Chapitre 12
Flavy
Dès qu'Owen repart, accompagné de cette belle femme, je tombe à la renverse sur le matelas.
– Aïe ! Criais-je malgré moi.
J'avais oublié que ce matelas n'est pas en très bon état... Mais bon, je peux respirer plus calmement, pas aussi bien que je le voudrais au vu de l'état de l'air de cette pièce, mais mieux que sous la pression de son regard.
La journée passe, l'heure du repas aussi apparemment. Le soleil réchauffe l'air. Entre temps, une nouvelle personne pas m'apporte a mangé, puis repart aussi vite qu'elle était venue.
La conversation avec Owen a réveillé quelque chose en moi. Ais-je toujours été aussi faible ? Je me sens faible, là, mais avant, comment étais-je réellement ?
Des bribes de souvenirs me reviennent. Je me vois, en meilleure forme, le sourire aux lèvres, discutant joyeusement avec d'autres personnes dont le visage est flou. De nombreux souvenirs me reviennent par morceaux, mais ils n'ont aucun lien entre eux et je n'en comprends pas le sens…
– Flavy ? Flavy ?
Je me réveille brusquement en entendant mon prénom. Je m'étais endormie... Je me frotte les yeux, fronce les sourcils et me rappelle de ma situation.
– Qui êtes-vous ? Demandais-je
Une belle et jeune femme se tient devant moi, accroupie. C'est la rousse que j'ai pu apercevoir il y a quelques heures. Elle a les cheveux courts, en carré, les yeux verront, des taches de rousseur et la peau rosée.
– Bonjour Flavy, je m'appelle Margaux. Margaux Vesper Lifte. Tu as déjà rencontré Owen. Je m'excuse pour son caractère. Me dit-elle d'une voix douce et basse.
Je la regarde, suspicieuse mais étonnamment calme, presque apaisée en sa présence.
– Nous allons t'emmener ailleurs, pour des raisons de sécurité. Margaux t'accompagnera et te surveillera. M'explique Owen. Écoute bien, Flavy, reprit-il. Margaux veille sur toi alors prends garde de ne pas lui poser le moindre souci.
Ce n'était pas une menace ouverte, mais c'est tout comme. Je continue de les observer l'un après l'autre. La rousse, Margaux, me sourit doucement, tentant d'atténuer la tension, mais je ne suis pas dupe. Je reste en captivité dans tous les cas. Elle me tend sa main pour m'aider à me relever. Une fois debout, je replace mon bandeau sur les yeux puisque nous allons sortir d'ici. Elle m'accompagne, me servant de guide.
En montant les marches qui menaient hors de la cave, chaque pas résonnait comme un espoir de liberté cachant une nouvelle prison. L'air lourd et plutôt frais de la cave laisse place à un air plus pur, respirable et chaud. Le soleil réconfortant, me réchauffant le cœur et le visage par la même occasion. Nous marchons pendant un certain temps, des voix s'élevant autour de moi. Beaucoup de monde semble être sorti pour voir ce spectacle et la bête de foire que je suis ici. Je sens les regards insistants, les chuchotements...
On finit par arriver devant une maison. A cinq ou dix minutes à pied, à peine, de la cave. Owen me tient pendant que Margaux ouvre la porte et ils m'escortent à l'intérieur. La porte se referme derrière moi et de nouveau des marches, menant à l'étage. Owen ne nous a pas suivi en haut. Margaux me place devant une porte, l'ouvre et me fait entrer.
– Tu peux enlever ton bandeau, les rideaux sont tirés, la luminosité est basse. Me rassure-t-elle.
J'hésite un long moment. Sa main se pose sur la mienne, dans un élan de soutien et de réconfort. Je finis par le retirer.
