Le Loup né d'un œuf
Académie des études ancestrales
Le Loup né d'un œuf
Personnage populaire de la restauration, Kef (initialement Rokyufræ, ou « Loup venu de l'Œuf ») occupe une place particulière au sein de la mythologie pan-dæiste. Parmi des héros aussi hauts en couleur que Kekensha et Maldabok, il détonne par la promesse quasi constante de son existence avérée. Si d'aucuns y voient une simple liberté artistique pour pimenter un récit fort semblable à ses contemporains, la question mérite d'être étudiée.
Des personnages plus tardifs comme Zekme ou encore Altri sont traités, dans toutes les histoires où ils apparaissent, comme des personnages de fiction malgré leurs aventures plus réalistes. Faut-il y voir la conséquence d'un penchant moindre pour les récits prétendument issus de faits réels ? De l'incrédulité des masses face à ce personnage fantastique ? Et pourtant, Kef a traversé les âges et reste une figure majeure de l'imaginaire dæ jusqu'à nos jours.
Origine du succès : une lutte intérieure ?
Une part du succès de ce personnage provient sans doute de sa guerre incessante contre le monstre qu'abrite son âme : l'amalgame de vies trop peinées et courroucées pour être raisonnées. En tant que « koj » (ou « âme ancienne », d'après l'étymologie présumée), leur présence désastreusement réelle lui assure aussi un soutien extraordinaire. Kef est une armée à lui seul, qui surpasse en nombre sa multitude d'adversaires, mais confrontée à des dissensions intérieures.
Les différentes versions de son épopée se contredisent sur cet aspect du personnage. Les récits tardifs comme 7-NEF ou d-JU explorent et se concentrent sur son désarroi, accordant parfois une forme physique à ses démons intérieurs, tandis que les plus primitifs ne l'abordent pas du tout.
La question a interrogé plus d'un spécialiste. Citons notamment Erget Shal Teks et sa quête (vouée à l'échec) des « troubles disparus de Kef », qui inverse la cause et la conséquence. Mieux vaut s'interroger, à mon sens, sur le développement du personnage en figure tiraillée au fil du temps.
On trouve la toute première mention connue de Kef en tant que horde dans 16-HShRi-ef :
« Tu t'opposerais à moi ? Sache, alors, que tu combattrais une légion. »
lequel représente sans équivoque une vision bien moins profonde de sa nature.
Parmi les réécritures de ce passage, 7-CAB-8 l'interprète comme l'annonce de renforts imminents :
Il ferait face aux koj eux-mêmes, l'insolent. Les troupes n'approchaient-elles pas ? Ne percevait-il pas le martèlement de leur course hâtée ? Ne craignait-il pas les myriades de lances, leur nombre surpassant celui des étoiles ?
Markiw Shal Kas, elle, privilégie l'interprétation spirituelle : Kef, armé du savoir, des souvenirs et habilités d'existences passées, se défait aisément de ses adversaires. Et la raison pour laquelle les textes primitifs n'explorent pas la question viendrait d'un mythos autour des koj trop connu à l'époque pour justifier des explications.
Ce qui résoudrait aussi le mystère de 21-EK-1, où la Partisane assassine son propre enfant, sans raison ni logique apparente. Ce passage répondrait lui aussi d'une mythologie bien connue d'un public contemporain à l'œuvre. L'effet aujourd'hui déconcertant de la scène ne découlerait que d'une perte d'information.
Souci de réalisme
Versions primaires comme tardives jurent de la véracité des aventures de Kef. Pourquoi, donc, seules les plus récentes cherchent-elles à nous en convaincre ? À injecter du réalisme dans un récit incroyable ?
Ces ajouts trahissent des réappropriations successives, amarrent Kef aux lieux et à l'ère de tel ou tel conteur. Ce faisant, les incohérences se multiplient au fil des altérations et desservent leur propre souci de réalisme.
La Cité des Géants longuement parcourue dans x-SSK-3, postérieure aux premières mentions de Kef, résulte sans aucun doute d'un ajout ultérieur. Cet anachronisme permet néanmoins de préciser la date de composition de cette réécriture à la première moitié de l'ère de Pardam, entre l'édification et l'écroulement de ce lieu autrefois mythique, à présent avéré.
