Chapitre 17 :
Les images défilaient, des cerveaux, que des cerveaux. Chaque scientifique cherchait à comprendre, comprendre pourquoi, comment et trouver une solution. Mais pouvaient-ils trouver une solution sans connaître l’origine ? Ils ne savaient pas. En Thuath, la maladie était apparue il y a plusieurs années. S’attaquant aux adolescents et aux enfants. Plus les années passaient, plus l’agent pathogène s’attaquait violemment à l’avenir du peuple. Cette maladie avait commencé à s’étendre sur tous les peuples. Thuath était durement atteint depuis des années, et la maladie était très développée. Elle était arrivée à son dernier stade. Les nourrissons mouraient, les enfants agonisaient, et les adolescents n’allaient pas mieux non plus. Certains allaient mieux que d’autres, mais ils étaient souvent tués par les autres car ils étaient jaloux.
Après quelques semaines de pauses bien méritées après sa précédente mission, la scientifique entra dans ce bâtiment. Elle n’était pas de Thuath. Elle était arrivée grâce au passage clandestin pour accomplir sa mission : observer. Elle avait postulé en tant que scientifique, et grâce aux falsifications, elle avait été prise. Et tout ce qu’elle voyait lui semblait… irréel. Elle n’avait pas vu cela dans son clan. En fait, dans son clan, tout allait bien. Les enfants n’avaient pas l’air malade. Leur peuple était sûrement épargné par cette terrible maladie. Lorsqu’elle rentra dans la salle, elle crut s'évanouir. Ce n’était vraiment pas beau à voir. La salle était immense, et des lits roulants prenaient toute la place. Des enfants mourants étaient allongés sur les lits. La jeune femme en eut le sang glacé. Avançant d’un pas hésitant, elle sentait le regard sur elle. Cela la mettait mal à l’aise et la stressait. Elle ne devait pas trahir sa couverture, pas dès le premier jour. Certains enfants étaient intubés, d’autres non. Certains étaient encore plus mal au point. Quelques-uns servaient de cobayes, elle le savait. Tout cela faisait peur. Ce stade était inquiétant dans le clan Thuath.
La jeune femme s’arrêta près d’une jeune fille. Elle avait de multiples cicatrices sur les bras et les jambes, ses yeux étaient écartés et sa respiration saccadée. Elle était d’une pâleur plus qu’inquiétante et semblait prise de douleurs horribles que même les tranquillisants ne pouvaient estomper. La scientifique se tourna vers le deuxième adulte présent dans la pièce.
— Nous ne voulons pas inquiéter le peuple. Certains sont morts. C’est cruel, mais nous n’avons encore rien dit à leurs parents. Il faudrait les surveiller pour que l’on sache s’ils gardent le silence. C’est déjà assez compliqué comme cela. Tous ceux qui sont ici sont condamnés. C’est pour cela que nous nous permettons de les utiliser pour nos expériences. On cherche les origines et un quelconque remède. C’est une maladie cérébrale qui bloque tous les accès petit à petit. Mais certaines souches s’attaquent aux systèmes respiratoires.
— Puis-je voir les corps ? Des morts.
L’homme entraîna la jeune scientifique dans une autre salle. Elle était nettement plus froide. Elle vit les deux corps dépourvus de vie. Plus aucun souffle, plus aucun battement de cœur, leurs yeux étaient fermés à tout jamais. Tout ce gâchis à cause d’une maladie. De ses doigts, la jeune femme parcourut les deux corps inanimés. Extérieurement, ils semblaient bien, mais la maladie ne s’attaquait pas à l’extérieur. Elle ne montrait encore aucun signe à l’extérieur. Tout se passait à l’intérieur du corps. Cette épidémie était terrible dans le clan Thuath. C’était le clan le plus touché. Bientôt, cela deviendrait une vraie hécatombe. L’homme lui tendit des clés, elle les prit sans rien dire.
