Chapitre 6 :
— Qu’allez-vous me faire ? demanda la jeune fille.
— Ferme-la !
Iris n’appréciait pas beaucoup. Nicolas s’installa sur le bureau, face à un ordinateur. La surdouée essaya de regarder les données qui s’affichaient, mais l’adulte le déplaça de manière qu’elle ne puisse pas les voir. Iris abandonna, pour l’instant, cela ne servait à rien. Juste, à rien.
— Bien… Maintenant, tu ne vas pas réfléchir à ce qu’il se passe et tu ne fais qu’obéir en te taisant. Et, encore une chose, message spécial pour toi, laisse-toi faire, sinon tu auras vraiment une punition puisque tu as décidé à nous, les adultes, de nous donner du fil à retordre.
Iris s’apprêtait à donner une réponse sanglante mais elle se stoppa sur sa lancée. Ne pas parler aux adultes. Ne plus parler aux adultes. Ce sera règle d’or. M. Past fut surpris de ne pas la voir répondre. Pour lui, elle s’était enfin décidée à obéir. Ce qui n’était pas vraiment vrai.
— Bon, maintenant, tu vas entrer dans le scanner, fermer les yeux, et je te dirais quand tu pourras y ressortir.
Iris lui lança un regard noir. Puis, d’une démarche mal assurée accompagnée de pas hésitant, elle atteignit le scanner et s’allongea dedans. Le scanner avança, mais Iris n’avait toujours pas fermé les yeux tellement qu’elle était anxieuse.
— Obéie. Ferme les yeux. Tu peux nous faire confiance à nous, les adultes s’occupant de votre surveillance. On est là pour vous aider.
Faux. C’était faux. C’était un beau mensonge. Ce n’était pas vrai. Iris le savait. Elle ne pouvait pas leur faire confiance, pas à eux. Pas aux adultes. Pourtant, malgré ses réticences, elle ferma ses yeux. La jeune fille ne savait pas exactement ce qui se passait. Mais une chaleur caressa son corps du bas vers le haut. Puis la même chose, mais avec du froid. Comme si elle n’avait pas assez froid comme cela. Nicolas avait beau lui avoir dit de ne pas réfléchir à cela. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Tant pis si cela faisait quelque chose de graves. Mais une nouvelle question apparaissait dans sa tête. Pourquoi leur faisait-il cela ? Ce n’était pas de simple examen de santé. Loin de là. On aurait dit qu’il cherchait quelque chose en eux. Mais quoi ?
— Tu peux sortir.
La jeune fille ne se le fit pas prier. Elle sortit de la machine à une vitesse incroyable, comme si elle allait exploser et que sa vie en dépendait. En regardant Nicolas taper des choses à l’ordinateur, cela intrigua la jeune fille. Elle allait lui poser une autre question mais s’arrêta. Ne plus parler aux adultes. Elle ne devait plus parler aux adultes. La jeune fille allait mettre un point donneur à quasiment toujours respecter sa règle qu’elle s’était fixée. Iris sortit sans aucun problème, M. Past ne l'a retenue même pas. Elle se dépêcha de revenir dans sa chambre. Samuel et Maryline s’y trouvaient toujours.
— Ça va ? demanda la fille.
Iris ne répondit pas immédiatement. Elle n’était pas sous le choc, au contraire, elle était un peu en colère sans vraiment savoir pourquoi.
— Il y a vraiment un problème ici ! s’écria-t-elle. Vous trouvez cela normal qu’il fasse cela ? Ce n’était pas un simple examen de santé. Ce n’en était même pas un. J’en suis sûre, il cherche quelque chose, quelque chose que nous avons, ou qu’ils cherchent à vérifier…
— Notre intelligence, répondit Samuel.
Iris s’arrêta. Elle n’y avait pas pensé, cela semblait absurde. Mais en n’y réfléchissant plus, il avait raison. C’était leur intelligence qu’il voulait. On peut-être qu’il voulait expliquer. Mais pourquoi ? Et dans quel but ? Quelque chose lui échappait. En quoi leur intelligence leur serviraient-ils ? Malheureusement, elle n’avait pas la réponse.
— Il va falloir faire des recherches, affirma Iris.
— Je me demande ce qui se passe à l’extérieur, en Opartisk, s’enquit Maryline.
Iris aussi. Elle imaginait sa ville, bombardée de bombe, assiégée par l’armée d’un autre peuple. Tout cela paraissait surréel, mais elle n’avait pas l’impression que cela allait bien se passer pour eux, elle avait un mauvais pressentiment. La jeune fille entendit toquer à sa porte, elle regarda sa montre pendant que Kendra rentra.
— Salut ! s’exclama-t-elle avec un geste de la main.
— Salut Kendra, comment ça va ?
— Très bien, les cours étaient ennuyants, affirma-t-elle.