Et quelle richesse dans ces lignes ! Si la recherche mythologique regrette l'ajout parasite, l'investigation historique se réjouit de l'abondance de détails ainsi préservés :
[C]ette cité taillée à même la roche, qu'un géant de pierre enlace, adossé au mont Cirrus. Ses crocs de bronze, à peine achevés, scintillent sous les rayons de Mur. La queue vulpine de cet hybride chimérique ceint l'observatoire. Ses ailes aquilines fusionnent avec la montagne, s'y enracinent ; comme pour avouer qu'il ne volerait jamais. Sous ses serres ursidées, ses grandes griffes de granit, il garde la pouponnière. Dans ses larges oreilles de glire, on a glissé une cymbale dont le son cuivré percute les chaînes rocheuses et s'y réverbère. La pluie ruisselle le long de sa crinière léonine et choit sur ses écailles de calcite.
Et sous la sentinelle monumentale, le méandre des rues enchevêtrées gravit les hauteurs renversantes sans s'essouffler. Kef s'égare, et quelle importance ? Il s'abandonne aux charmantes venelles, aux impasses élaborées, aux détours décorés et contours ornementés. Où qu'il aille, le géant veille. Et le merveilleux peuple de sa cité, ce génie industrieux, ne l'accueille-t-il pas tel l'un des leurs ? Ne lui offre-t-il pas chère, logis et divertissement ?
Alors Kef, le grand koj, l'émissaire des cieux, il cède à la chaleur des prodiges pierreux. Il s'installe dans les entrailles du grand gardien et réside en son cœur sinueux. Car enfin, Kef trouve la paix.
Kef explore la Cité des Géants plus en avant. Même des cycles après s'y être installé, il la redécouvre sans cesse, à travers des allées encore inexplorées comme à travers de nouveaux chantiers. Car sur ces escarpements exigus, la ville de légende s'érige continuellement, en un chaos anfractueux de strates successives. Ce tendre tumulte mêle sans hésitation époques et matériaux, styles et cultures, rêves et espoirs.
C'est un lieu de vie, loin du statisme, et dont le dynamisme s'exprime jusque dans la pierre :
Au fil des cycles, le bronze doré se teinte de rouille, et les crocs de l'effigie pleurent du sang.
[…]
Au fil des cycles, son vermillon s'assombrit et brunit, comme si sa sève s'asséchait.
[…]
Au fil des cycles, de son sang tari renaissent des mousses pierreuses.
[…]
Au fil des cycles, ses deux émeraudes pâlissent, et l'on croit que ses crocs retrouveront le blanc de l'ivoire.
[…]
Mais au fil des cycles, l'airain se colore de bleu. Usées et abîmées, ces turquoises sans éclat se perdent dans le ciel.
[…]
Et au crépuscule de Kef, les crocs du colosse s'effritent. Le vieillard, pourtant, continue de veiller sur la cité. Et quand Kef s'éteint enfin, Essa frissonne, et la prodigieuse figure se désagrège, perd la tête, s'effondre sur elle-même.
À flanc de montagne, la Cité des Géants veille sur les ruines des idoles d'antan.
Si Sandrok Shal Kas semble s'adresser aux chroniqueurs actuels, c'est peut-être parce que les péripéties de Kef lui servaient de toile de fond pour mieux promouvoir la majesté de sa cité natale.
La précision dans le déclin de la sculpture laisse également entendre que Sandrok y a personnellement assisté, précisant encore les dates de construction de la chimère, de rédaction de x-SSK, de naissance et de décès de son auteur.
À travers Kef, c'est sa propre expérience qui semble transparaître. C'est lui qui confie à ces lignes la fierté de sa civilisation, de son âge d'or à sa déchéance. La mort simultanée du colosse et de Kef laisse entendre un attachement profond de l'auteur pour sa cité d'après Eçka Erg Fer. D'autres y voient la marque indélébile du temps qui passe, et les parallèles immanquables entre la lente dégradation du gardien de la cité et l'irrépressible sénescence de ses habitants.