— Les chambres sont à l’étage du dessus. Vous êtes ici pour essayer de me trouver un foutu remède. Rien de plus. Contentez-vous de votre travail. On ne vous demande rien de plus. Bon… Je vous laisse vous familiariser avec cet endroit. À plus tard.
Pas de réponse. Elle ne répondit pas. La jeune femme le regarda partir, attendant de rester seule.
— Parfait Amanda. Rejoint le QG. Comme ils viennent de s’installer tu verras forcément quelqu’un. Tu dois descendre la rue.
L’ancienne médecin des surdoués sortit du bâtiment. À Thuath, l’ambiance était pesante. Le mal qui abattait le clan les empêchait de se relever, en plus de cela, le clan traversait une période de froid extrême. Le commerce marchait pourtant bien, et il gagnait plusieurs batailles. L’agent de terrain de l’association s’emmitoufla dans son grand manteau. Elle enroula une écharpe autour de son cou et s’enfonça dans la direction indiquée.
— Quand tu trouveras Moll, tu lui raconteras tout ce qui s’est passé. Bon travail Agent Klimb. Tu me le passeras aussi.
La jeune femme approcha un bout de son écharpe près de sa bouche.
— Très bien, Monsieur !
Ce fut tout ce qu’elle dit et elle s’engouffra dans la direction indiquée. L’agent ne se remettait toujours pas de ce qu’elle avait vu. Thuath était vraiment affecté par cette fameuse maladie. Beaucoup trop. Ils avaient de la chance en Opartisk. Elle n’était pas présente. Donc… Si elle n’était pas présente en Opartisk, pourquoi les gamins étaient-ils enfermés dans le désert ? Cela ne répondait encore à aucune question. Mais il fallait faire quelque chose. Cette maladie n’était pas possible, certes, tous les enfants et adolescents n’étaient pas touchés, mais la plupart en mourait dans ce clan. Ils devaient absolument obtenir des nouvelles des autres clans grâce à leur QG là-bas. L’association secrète avait infiltré les autres clans. Ils avançaient doucement, en espérant trouver des réponses un jour.
Amanda était assez satisfaite d’avoir été affectée en Thuath même si elle était éloignée de quelqu'un qu'elle aimait. Cela avait beau être un clan en crise, le peuple ne rechignait pas. Le peuple restait calme, mais désespérait. La jeune femme voulait essayer de les aider, mais elle ne pouvait pas faire grand-chose. Elle n’allait pas trouver un remède aussi facilement, ni réparer les bâtiments détruits par les bombes. En Opartisk, c’était une vraie guerre mais ce n’était pas la guerre en elle-même qui défigurait le paysage du clan, mais le peuple lui-même. Il était trop énervé par la décision des conseillers, et c’était la guerre civile. À chaque déplacement politique, ils s’arrangeaient pour pouvoir jeter tout et n’importe quoi. Ils avaient essayé en vain de trouver l’emplacement de leur bureau. Bien évidemment, les bureaux étaient introuvables, la protection des conseillers était assurée. Les fidèles de l’État étaient toujours présents, et les défendaient. Malheureusement, dans certaines situations, cela empirait car des fidèles se battaient contre le peuple qui se révoltait. Cela arrivait plusieurs fois dans un mois, et les conseillers n’étaient pas capables d’arranger cela.
La jeune femme repéra un homme devant un bâtiment, dans un état déplorable. C’était cela, sans aucun doute. L’homme était très pâle avec des cernes bleuâtres, il n’avait pas dû beaucoup dormir et souffrait du froid permanent. Amanda s’approcha de lui.
— Opartisk ? questionna-t-il en regardant sa montre.
— Oui. Je voudrais voir M. Moll.
— Suivez-moi.
L’homme ouvrit la porte avec un badge vert, un long couloir se présentait à eux. Il la guida dans la vieille bâtisse qui semblait être un labyrinthe. Il entra dans une pièce au fond à gauche. Des adolescents s’y trouvaient, contrairement aux autres, ils allaient bien. Ils ne semblaient pas malades. En tout cas, ils n’étaient pas encore gravement atteints.