Kendra se lança donc dans le récit de sa journée d’école. Elle parla des cours, des matières, de ses voisins ainsi que de ses professeurs. Apparemment, les professeurs ne lui semblaient pas très futés. Quand elle eut terminé, elle partit dans sa chambre pour faire ses devoirs. C’était comme en Opartisk, mais en internat, sans ses anciens amis et sans voir sa famille et sans nouvelles de l’extérieur. Mais il y avait quelque chose d’autre. Quelque chose qui ne semblait pas normal, en tout cas, pas pour Iris.
— Vous pensez que l’on devrait en parler aux petits ? demanda Iris.
— Je ne sais pas, avoua Maryline.
— Moi je pense que l’on devrait, déclara Samuel. Ils ont le droit de connaître nos doutes. Puis nous sommes des surdoués, eux aussi, ils vont sûrement se douter de quelque chose. On ne pourra pas leur cacher longtemps si on le fait. On devrait leur dire.
Ce que disait Samuel n’était pas bête. Il avait raison. Les autres allaient se douter de quelques choses, c’était évident. Les autres n’allaient pas être dupes. L’attitude des trois plus vieux allait finir par les trahir s’ils ne leur disaient rien. Ils devaient leur dire. Après un moment de réflexion, ils décidèrent de l’annoncer à toute la bande de surdoués. Mais pas pendant le repas, ce n’était pas bon, M. Past pouvait les entendre. Ils choisirent demain après les cours des petits en fin d’après-midi. Cela leur permettait de préparer ce qu’ils allaient dire et de choisir les bons mots. Les petits étaient, certes intelligents, mais les plus jeunes, les jumeaux et Kendra devaient l’apprendre un peu en douceur. Pendant le repas, les plus jeunes racontaient leur journée. D’après eux, les trois plus grands n’auraient pas les mêmes professeurs. Puis, ils durent se coucher tôt puisque les cours commençaient à six heures. Iris, qui avait depuis son entrée au collège du mal à beaucoup dormir, se leva à quatre heures et demie. Elle prit son temps à se préparer. Peut-être que de là où il était, Kilian dormait encore, ou alors lui aussi se levait. Marin non, leur journée à la fac commençait souvent à huit heures. La jeune fille prit son petit-déjeuner accompagnée de Maryline et Samuel. Ils suivirent Nicolas jusqu’à leur salle de cours. Il les laissa là.
— Vous pensez que cela va se passer comment ? demanda Samuel.
— Je n’en sais rien, la seule chose que j’espère, c’est que cela va être intéressant, grogna Iris.
Et Iris en doutait. Déjà, les plus jeunes n’avaient pas été intéressés par leur cours alors qu’ils n’avaient même pas fini le cursus scolaire obligatoire. Que pouvaient-ils faire comme cours à des élèves qui avaient déjà fini le cursus ? La lettre avec été direct, la médecine allait être mise de côté tant qu’ils étaient ici. Et, comment pouvaient-ils avoir des cours intéressants dans un endroit pareil ? L’État n’avait sûrement pas dû placer de l’argent dans des cours attrayants et utiles mais plutôt dans les attaques. C’était désolant, ils pouvaient mieux faire. À son avis, l’avenir était plus important que la guerre. Soudain, la porte ouvrit, un homme y sortit. Il était grand, brun et ridé. Il devait être âgé d’environ une cinquantaine d’années. Il avait un air sévère ce qui ne donnait pas vraiment envie de rentrer. Il fit un petit geste pour que les trois adolescents y aillent. Maryline et Samuel y rentrèrent en baissant la tête, résignés. Iris, elle n’avait pas vraiment confiance, d’une démarche hésitante et sous le regard pesant du professeur, elle finit par rentrer dans la classe. Comme toutes les salles à part les chambres, il faisait froid, mais pas autant que dans la salle du scanner. Il n’y avait que trois très grandes tables pour chacun d’entre eux. C’était un peu bizarre. Samuel et Maryline avaient pris les tables du côté, Iris se retrouva avec celle du milieu, en face du bureau du professeur. C’était exactement la place qu’elle détestait le plus. Elle posa son sac et y sortit un cahier et des stylos. La jeune fille resta debout jusqu’à ce que l’adulte leur ordonnât de s’asseoir.
— Bien… Je me présente, Florent Matt, M. Matt pour vous. Je suis votre professeur. Vos années restantes ne seront pas centrées sur vos études de médecine. Ensemble, nous allons étudier les autres peuples. Vous ne savez pas beaucoup de choses sur elles, et il y a beaucoup d’informations à apprendre. Chaque clan est complexe à sa façon.
Étudier les autres peuples ? Iris trouvait cela étrange. À quoi cela allait leur servir ? À rien, se disait-elle. Pendant leur premier cours, le professeur leur présenta les quatre autres peuples. Où ils se situaient, leur densité, et le nombre d’habitants ainsi que leur capital. L’environnement, il leur donna des photos d’avant et après la guerre. Bien évidemment, il ne leur expliqua pas pourquoi cette guerre existait. C’était une autre question qui s’inscrivait dans la tête d’Iris et qu’elle n’oublia pas. Même si le cours était un peu près intéressant, Iris s’ennuyait. Le cours n’était pas intéressant jusqu’au bout, il manquait quelque chose. Et, à la place d’écouter, elle pensait à ses parents, ils devaient sûrement travailler. Mme. Keys devait être en train de faire ses courses au marché, Marin à la fac, en plein cours d’anatomie. Kilian étudiait peut-être, tout comme Cassandra certainement. L’image de ses meilleurs amis ne la quittait pas. La séparation était difficile… Très difficile, et c’était normal. La jeune surdouée n’entendit que le professeur annoncer la fin du cours. Iris rangea rapidement ses affaires et attendit ses deux amis qui étaient un peu plus lents. Ils dévalèrent les escaliers pour se rendre à la cafétéria.
