Chapitre 53 : “Home Is You” - Jon Wilde

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Je me rappellerai ce moment toute ma vie. Ari qui reçoit l’info disant que Vidal a été vu près d’une ancienne raffinerie. Cet espèce de signal d’urgence que j’ai ressenti à ce moment-là… J’ai décidé de monter en voiture avec elle. J’étais certain qu’on se dirigeait vers l’endroit où était retenue Liv. Mais je sentais aussi que tout pouvait basculer en un instant. Mon cœur battait à tout rompre, comme si chaque battement me rapprochait inéluctablement de l’issue de toute cette histoire, qui serait fatale ou pleine d’espoir. Et puis, cette alerte signalant un incendie à cet endroit. Ari a accéléré. J’étais fou d’inquiétude. Liv. Ma soeur, prisonnière… dans un incendie !?

Nous étions encore sur la 110 lorsque nous avons vu d’épaisses fumées noires s’élever au-dessus de Wilmington. Evidemment, les autres occupants de l’autoroute ralentissaient, curieux, ce qui provoquait des bouchons. Ari n’a pas hésité une seconde. Elle a sorti le gyrophare et à grands coups de klaxon, faisant hurler la sirène, elle a forcé les automobilistes à s’écarter pour nous laisser un passage. La sortie n’était plus très loin, et c’est sur les chapeaux de roues que nous avons fait le reste du trajet. Je me cramponnais à la poignée de sécurité sur ma droite, haletant. Pourvu que Liv soit là, et saine et sauf !

Lorsque nous sommes arrivés, on se serait cru dans un film. C’était irréel ! Un bâtiment industriel était en feu. Une odeur âcre nous prenait à la gorge. Nous sentions la chaleur de l’incendie, portée par le vent. Il y avait les pompiers et plusieurs voitures de police, avec des agents, derrière leur portière ouverte, en train de braquer leur flingue vers l’incendie.

Et puis… je l’ai repérée tout de suite, petite tache de lumière au milieu de la nuit provoquée par les fumées sombres. Liv était là, et à ses côtés, le monstre qui m’avait poursuivi à l’hacienda. Mon cœur a bondi en la voyant. J’étais partagé entre la joie, le soulagement, mais aussi l’incompréhension. Parce que Liv était en train de prendre le géant dans ses bras. Il était à genoux, les mains levées, et elle l’a embrassé sur le front. Puis il lui a sourit à son tour et fait un signe de tête. J’ai hurlé le nom de ma sœur. Elle s’est retournée. Avant de venir vers moi, elle a jeté un dernier coup d'œil au géant. Et enfin, enfin, j’ai pu prendre ma sœur dans mes bras. Je l’ai serrée fort et un flot d’émotions nous a envahi. Nous avons pleuré tous les deux. J’étais tellement soulagé de la revoir. Toute l’inquiétude, toute la peur, toutes ces nuits blanches… transformées en un tsunami d’émotions. Je ne voulais plus la quitter. Même dans l’ambulance qui l’a emmenée à l’hôpital le plus proche, j’ai exigé de rester avec elle. Il était hors de question que je risque, une fois de plus, de la perdre.

Les jours suivants, elle m’a tout raconté. L’enlèvement. Cette cabane où elle s’était éveillée. La façon dont Manolo - le géant qui la surveillait - l’avait traitée. Je ne savais pas quoi penser de tout ça. Est-ce qu’elle a été victime d’un syndrôme de Stockholm, idéalisant ce monstre pour en faire une espèce de héros ? Ou bien avait-il réellement essayé de l’aider, allant jusqu’à trahir son patron pour lui sauver la vie ? Peut-être ne le saurons-nous jamais. Mais si c’est le cas, je lui en suis infiniment reconnaissant.

Quoiqu’il en soit, je lui ai raconté pourquoi elle s’était retrouvée dans cette situation. Quand elle a su que c’était Megan Guildritch qui avait été derrière tout ça, et qu’elle avait fini par mourir, elle a été profondément troublée. Elle était partagée entre la colère envers cette femme qui nous avait fait tant de mal et la tristesse de savoir qu’elle avait fini sa route de façon si cruelle. Cette histoire l’a beaucoup touchée. Il fallait qu’elle reste encore, le temps de se reconstruire. Elle a commencé à traiter plusieurs affaires de chez moi - merci internet. Jane Farrell, son associée, traitait ce qui devait être traité en Angleterre.

