Chapitre 3
Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer de la situation. Un soupir m’échappe. J'attends, immobile, la douleur me lancine aux niveaux des liens.
Au point où j’en suis, autant les nommer. Les choses seront plus aisés, entre les informations recueillis et les deux hommes. L’homme à l’odeur entêtante de menthe poivrée sera Kase. L’autre, le pas lourd, la voix caverneuse et la personnalité bourrue, Marc.
– Bon, ne perdons pas plus de temps ! ON part dès que la nuit sera tombée. On sera plus discret. En attendant, essaie d'en savoir plus sur le véritable lieu de recherche et sur la personne que l’on, souffle Kase.
Le temps s’étire. Trop lentement. Assez pour analyser leur dynamique, imaginer des stratégies d’évasion… et constater que mes chances sont minces.
Des heures passent, je somnole. Le froid s’infiltre jusque dans mes os, me gardant à moitié en éveil.
– La nuit est tombée, on peut enfin y aller. Dit-il. Toi, il vaut mieux que tu restes sage, sinon ça va mal finir. Menace Marc.
Je comprends tout de suite qu’il me parle. Je soupire, feignant la résignation. Ils n’ont qu’à penser que je me soumets. Qu’ils baissent leur garde et ils verront.
– Je vais prendre tout ce qui peut être utile, même s’il n’y a pas grand-chose. Attends-moi là et surveille-la bien. On ne peut pas se permettre de la perdre encore une fois, ordonne Kase.
Encore une fois ? Et pourquoi pas ?
Leurs échanges confirment mes soupçons. Kase a un rang supérieur à Marc, mais n’est pas au sommet de la hiérarchie. Il obéit à des ordres.
Marc, lui, semble n’être que les muscles, la force brute. Classique, presque cliché. Mais je vais garder ces informations en tête, cela me sera sans doute utile.
– Bon, j'ai trouvé quelques petites choses. Allons-y. Bâillonne-la et mets-la dans le coffre. On change d’endroit.
Marc s'exécute sans douceur, une efficacité brutale. Les liens mordent ma peau, lacérant mes poignets et chevilles. Un tissu rugueux râpe ma bouche.
Merde, pas le coffre !
Je n’ai pas le temps de protester qu’il arrive déjà à la voiture. Ouvre le coffre. Me jette dedans sans vergogne. Un choc. Ma tête percute une paroi métallique. Mon cœur bondi et une douleur vive explose derrière mon crâne.
Il referme le coffre dans un claquement sauvage.
– Fais attention à la voiture ! Lui reproche Kase.
Tout ce que je sens n’est nul autre que de l’essence, du renfermé, des produits étranges et… de la fraise ?
L’air est étouffant et se fera rare. Ce mélange d’odeur me retourne l’estomac.
La voiture démarre et les vibrations du moteur résonnent à travers mon corps. Accentuant mon mal de crâne.
Restons calme, respirons…
Mauvaise idée, l'air est irrespirable et je peine à lutter contre la panique.
Récapitulons les choses. Je suis dans un coffre, attachée comme un vulgaire paquet, un bâillon râpe ma peau. Hurler ? Inutile. Qui s’arrêterait pour aider une inconnue enfermée dans une voiture qui file à toute allure ?
– Pourquoi a-t-il fallu qu'on tombe sur quelqu'un. Elle va bien nous emmerder ! Grommelle Marc. Du moins, ce que j’arrive à distinguer. Pourquoi tu ne dis rien ?
– On doit continuer à chercher, lui répond Kase. Les … clairs…pas beaucoup de pistes.
Je n’arrive pas à tout entendre. Je me concentre mais mon corps se fait projeter dans tous les sens.
Discret ? Que faire de moi ? Quoi ? Il parle de mes habits ? Je ne comprends rien. Il voulait me vendre si j’étais belle et avec une tenue plus… propre ?
– …on aurait pu en tirer quelque chose. Ricane Marc
– La ferme ! Cherche des informations au lieu de dire des conneries. La voix de Kase s’élevant. Il semble énervé des propos de Marc.
Rassurant au moins sur ça…
Il cherche quelque chose ou plutôt quelqu’un. C’est important. Ils ont peu de temps et peu d’informations.
Qu'est-ce qu'ils cherchent bon sang ? Que vont-ils faire de moi ? Je ne suis qu’un dommage collatéral ?
L’idée me glace le sang. Peu importe leur but, je dois m’échapper.
J'essaie désespérément de desserrer les liens autour de mes poignets. Aucune faille cette fois. Chaque tentative ne fait qu’enfoncer la corde plus profondément dans ma chair. Mes doigts picotent, engourdis.
La voiture roule, encore et encore. Les virages s’enchaînent, imprévisibles. Un coup à gauche, une secousse brutale sur ce qui doit être un dos d’âne, puis une embardée à droite. Je perds toute notion du temps. Une heure ? Trois ? Plus ?
Le mal de tête persiste comme un poids lourd reposant derrière mon crâne. Je lutte contre la fatigue. Je dois rester éveillée. Réfléchir. Trouver une faille…
Mon corps me trahit. L’adrénaline faiblit. Mes paupières tombent, malgré moi.
L’obscurité m’engloutit….
Un choc me réveille en sursaut. La voiture s’arrête net, me projetant contre la paroi. Ma respiration se saccade. Mon cœur martèle dans ma poitrine.
Des voix étouffées. Kase et Marc ?
Des pas lourds s’éloignent. Reviennent quelques minutes après suivi d’un tintement de clefs. Le coffre s’ouvre. Un souffle d’air. J’inspire cette maigre bouffée, brûlante et pourtant froide. Haletante. Ma peau, moite de sueur, frisonne sous la brise nocturne.
Des mains rugueuses m’empoignent. Un tiraillement, une douleur fulgurante.
– Je vais te détacher les jambes et les mains, et t'enlever le bâillon. Si tu fais la moindre bêtise, tu le regretteras. Pas un bruit. Pas de mauvais geste. Compris ? M’informe Kase d’un ton glacial.
Hochant de la tête, silencieuse. Docile et exténuée. Mais dans l’ombre de ma fatigue, mon esprit respire, s’éveille et s’active à nouveau.
La douleur s’estompe légèrement. Les liens enlevés, je me frotte les poignets. On me pose sur le sol, sur les pieds. Les jambes flageolantes, je manque de tomber. Kase me rattrape, son odeur me percutant les narines. Un contraste violent entre l’odeur du coffre et son parfum. Il m’aide à marcher d’un pas lent mais soutenu.
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