— On a fait des prises de sang. Ils ont de la chance, ils ne sont pas encore atteints par la maladie. On ne sait pas exactement ce que c’est, mais cela peut entraîner la mort. Cela va bientôt devenir une hécatombe. Le roi de Thuath redoute la réaction du peuple. Les réactions du peuple sont imprévisibles. Ils pourraient s’énerver, ou alors ne rien faire. Le peuple n’a plus d’argent, seuls quelques riches ont les moyens. C’est un pays endetté et en chute libre. Leur gouverneur n’arrive toujours pas à faire face, pourtant il continue la guerre. Il est insensé.
Après être passés de salle en salle, ils arrivèrent dans un petit couloir. L’homme ouvrit la porte tout au fond et laissa passer Amanda qui avançait d’une démarche assurée. Un homme était assis face à la porte. Les coudes posés sur le bureau, les mains jointes, le regard loin devant lui. Il avait tout d’un chef. L’agent d’Opartisk s’avança jusqu’au bureau, elle posa furtivement le regard sur l’homme avant de fixer ses doigts entrelacés.
— Vous êtes M. Moll je suppose…
Il observa chaque recoin de son visage avant de croiser les bras.
— Agent Amanda Klimb. Content de vous voir. On était impatient de vous recevoir en Thuath. J’espère que ce n’est pas trop dur de quitter l’Opartisk. Que nous ramenez-vous comme information ?
Amanda leur raconta ce qui se passait en Opartisk, et ce que le chef des scientifiques lui avait expliqué. Elle lui passa son microphone et ses oreillettes pour parler à son chef et elle les reprit tout en retournant dans le froid d’Opartisk. Même si la rue ne semblait pas habitée, des habitants étaient agenouillés et mendiaient dans le froid du pays. La jeune femme fit tout son possible pour ne pas les regarder dans les yeux. Elle ne pouvait pas leur donner d’argent, même si elle l’avait voulu. Elle n’avait pas encore l’argent du peuple, et qu’elle devait l’utiliser que pour elle, et non pour les habitants. La scientifique s’immobilisa quand elle vit un gamin, même pas âgé de huit ans, grelottant dans le froid, dans les bas de sa maman. Cette dernière n’avait plus de force, elle était très maigre, tremblait et ne semblait pas avoir dormi depuis des jours. Amanda sortit de sa poche une pomme qu’elle avait gardée d’Opartisk. Elle prit la main de l’enfant et la déposa dessus. Les regards se posèrent sur elle comme s’ils attendaient quelque chose. Ils attendaient quelque chose d’elle. Hélas, elle n’avait rien de plus, et elle avait préféré la donner à un enfant.
Amanda repartit en hâte dans les bâtiments et essaya de trouver sa chambre dans le deuxième étage. Au bout d’un quart d’heure, elle la trouva enfin. Elle était très petite et très peu meublée. Une table, un lit, une petite armoire et se fut tout. La douche aussi n’était pas très grande et il n’y avait pas plus d’espace pour les toilettes.
Amanda comprenait que Thuath n’avait pas les moyens, mais elle n’arrivait pas à comprendre le principe du clan. À force, elle allait finir par s’adapter. Sauf que tout cela s’annonçait être plus dur que de travailler dans les bâtiments dans le désert. Amanda devait mener sa mission à bien, elle n’avait pas le choix. On lui faisait confiance. On ne lui demandait pas de comprendre les autres clans, mais de trouver le problème. Et elle avait déjà trouvé. Car personne en Opartisk, à sa connaissance, n’était au courant de cette maladie mortelle. Les autres clans semblaient être dans des crises énormes. Pas que Thuath. Tous. L’Opartisk allait malheureusement bientôt en faire partie. Tout cela à cause de cette guerre. Les conseillers de chaque clan étaient tellement occupés entre la guerre et les échanges commerciaux, qu’ils ne voyaient pas qu’ils creusaient le trou noir qui allait engouffrer leur peuple un par un. C’était désastreux. Et personne ne savait ce qui allait les faire réagir.