Ce ne sont pas toujours les aventures de Kef elles-mêmes qu'on cherche à immortaliser. À travers son personnage, donc, ce sont leur propre foyer et leur propre vie qu'un auteur et ses concitoyens peuvent se réapproprier. Et, puisque la figure mythique traversera le temps, alors eux aussi.
Lien ténu avec un passé lointain supposé
« Kogunži », ou son équivalent moderne « koj », est devenu synonyme d'émissaire. Son sens étymologique se rapporte aux « âmes anciennes » et renvoyait à la fois aux émissaires célestes et aux étoiles, indiquant un possible amalgame de la part de nos ancêtres.
Le nom de Kef ou Rokyufræ lui vient du lieu supposé de sa naissance. D'après les sources pré-néphétiques rokiennes et yudiennes, il s'agirait d'un « œuf de la taille d'une cité » :
Rokyufræ naquit. Non dans les huttes boisées et noueuses de Rokan, non dans les forêts qui touchent le ciel, mais dans un œuf de la taille d'une cité, sous le sein de l'Immuable aux Vents Figés. Rokyufræ naquit, et fit jour de la nuit.
Les interprétations naturalistes attribuent cette naissance surnaturelle à des éléments plus rationnels (ou moins, selon qui donne son avis). Hersher Sang Sayer reprochait aux poètes de prendre ces lignes au premier degré : « Je ne sais pas pourquoi le monde s'obstine à alambiquer et ralambiquer le raisonnement quand il existe une explication parfaitement raisonnable : si l'œuf fait la taille d'une cité, c'est parce qu'il s'agit d'une cité. De la Cité ». Les dômes fêlés de l'endroit mythique (en ruines lors de l'ère quaternaire, toujours selon lui) évoqueraient des œufs fendus. Notons bien sûr l'obsession et la partialité notoires de Hersher pour la légende shalienne, lesquelles entravent sévèrement son discours. Sur ce point toutefois, les explications surnaturelle et mythique, toutes deux également incroyables, déçoivent.
Les réponses à Hersher ne satisfont pas davantage le chercheur curieux. « C'est un koj, pourquoi se contenterait-il d'une naissance ordinaire ? » pour citer Armantani Shal Roks.
De toute évidence, nos ancêtres primitifs ne disposaient pas des moyens d'ériger de telles structures imaginaires, pas sans une énergie considérable et une technologie suffisante au transport et à la manufacture des matériaux nécessaires. Hersher insistait qu'avec du temps et de la main-d'œuvre en abondance, il leur aurait été possible de réaliser ce projet générationnel. La faible population dæénne de ces temps reculés était pourtant déjà un fait établi du vivant de Hersher.
Lien avec un mysticisme perdu
La relation protectrice que Kef entretient avec ses jeunes frères et sœurs reproduit l'attitude fraternelle du koj à l'égard des jeunes âmes. Elle semble dépeindre la place des koj dans l'imaginaire pré-renouveau : des divinités bienveillantes, à l'écoute de leurs cadets.
Contrairement aux perceptions kojiennes plus récentes, Kef n'est pas représenté comme une déité inaccessible. Il cède sans mal aux avances d'Ašyarpur, qui le surnomme « kožrævæl » : son amour venu des étoiles. Dans ces récits anciens, le pont entre le ciel et la terre est à la fois solide et fréquenté, de sorte que les deux opposés se mêlent fréquemment.
Des exceptions présentent toutefois une relation plus fragile entre le divin et l'esséen : dans l'antique vg-SSG-8, les étoiles se détachent aisément de la surface, comme happées par le ciel :
Les vies mortelles des koxjin sont éphémères. Comme il leur coûte de s'accrocher au domaine des mortels !
Là-haut, là-haut ils s'en retournent hâtivement ; les brasiers célestes, les aînés de l'univers.
Kef et les autres koj plus récents tendent à passer leur vie entière parmi les mortels, comme si les mythes d'autrefois ne répondaient plus aux exigences modernes. À mesure que la nature livre ses secrets, le ciel et le sol doivent se mêler. Les koj perdent en mysticisme et gagnent en proximité.
