Se dévoiler

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— Alors, vu comment je t’ai noyer avec mes recommandations, ici on a du temps avant de reprendre.

— Oui. J’aimerais te connaître.

— D’abord toi. On commence toujours par les nouvelles.

On retrouve la même place que quand je suis arrivée. Cette fois, elle mordille un stylo. Je me perd dans ses yeux noir et je m’imagine porter cette salopette vert foncé.

Je ne connais rien à la mode. C’est toujours ma mère qui achète et souvent des vêtements cher. Au moins, ma camarade ose aussi porter des bracelets colorer et un nœud papillon rouge sur la tête.

— Alors ?

— Pardon. Je me répète mais j’aimerais essayer de porter ce que tu portes.

— Demande à tes parents.

— C’est compliqué…

— Pourquoi ?

Je me tourne vers la cour et je me rends encore plus compte que je suis une des rares blanches.

— Laisse-moi deviner… tes vieux sont chiants, ont des préjugés ? Tu te laisses guider par leur désirs ?

— Oui… en fait… c’est pas facile de me dévoiler. Tu es la première qui me fait confiance…

— En même temps je me demande pourquoi tu es venue te perdre ici. Tu n’as pas la tronche d’une comme nous…. Tu sais, j’ai du réseau mais je préfère faire cavalier seule. Tu as ma promesse du silence. J’ai même tenter de protéger une seconde bien vite parti car des racailles arrêtaient de lui mettre la misère.

— Pourquoi ?

— Aucun de leurs arguments est valable. Bien, je t’écoute. Tu étais où avant ? Tu as déménager ?

— Je suis toujours de Paris. J’étais dans un des meilleurs lycées de la capitale.

— Lequel ?

— Henry IV, tu connais ?

— Non. Et pourquoi tu es ici ? Pourquoi tu ris ?

— Tu ris aussi ! Non, en fait. Il faut bien comprendre que si je suis ici enfin j’ai pas choisi ce lycée précisément, je voulais partager un monde comme vous.

— Comme nous ? Attend, je viens de piger… tu viens d’une riche famille et tu cherches à t’intégrer ?

— Oui.

— Normalement les nanas enfin les enfants à papa, ne cherche pas à se mélanger. Tu n’es pas venu pour te moquer au moins, rassure-moi ?!

— Rassure-toi non ! Mes parents sont incapable de comprendre ma vision des choses. Ils veulent de l’excellence sauf que je vais encore être honnête avec toi, ça fait du bien d’être comprise, bref, mes parents veulent de l’excellence. Réussir en écrasant les autres. Et mes notes ont chuter depuis la seconde…. Ils m’épuisent à devenir meilleure…

— Ma pauvre... Tu veux faire quoi plus tard ?

— Être heureuse c’est déjà pas mal et toi ?

— Hum…bonne idée. Moi ? Comme ici, réussir. Avoir des sous pour être indépendant de mon futur mari. Travailler en tant que gynécologue, pourquoi pas. Tu es malheureuse ?

— Ça dépend des jours et toi ? Que font tes parents ?

— Toujours folle ! Mon père est kébabier et ma daronne, tu le pense bien, reste à la maison. Elle s’occupe de mon petit frère, deux ans.

— Tu as d’autres frères et sœurs ?

— Trois grands frères. Et une petite sœur. Les grands ont quitté la maison pour l’un, l’aîné, se marier et épouser une bulgare. Ils vivent au Congo, ils sont partis sur nos anciennes terres. Le second tente de percer dans la musique en jouant de la kora.

— La quoi ?

— Une sorte de guitare.

— Et il est seul ou en groupe ?

— En groupe. Il joue avec sa copine chanteuse et deux amis principalement dans des bars, des fêtes type mariage. Les Nouriciens ont quelques musiques sur les réseaux.

— Cool. Et le dernier frère ?

— Il étudie le droit, il veut devenir avocat.

— Et ta sœur ?

— Elle est en CP.

— Hum… je vois. Tu me les présentera si tu veux. Enfin si mes parents veulent un jour.

— Tes vieux bossent dans quoi ?

— Le pétrole. Mon père dirige Solentic.

— Connais pas.

— Tu m’étonnes. Mais c’est une géante entreprise mondiale. Il a pris la direction par piston, il y a trente ans. Ma mère ne travaille vraiment. Elle conseille.

— Et bien… mais… tu m’as pas expliquer ce que vend Solo machin…

— Si le pétrole.

— À oui excuse.

— Et...

— Et ?

Je me baisse en chuchotant.

— Mon père admet sans regret et parce que c’est du business, vendre le pétrole dans des pays en guerre.

Elle tombe son stylo et je pense que j’aurais pas dû autant me livrer. Une fois ramasser et essuyer rapidement elle me répond :

— Eh bien… désolé du terme mais c’est une raclure.

— T’inquiète pas. Je le pense aussi. Mes parents ne changeront jamais. L’argent, le pouvoir plus puissant que le reste du monde.

— Ma pauvre… moi qui jalouse les riches...

— Même à mon ancien lycée j’étais moqué… j’avais pas assez de bonne note, je m’isoler, je ne suivais pas leurs modes de penser… je haïs ce milieu-là.

— J’imagine que tu es venu avec un chauffeur ?

— Oui. Heureusement j’aime énormément mon chauffeur et…

— Oui, la cuisinière, la bonne et le jardinier ?

— Oui… le jardinier on le voit pas souvent. Il est en congé là. Après peut être que beaucoup d’autres sont comme moi.

— J’en doute.

— Pareil. En tout cas, mes parents ont accepté que je sois dans ce lycée juste par un test. Ils veulent que je me rende compte que je n’ai rien avoir avec vous. Que je serais malheureuse… et puis de l’autre côté, avec mes notes, ils pensent que je peux être un exemple à suivre.

— Dommage qu’on va reprendre. Mais c’est quoi tes passions ? Ils te laissent respirer au moins ?

— Je faisais du cheval jusqu’à la fin collège. Puis maintenant, rien. Je lis beaucoup, peu d’écrans…

— Ma pauvre. On va leur montrer qu’une ados doit s’amuser ! Sinon on crève !

Elle me prend le bras et on revient en classe rieuse. Je me sens enfin moi-même comme en maternelle.

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