Le monde était en train de mourir petit à petit à cause des chefs stupides prenant les mauvaises décisions.
Ils étaient plusieurs, et aucun n’était capable de rattraper les erreurs que les autres faisaient. Cela allait leur porter préjudice, et pas qu’à eux. Mais au monde entier.
En Opartisk, dans un lieu inconnu de tous, six personnes entouraient une grande table aux extrémités arrondies. Les conseillers bien évidemment, ils n’avaient pas dormi depuis plusieurs jours, et mangeaient très peu. L’acharnement médiatique que les journalistes faisaient peser sur eux les décourageait. Ils ne savaient plus quoi faire, ils n’arrivaient plus à réfléchir et ils étaient beaucoup trop fatigués pour le faire correctement.
— Bon… Baptiste… Quelles sont les nouvelles par rapport aux enfants dans le désert ? demanda une jeune femme blonde.
— Eh bien, rien pour l’instant. Avec les comparaisons, on se rend effectivement compte que les QI sont en train de chuter considérablement. Nous ne savons pas encore à quoi c’est dû, mais rares sont ceux qui ne sont pas surdoués mais tout de même intelligents.
— Les émeutes se sont calmées ?
— Depuis l’arrivée des surdoués, dans le premier bâtiment cela s’est calmé. Comme ils sont dispersés, même si les surdoués restent dans leur groupe, j’ai engagé des surveillants spéciaux pour les suivre et les observer. D’ailleurs… Le chef de ce premier établissement demande de rajouter des surveillants. Il y en a trop peu pour bien surveiller. Ils ont découvert un trafic de drogue récemment. Nous devons être plus vigilants avec eux, cela ne doit plus se reproduire. Il faut aussi calmer le jeu dans les autres bâtiments. Cela devient invivable pour les adultes.
— Je comprends… Mais nous devons trouver ce que nous cherchons. Si cela s’avérait être vrai, cela serait terrible. Peut-être que les QI ne sont pas les seules réactions, il y a peut-être autre chose. Et si nos doutes s’avéraient, il faudrait en parler aux autres clans, déclara la femme blonde.
— Victoria, le peuple n’est plus vivable lui aussi. Vous avez vu notre dernier meeting ? C’était un vrai raffut, les gens ne nous écoutaient plus, et ils nous ont jeté de la peinture sur nous lorsque nous sommes passés. Le peuple désespère. Les journalistes nous enfoncent de plus en plus. Il faut absolument faire quelque chose ! s’exclama un grand homme brun.
— Christian, nous n’avons qu’à réduire le nombre de journalistes et vérifier tous les articles qu’ils rédigent ou veulent présenter à la télévision, déclara Victoria.
— On ne pourra jamais vérifier tous les articles ! Vous le savez tout autant que moi. Et limiter le nombre de journalistes ne changera rien non plus. Nous devons trouver autre chose.
Les conseillers ne faisaient rien pour calmer vraiment le peuple et les empêcher de commettre des actes destructeurs en plus des bombes qui s’abattaient de temps à autre. Ils préféraient protéger leurs arrières. Ils savaient tous les six, que si un des leurs mourait, cela mettrait beaucoup de temps à le remplacer, et ils n’en avaient pas envie. Les conseillers pensaient que le peuple devait s’estimer heureux car les peuples des autres pays étaient en perdition. Ils n’avaient pas totalement tort, mais ils comptaient aussi cela en tant qu’excuse valable. Mais elle ne l’était pas, car à cause de leur entêtement à et de vouloir toujours avoir raison, ils dirigeaient leur peuple droit dans la même direction que les autres clans. Et c’était mauvais. Très mauvais.
— Bien… Nous n’avons qu’à supprimer le journaliste. Plus de journaux, plus de chaîne d’information, plus de journal télévisé, proposa la conseillère Victoria.
Les cinq autres conseillers se lancèrent des regards suspicieux, ensuite, ils réfléchirent pendant un moment, sans débattre. Cela se passait toujours comme cela. La communication se passait avant de réfléchir. Parler après la réflexion ne pouvait pas faire de mal non plus.