On peut vite voir que beaucoup d'éléments ont été enlevés à cette pièce tels que des cadres. Bien que dépouillée, elle reste chaleureuse, un contraste frappant après l'atmosphère étouffante de la cave. Les murs sont peints d'un marron chocolat, une lampe de chevet diffuse une lumière douce, créant une ambiance tamisée. Les grands rideaux jaunes apportent de la lumière extérieure sans pour autant que cela m'agresse les yeux. Le lit, bien fait et encadré par une tête de lit en bois sombre, est recouvert d'une simple couette jaune, épaisse, qui semble confortable. Les oreillers sont blancs et moelleux, on dirait du coton. Il n'y a rien d'autre dans la pièce à part un bureau et une chaise en bois près de la fenêtre, un placard à vêtement incrusté dans le mur, et une petite bibliothèque où de nombreux livres sont posés avec du matériel de dessin.
Le sol en bois est clair, propre et lisse. La chambre paraît presque trop ordonnée, comme si elle avait été aménagée spécialement pour moi. Tout est préparé pour éviter un incident.
– Tu pourras dormir au chaud et correctement sur ce lit.
Elle observe chacune de mes réactions, comme si elle cherchait à déceler mes émotions. A lire en moi. Elle ouvre une porte.
Je découvre une salle de bain plutôt spacieuse, simple mais fonctionnelle. Les murs sont en carrelage blanc, un lavabo en céramique, surmonté d'un miroir rond, encadré par une étagère. Derrière le rideau de douche se trouve une baignoire, toute blanche également avec, en son coin, des étagères pleines de flacons de savon soigneusement posés. Il y a également des toilettes et un second meuble de rangement derrière la porte.
– Et ici, tu as la salle de bain avec des toilettes. Tu pourras te laver. Il y a le nécessaire, gel douche, peignoir, serviette et autres. Pareil pour dormir. Je t'ai aussi mis de quoi t'occuper, du matériel de dessin, une stéréo et des livres. Ce sont mes romans, j'espère que ça t'ira. Dit-elle d'une voix douce, un petit sourire aux lèvres mais les sourcils plissés d'inquiétude.
– Pourquoi ce changement ? D'un coup, comme ça ? Pourquoi tout ça ? Demandais-je, brisant le silence qui commençait à peine à peser entre nous.
Elle baissa les yeux un instant, comme si elle n'avait pas la réponse ou du moins, pas toute la réponse.
– Je... Elle hésite un ainsi, puis reprend
Je veux m'assurer de ta santé. Owen a remarqué tes yeux et cela nous intrigue et nous inquiète énormément. Murmure-t-elle.
“D'accord” Fut tout ce que je peux répondre à l'heure actuelle.
– Oh, une dernière chose ! Tu peux prendre et porter les vêtements qui sont dans l'armoire. Si tu as besoin de quelque chose en particulier, dis-le-moi. Je serais tout le temps dans la maison et si ce n'est pas le cas, quelqu'un me remplacera.
A ces mots, elle sort de la chambre, ferme la porte derrière elle. Le bruit d'un verrou résonna. De nouveau enfermé mais mieux loti.
Je prends un instant pour refaire le tour des deux pièces. Dans la salle de bain, j'ose me regarder dans le miroir.
– Mon dieu... C'est à ça que je ressemble ? Je fais peur à voir ! Murmurais-je pour moi-même.
Mon visage, émacié, laisse paraître des joues creusées, les os saillants accentués par la pâleur de ma peau, autrefois rosée. Sous mes yeux autrefois bleu vif, désormais bleu lasse, de profonds cernes violacés marquent ma fatigue, trahissant mes nuits sans sommeil et les jours d'angoisse accumulés. Mes lèvres sont gercées, fendillées par endroits, d'une pâleur maladive. Je dois avoir perdu beaucoup de poids depuis qu'ils sont partis et depuis que je suis arrivée ici.
Mon pull bien usagé fait encore plus tâche dans cette salle de bain. Les manches longues et le col montant sont abîmés, usés et ternis. Je flotte un peu plus dedans au niveau du ventre. Ne parlons même pas de mon pantalon, il ne ressemble plus à rien lui aussi. Et mes pieds, mes pauvres pieds nus dont la peau est sèche, craquelée...
