Chapitre 6 : Une course contre la montre

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Les lunettes visées sur le nez, je m'éloigne rapidement du motel. Sans direction précise, mais déterminée à m'éloigner d'ici. Le soleil dans le dos. Une prévention pour ma vue.

Je dois survivre. Je vais survivre.

Je laisse derrière moi un petit motel. Un bâtiment rectangulaire à deux niveaux, ni récent ni délabré. Une face beige légèrement ternie par le temps. Je quitte la chambre la plus à gauche, évite l’escalier de fer. Passe pas loin de l’accueil, un petit hall vitré. Au sommet du toit plat, un néon rouge affiche le nom du motel, accompagné du mot “MOTEL”. J’avais vu juste.

Le soleil est bas. C’est le matin.

La lumière est encore douce, et les ombres s'allongent sur le sol tandis que je m'éloigne du motel.

La ville s'éveille lentement, les premiers bruits de la circulation emplissent l'air. Je ne suis pas habituée à ces bruits, ce qui me fait grimacer. Je me traîne dans les petites rues, les pas lents, mes jambes engourdies. Il faut que je mette autant de distance que possible entre eux et moi. Ou plutôt, entre ce motel et moi.

Je m'avance le long des bâtiments et des commerces. Je lis les panneaux : un boucher, un supermarché, la rue Saint Joseph, la rue du Francfort et enfin, la pharmacie centrale de Earden. Voilà donc où je suis. Earden. Ce nom ne me dit rien, mais savoir où je me trouve est déjà un bon début. Vu le peu de boutique, il s’agit d’une petite ville.

J'avance, d’une démarche maladroite, en restant la plus discrète possible. La veste en cuir dissimule mon état ainsi que ma corpulence. Quelques passants me croisent, ne me prêtant aucune attention, trop occupés par leur propre routine. Quelques regards curieux se posent sur moi, sans plus. Je continue mon chemin à travers les ruelles.

A un moment, une délicieuse odeur m'appelle. Du pain, des viennoiseries...Je m'approche et m'arrête devant une petite boulangerie, l'odeur me faisant saliver. Mon ventre grogne. Je réalise que je n'ai rien mangé depuis... depuis quand d'ailleurs ? Aucun sou sur moi. En mauvais état et en cavale, je ne peux pas me permettre d'entrer et demander quelque chose. Je me contente de m'éloigner, la faim me nouant l'estomac.

Je profite malgré tout de l'air, mon seul repas. Quel plaisir que de pouvoir enfin marcher et respirer de façon plus posée. Mon cœur bat à un rythme régulier. L’air est alourdi par la pollution mais reste frais. La météo est bonne pour un hiver.

Pourtant, un pressentiment me noue la gorge. Une portière claque, me faisant sursauter. Une voix s'élève parmi le tumulte matinal. Marc.

Je me fige sur place. Tourne légèrement la tête. Les aperçois dans une voiture noire, à quelques mètres, roulant en sens inverse. Mon cœur s'emballe, chaque battement résonne dans mes tempes. Il faut que je me calme, que je garde la tête froide. Un faux pas et tout est fini. Une grande inspiration, mes mains tremblent et se crispent sur le cuir de la veste.

Reprends-toi !

Reprenant la marche, d'un pas plus assuré. J'accélère malgré moi, prenant la première ruelle à gauche. Mon sang se glace quand j'entends la voiture faire demi-tour. Ils se rapprochent rapidement. Je tourne encore au coin d'une rue, mais c'est une impasse. Mes pas résonnent sur le sol humide et pavé. Pressés. La voiture n'est plus qu'à quelques mètres derrière moi, j'entends le vrombissement du moteur, l’odeur du pot d’échappement me prend les narines. Mon regard cherche partout. Là ! Une boutique ! Je décide donc d'entrer dans la première boutique ouverte. Une quincaillerie. A peine ai-je eu le temps d'entrer que la voiture s'arrête devant, les pneus crissant. Le moteur continue de tourner. Une portière s’ouvre puis se claque. Je me précipite vers le comptoir. La porte de la boutique claque derrière moi avec le tintement d'une clochette. Chaque respiration devient plus difficile, l'air me manque.

– Monsieur ! dis-je d'une voix tremblante et essoufflée, essayant d’interpeler le petit monsieur.

Je pose mes mains tremblantes sur le comptoir et essaye d’obtenir son attention. Lui signifiant l’importance de ma situation. La porte s'ouvre. De nouveau le tintement. Des pas lourds s'approchent.

– Oui, mademoiselle ? Que puis-je faire pour vous ? Répond-t-il de sa petite voix.

Il est derrière moi. Je sens sa respiration dans mes cheveux.

– C'est notre sœur, dit une voix rauque, presque en grognant, sa main se posant fermement sur mon épaule. Elle... Elle est malade et a tendance à se perdre parfois. Veuillez nous excuser, nous allons la ramener à la maison. Sa voix est froide, tranchante comme une lame de rasoir.

Le vieil homme hoche la tête, visiblement mal à l'aise et apeuré. Marc, me tire l’épaule. Je jette un dernier regard vers le vieil homme, ce dernier est impuissant. Ne voulant pas lui créer des problèmes, je me retourne et suis les deux hommes. Leur visage est impassible, mais les yeux de Kase trahissent son agacement. Me débattre ne servirait à rien, mes forces me manquent.

Mon cœur s'effondre alors que je suis poussée à l'arrière de la voiture. Le vieil homme, me regarde du pas de la porte, l'air désolé et désemparé. Il me fait signe, essayant de me donner du courage. Je lui souris faiblement.

– Allons-y. Dit Marc.

Ils ne perdent pas de temps et quittent Earden rapidement. La route défile à toute vitesse sous les roues du véhicule. Cette fois, il n'y aura plus de fuite possible.

– Tu as pris tes aises apparemment. Ma veste et les lunettes d'Owen.

Un silence glacial envahit l'habitacle. Marc vient de réaliser son erreur. Il a donné le véritable nom de son coéquipier. Il tourne la tête vers le fameux Owen, côté passager. Leurs regards se croisent dans une compréhension muette. Puis, lentement, il pivote vers le rétroviseur intérieur, ses yeux froids et déterminés se fixant sur moi. Owen se retourne, son doigt se pose sur ses lèvres. Le message est clair : pas un mot, pas un souffle. Une terreur sourde me paralyse. Je sais que c'est fini. Je connais leurs visages, je connais ce nom...Owen.

Plus aucun espoir. Je suis foutue...

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