Dès 7-GFR-cc, la koj Amshtayar s'interroge sur sa condition d'âme immortelle :
Sommes-nous impérissables ? Ou attendons-nous seulement la seconde fin, celle du tout, des jeunes comme des anciens ?
Dans 46-KJ, la célèbre réplique de notre protagoniste traduit ce spiritualisme mourant :
Tu crois les koži éternels. Renonce à ces illusions.
À travers Amshtayar et Kef, mais aussi Gamsan ou encore Eyçkor, les koj effeuillent peu à peu les traces de leur divinité. Ils se mêlent aux mortels, marchent avec nous, vivent et meurent parmi nous. Selon les auteurs, ils cessent de nous rendre visite ou s'oublient parmi nos jeunes âmes, se mortalisent à notre contact. Les koj, semble-t-il, n'ont jamais été que les héros d'un temps révolu ; non d'âmes anciennes venues des étoiles, mais de jeunes âmes nées de ventres esséens.
C'est peut-être ce bouleversement qui pousse les auteurs à confronter Kef aux figures les plus archaïques : le légendaire devient commun, plébéien. Il se popularise. On se réapproprie les contes de sa jeunesse, les créatures d'un imaginaire ancestral, les mythes d'un autre âge.
Ainsi, on commence à s'expliquer des anomalies comme « Kef et les bêtes pourpres ». Dans leurs Discours mémorables, Garnasht Eyf Sam et ses disciples se sont penchés sur l'apparente contradiction à faire se rencontrer Kef, dont chaque récit nous assure l'existence réelle, et les créatures fabuleuses, réputées fictives dès leurs premières apparitions dans les archives.
Outre leur rôle-outil dans la structure même du récit (aide ou obstacle à l'aventure en cours), elles s'ancrent dans le réel à travers Kef, y implantent un peu de merveilleux tout en préservant des bribes de mythes ancestraux.
Pour ces audiences lointaines, ce n'est pas Kef qui perd en crédibilité à rencontrer des légendes, mais les légendes qui gagnent en plausibilité au contact du héros.
Un vecteur populaire pour des histoires populaires
La figure de Kef, en mouvance constante à travers les éons, lui a permis de s'intégrer à de nombreuses histoires populaires que, sans lui, le temps aurait certainement effacées. Cette association bénéficie à la fois l'hôte et le symbiote, préservant personnages malléables et récits immémoriaux.
L'une de ces histoires est celle du Loup briseur de chaînes, fabliau aux origines reculées, dont on sait avec certitude qu'il précède l'émergence de Kef. Pourtant, toutes les versions qui nous sont parvenues assimilent Kef au protagoniste. Une seule exception a été retrouvée à peine trois cycles de cela dans une grotte de Kashal. En l'attente d'une datation précise, l'artefact apparaît d'ores et déjà antique, possiblement de la seconde ère de l'âge clanique. Parmi les contes, poèmes et chroniques de ce recueil en pierre, voici celui qui nous intéresse :
Texte original :
Rokian ksa
mæd kvulxn
Tae Rokian adres'hæca.
Vaila veo.
Tack roten asrace.
Vuttey wuꜵs.
Tauxya rrabash'she adramhæcn
Vowætya [illisible].
Raish vilo veype tenya.
E alairai alaika,
Rokianse vailumba voym tsooce,
Alairai alaika.
Adramækmarkam rashkipn vei veidre
Tsaavii totalas.
[...]
Traduction préliminaire de Perga Y Soma :
Le Loup briseur de chaînes
Il y a bien longtemps, un Loup dans une cage enfermé,
Pourtant jovial,
La brisa ainsi, d'un coup magistral.
Il vit autour de lui
Des captifs acharnés tenter, et échouer
À partir […]
Il leur montra comment ronger leurs liens
Et, de visage en visage,
Flotta et bondit le sourire du loup.
De visage en visage.
L'ensemble des guerriers dévoila ses crocs rouges de sang
Sans un bruit.
[...]
