. Et vite !

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