Même mes cheveux sont débraillés, sale malgré les lavages à l'eau, sont emmêlés, pleins de poussières ternissant leur couleur originelle.
Je ne suis plus que le fantôme de la personne que j'étais auparavant.
Je me laisse glisser sur le sol... la tête dans les bras.
Au bout d'un moment, qui semble plus long qu'il ne doit l'être, je finis par me relever, évitant le miroir, ne voulant plus voir ce fantôme que j'étais devenue...
Je n'ai peut-être pas beaucoup de souvenirs de mon passé avant cette maison, certains me reviennent, mais je suis persuadée que j'étais bien plus présentable que cela. Il faut croire que tout ce que j'ai subi ces derniers jours et ma captivité dans une cave mal entretenue a rendu mon apparence plus pitoyable qu'elle ne l'était avant.
Je commence à enlever mes vêtements, un à un, pour pouvoir prendre une douche. Le stylo et le couteau suisse tombent au sol.
Je les avais complètement oubliés.
Les ramassant, puis les posant sur l’évier, j'évite de regarder ma peau et entre dans la baignoire. Ma main se pose sur la poignée de douche, hésitant un instant. Je la place sur l'eau chaude, puis l'ouvre brusquement. Je sursaute et me crispe au contact de l'eau qui est d'abord froide...
Malgré la vague de douleur diffuse parcourant mon corps, je reste sous l'eau, qui enveloppe chaque centimètre de ma peau. Mes muscles se détendent au fur et à mesure que l'eau chaude arrive. Un flot apaisant qui contraste violemment avec le froid glacial.
Je ferme les yeux, m'abandonnant à cette sensation que je n'avais plus connue depuis des jours voire une semaine. Alors que l'eau coule sur mes cheveux, mon visage, ma peau... La crasse qui me collait à la peau, mes cheveux emmêlés et l'odeur désagréable que je portais avec moi, tout semble se dissoudre lentement, emporté par le courant. Enfin, un vrai moment de bonheur et de répit. Mes mains glissent le long de mon corps, frottant chaque parcelle. Mes côtes saillent bien plus qu'auparavant. Mes bras, mes jambes sont plus fines, moins musclés. Je souris tristement mais j'accepte la réalité actuelle de mon corps…
L'eau devient foncée et sale à mon contact. Elle est brûlante mais apaise les blessures de mon dos, mes chevilles et de mes poignets, des souvenirs des cordes trop serrées.
Mes lèvres gercées s'adoucissent au contact de l'eau chaude. Mes joues creuses se réchauffent. Je respire profondément, essayant d'ancrer cette sensation dans mon esprit. Je finis par prendre l'une des bouteilles de shampoing et m'attèle au nettoyage de mon crâne et de mes cheveux. Plus je frotte, plus je retrouve de la légèreté. Une douce odeur d'amande et de vanille envahit la pièce et mes narines. Je ne peux m'empêcher de soupirer de bonheur. J'effectue au moins deux à trois lavages, que ce soit pour mes cheveux ou pour mon corps. Je ne veux plus avoir cette crasse, cette odeur. Je ne suis pas comme ça normalement. J'ai toujours fait attention. Me lavant régulièrement, me baignant, profitant de bons moments avec ma famille...
Ma famille ? Me baigner ?
De nouveaux souvenirs me parviennent, flous et semblent lointains. La mélancolie et la tristesse finissent par m'envahir complètement. Une larme perle sur ma joue et se mélange à l’eau de la douche. Je m'en veux également de ne pas réussir à me souvenir d'eux ou de tout autre chose. Ne serait-ce que la raison de mon amnésie…
Alors que je me lave, je me perds dans mes pensées, me sentant presque normale pour la première fois depuis... des semaines voire même un an.
Je m’abandonne à l’eau chaude, oubliant un instant ma captivité.
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