La suite du récit reprend les péripéties ancrées dans l'imaginaire collectif et leur conclusion se rejoignent : le Loup brise les chaînes de l'esclavage. C'était incompatible avec le personnage de Kef, dont la première mention advient longtemps après les dernières sociétés esclavagistes.
Sans l'assimilation de Kef néanmoins, il y a fort à parier que ce récit se serait égaré dans les méandres du temps jusqu'à fort récemment.
On tire le même constat des réécritures romanesques de sa rencontre avec l'arbre parlant, de sa rencontre avec les peuples de bois et les écorcheurs de désert, de sa traversée des gouffres abyssaux et de l'essentiel des éléments qui composent son épopée : Kef s'est greffé à des histoires préexistantes, ou elles se sont greffées à lui. Et l'un grâce à l'autre, ils nous sont parvenus. Altérés, hybridé ou condensés, ils ont néanmoins survécu aux ères, à la succession des civilisations, aux mémoires fragiles des mortels et à la forte poigne du temps.
Les mille façons de transmettre un récit universel
Le récit de Kef transcende les âges et les peuples, exploit souvent imputé à son universalité. Le koj, en tant qu'être surnaturel, au-dessus et au-delà des lois qui régissent le vivant, est en position d'apporter des réponses à des questions immémoriales.
Dans sd-FG-5, Aini Motsa æl Ilgur lui pose la question tant attendue :
Aini demande : Y a-t-il un sens à la vie ?
Kef dit : Aucun. Nous sommes un accident de peu d'importance. Rien ne s'est occupé ni préoccupé de nous.
Si ses réponses déçoivent, elles possèdent un semblant de vérité implacable, qui s'aligne sans équivoque avec notre expérience de la réalité.
Malgré le statut inatteignable des koj, la plupart des versions s'attardent longuement sur ce qui rassemble Kef et les mortels : le moment de son trépas. Certains, comme GG-x dépeignent un héros confus :
Sur son visage,
Point de peine mais de surprise
Car le dieu ignorait
Que la mort le prendrait
Dans ce passage, l'expérience de Kef interdit l'identification. Qui, à part les koj, se convainc de n'être pas concerné par la mort ? Et pourtant, elle la facilite également, car qui, durant son premier tiers de vie, ne doute pas quelque part de sa propre mort ?
Ces passages traitent lourdement de la grande unificatrice. Pour paraphraser cc-KShF : dans notre dernier éclat de conscience, nous nous unissons à l'ensemble de nos prédécesseurs à travers une expérience unique, partagée, éphémère. Seulement dans ce dernier élan comprenons-nous enfin la vie et toutes ses créatures. C'est lors de sa fin que la vie peut à la fois exister et se connaître elle-même. Juste avant de perdre ce savoir, cette compréhension, ce sentiment. Juste avant de tout perdre, du devenir jusqu'à l'être.
Kashaæl Shal Fres, après une strophe émouvante, dessine un parallèle avec son héros : Kef non plus n'est pas dispensé des effets de la dernière transition. Il se croyait à part, immunisé en quelque sorte. Et pourtant le voici dans son tout dernier couplet, sur le point de rejoindre les mortels qui n'ont pas survécu.
WT-98 le dépeint dans une mort plus sage, plus éclairée. Il adresse ses derniers mots à la famille peinée qui le veille :
Ne pleurez pas les morts. Pleurez votre propre douleur, car seuls les vivants font l'expérience de la mort.
Cette phrase, retrouvée dans de nombreux textes antérieurs et postérieurs à celui-ci, appartient à la sagesse populaire. Et quoi de mieux qu'un proverbe mortel, adressé aux mortels, pour faire de l'épopée de Kef un récit universel ? Quelle plus grande quête que celle de parvenir, enfin, à accepter sa propre fin ?
Kef, donc, est une figure plus complexe qu'il n'y paraît. Âme ancienne parmi les jeunes âmes, à cheval entre le réel et l'imaginaire, la finitude et l'éternité. Son histoire, en mouvance constante, rassemble les récits antiques comme les koj rassemblent leurs vies passées, traite du populaire et de l'existentiel.
La vraie question n'est-elle donc pas de savoir comment une telle figure aurait pu échapper à la notoriété ?
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