— Ce cours était d’un ennui mortel ! s’exclama Samuel, je me suis efforcé d’écouter, mais j’ai bien cru que j’allais m’endormir.
— Moi pour m’occuper j’ai pris des notes… Et j’ai un peu dessiné pour illustrer, afin de rendre tout cela plus joyeux, un cours sur les autres clans, ce n’est pas vraiment le meilleur, renchérit Maryline.
— J’ai écouté le début, mais après pas trop. Mais y a une question qui m’est venue à l’esprit d’un coup ! déclara Iris en prenant un plateau.
— À ouais ? (Iris secoua la tête) C’est quoi ta question ? voulut savoir Samuel.
— Je me suis demandée pourquoi il ne nous parlait pas des origines de la guerre. C’est vrai… On sait tout qu’il y a une guerre, mais nous ne savons pas vraiment pourquoi. En plus, à la base, tous les clans étaient intégrés dans la guerre. Vous allez quand même pas me dire que personne ne connaît la raison de cette guerre !
Samuel et Maryline s’échangèrent furtivement un regard avant de prendre leur entrée.
— Il est vrai que tu n’as pas tort. Enfin… Je veux dire, la question n’est pas bête et je comprends que tu puisses te la poser. Mais je crois bien que personne ne le sait. Il faudrait faire sortir des morts de leur tombe et c’est impossible. Et je pense que seul les tout premiers dirigeants qui ont commencé la guerre le savent.
Samuel avait raison. Iris était déçue, mais la jeune fille ne renonçait pas à l’idée de trouver la cause de la guerre un jour. Elle le marqua dans son bloc-notes. Puis, ils s’installèrent avec les autres.
— Comment c’était votre cours ? demanda Sandra.
— D’un ennui que personne n’ait jamais connu. Le professeur M. Matt nous fait des cours sur les autres clans. Vous vous rendez compte ? On va étudier les autres clans. Cela ne sert strictement à rien. Ce n’est qu’une perte de temps sur notre avenir. Je comprends mieux pourquoi on n’a cours que le mardi et le mercredi matin. Ces cours ne servent à rien. Je suis pressé d’atteindre dix-huit ans pour sortir d’ici et retrouver une scolarité normale avec mon année de médecine, monologua Samuel.
— Tu es pressé de te retrouver sous une pluie de bombes ? Bizarre comme envie mais je ne juge pas, commenta Lilian.
— Non, c’est vrai que je n’ai pas envie de me faire tuer, c’est certain. Ce que je veux dire, c’est qu’ici, il n’y a pas grand-chose d’intéressant en cours. Encore moins, les cours avec nos professeurs. C’est juste cela.
Il n’avait pas tort. Iris avait envie de retrouver ses amis et ses parents, mais elle ne souhaitait pas se retrouver à proximité des bombes et donc de la mort. Pourtant, même ici elle se sentait en danger, pour elle, même ici elle n’était pas protégée. Tout pouvait arriver. N’importe qui pouvait attaquer à tout moment. Après le passage de la guerre, ils discutèrent de tout autre. Iris, Samuel et Maryline étaient un peu gênés, ils n’avaient encore rien dit aux autres, et ils ne comptaient que le dire demain. Les autres leur révélèrent que Nicolas leur avait fait passer des tests avec un casque sur la tête. C’était… Surprenant. Apparemment, les aînés n’étaient pas les seuls à être examinés comme cela.
Pendant l’après-midi, les autres étaient en cours avec leur professeur. Mais eux, s’étaient rendus à la bibliothèque. Un endroit situé dans la même aile que les salles de cours, beaucoup plus grand, spacieux, avec des tables, des fenêtres et pleins d’étagères remplies de livres. Il y avait aussi des ordinateurs. Ce qui était étonnant puisqu’ils n’avaient aucune nouvelle de l’extérieur et qu’ils ne semblaient ne pas en avoir le droit. Bien évidemment, comme dans toutes les salles, il faisait froid. Iris commençait à se convaincre que c’était fait exprès. Mais justement… C’était fait exprès. Mais pourquoi donc ? Il n’y avait rien d’agréable à avoir froid toute la journée, comme chaud aussi. Beaucoup trop de questions apparaissaient de jour en jour. Ces questions restaient dans la tête d’Iris sans jamais s’en sortir. Et la jeune fille voulait absolument avoir les réponses sur toutes ses questions. Mais pour cela, il allait falloir mener l’enquête. La surdouée aux cheveux auburn était prête à la mener et à la réussir quoi qu’il arrive.
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