Liv a voulu assez rapidement prendre des nouvelles de Manolo, même si j’étais réticent à cette idée. Il était enfermé à Lancaster, la prison d'État. Ari s’était renseignée et apparemment, il ne faisait pas de vagues, il restait tranquille. Certains gardes disaient même qu’ils n’avaient aucun problème avec lui et qu’il semblait être en paix. Et évidemment, vu son apparence, les autres prisonniers ne lui cherchaient pas d’ennuis. En bonne avocate, Liv avait voulu le défendre. mais ne faisant pas partie du barreau du comté de Californie, et n’étant même pas américaine, cela lui fut refusé. Elle décida alors de lui trouver un bon avocat. Elle voulut aller voir Manolo en prison pour lui en parler. Evidemment, je l’ai accompagnée. Hors de question de la laisser seule avec lui, même si c’était un “bon gros géant”.

Je dois avouer que je n’en menais pas large, arrivés dans le local des visites. J’étais bien content qu’il soit derrière une vitre. Il semblait encore plus terrifiant, vu de près. Son tatouage de tête de mort recouvrant son visage faisait qu’on avait du mal à soutenir son regard, entouré d’encre noire. La façon dont il m’a regardé m’a clairement intimidé, même si moi-même, je n’ai rien d’un freluquet.

Et puis ma sœur est entrée dans la pièce, et j’ai assisté à une réelle métamorphose. Un léger sourire est apparu sur le visage du monstre et ses yeux furent remplis de tendresse. C’était presque incroyable. Elle a pris le cornet du téléphone et a commencé à discuter avec lui. Elle lui demandait s' il allait bien, s’il était bien traité… Puis, elle lui a parlé de cette histoire d’avocat. Je n 'entendais pas ce que Manolo disait. Mais il lui a parlé longuement, et j’ai vu que ma sœur était touchée, émue.

Lorsque nous sommes sortis, je lui ai demandé ce qu’il lui avait dit. Les yeux portés sur l’horizon, elle m’a dit que Manolo Cervantes ne voulait pas d’avocat. Qu’il se sentait en paix, parce qu’il était là où il méritait d’être. Que tout allait bien pour lui et qu’il fallait que Liv continue sa vie, et qu’elle ne pense plus à lui.

- Pourquoi ai-je l’impression que tu n’as pas l’intention de le laisser comme ça, lui ai-je demandé.

Elle m’a regardé, complice.

- Tu me connais… Je vais le laisser un peu tranquille. Mais pour moi, Manolo mérite d’être heureux. Je trouverai un moyen de veiller sur lui.

- T’es vraiment une foutue romantique, lui ai-je dit en riant.

Elle a porté sur moi un regard étrange.

- Tu peux bien parler. Tu crois que je ne vous ai pas repéré, toi et la jolie flic ?

Elle avait tout deviné. Évidemment, connaissant ma sœur, je savais qu’il ne valait pas la peine d’essayer de cacher quoique ce soit. Alors ce soir-là, j’ai invité Ari à venir manger à la maison. Il était temps qu’elle connaisse Liv, ma sœur. Pas Liv, la victime d’enlèvement. Depuis que cette affaire avait été classée, deux mois plus tôt, Ari et moi n’étions plus tenu de garder des contacts professionnels. Nous nous étions vus quelques fois. Comme je ne voulais pas laisser ma soeur trop longtemps seule, je voyais Ari lorsque j’allais faire des courses, ou lorsque j’allais “surfer un peu”. Inutile de vous dire qu'à cette période, ma planche n’a pas souvent vu l’eau.

Ce soir-là, c’était parfait. J’avais cuisiné un Chilindron, un ragoût que notre abuela nous faisait quand nous étions petits, à base d’agneau, de poivrons, d’oignons et d’ail. Liv et Ari se sont tout de suite bien entendues. Et, évidemment, elles ont passé une bonne partie de la soirée à s’échanger des anecdotes sur votre serviteur. Liv n’a pas résisté à l’envie de lui parler de moments gênants de ma jeunesse, de mes essais douteux en matière d’habillement et des choses inavouables que j’ai fait quand j’étais ado.

Assis dans mon coin, je me suis rendu compte que je ne m’étais pas senti comme ça depuis longtemps. Nous étions en famille. Mais je n’imaginais pas que très vite, les événements allaient se précipiter.

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