— Nous devons régler nos échanges commerciaux avec Dheas. Bon… Sophia, où en sommes-nous de ce côté-là ? Tout se passe à merveille ? demanda la blonde.
— Oui, tout se passe très bien. Ne vous inquiétez pas. Nous n’avons pas de soucis à nous faire de ce côté-là, informa une femme âgée.
— Bien, merci Sophia… Passons à un autre sujet. Bertrand…
Il marchait d’un pas rapide, regardant toujours derrière lui comme s’il avait peur d’être suivi. Il savait qu’il risquait beaucoup, s’il se trompait, l’association serait révélée au grand jour, et tout cela ne devait pas arriver. Cela faisait un moment que certaines choses reposaient sur ses épaules, mais ces derniers jours, il avait l’impression d’être suivi. Et cela lui mettait une pression énorme. Pourtant, il n’avait rien remarqué, il n’avait pas aperçu une même personne ou une personne bizarre, mais il sentait un regard posé en permanence sur lui. Il avait prévenu ses supérieurs, et il y avait toujours un homme, de loin, qui le suivait et observait les alentours. Malgré le dispositif mit en place, le jeune homme n’était pas serein, il ne se sentait pas en sécurité. Il pressa le pas et changea de rue. Arrivé devant un immeuble, il rentra et monta un étage puis toqua à une porte. Une femme aux cheveux auburn lui ouvrit la porte.
— Madame Smarta…
— Vas-y. Entre dans le salon.
Le jeune homme entra et serra la main à l’homme aux cheveux bruns qui s’était levé du canapé. Le mari et la femme avaient des cernes immenses à force de ne pas dormir. Le couple donnait beaucoup à l’association. Ils ne pouvaient faire partie des infiltrés des bâtiments. Les chefs refusaient que les parents y aillent, et ce n’était pas plus mal. Du coup, ils travaillaient tous les deux dans la branche administrative en plus de leurs métiers respectifs. Les deux adultes s’assirent sur le canapé et le jeune homme prit une chaise pour s’asseoir en face d’eux.
— Est-ce que tu aurais des nouvelles ? Juste des nouvelles, Marin.
— Eh bien, le changement d’établissements n’a pas été trop brutal. Elle veut absolument savoir pourquoi elle est là-bas et connaître les origines de la guerre. On ne pourra pas lui faire changer d’avis. Même Kilian n’y arriverait pas. Je lui ai envoyé une lettre et j’espère qu’elle va pouvoir me répondre à nouveau. Amanda a été envoyée en Thuath. Le chef a décidé quelque chose qui peut être risqué et pour eux, et pour nous.
Les deux parents se regardèrent, effrayés. Ils avaient peur pour leur fille et tous les autres enfants. Ils avaient peur pour eux et l’association. Tôt ou tard, ils savaient que l’association allait être découverte au grand jour, mais mieux valait tard. Ils devaient se cacher le plus efficacement possible. L’État ne se doutait de rien, la plus grande partie de la population non plus. Ils ne devaient commettre aucun faux pas. Personne ne savait ce qu’ils pouvaient risquer, quelles peines ils pouvaient avoir. Ils ne savaient pas, et ne souhaitaient pas le savoir.
— Il faut que l’on soit de plus en plus prudent.
— Qu’a décidé le chef ?
L’étudiant en médecine se mordit la lèvre inférieure. Il n’était pas certain de vouloir le dire. Il pouvait le dire, il le devait, presque. Mais si les choses tournaient mal, il ne voulait pas leur faire une fausse joie. Ce n’était pas le but. Les chefs savaient que c’était dangereux, pourtant, ils voulaient continuer leur plan jusqu’au bout. Mais les infiltrés ne pouvaient pas faire grand-chose, cela leur ferait perdre leur couverture. Marin était certain que le plan ne fonctionnerait jamais. Sauf qu’il ne pouvait rien dire, du coup, il se taisait.
— Je… Désolé. Je n’ai pas le droit de vous le dire.
C’était faux, il le pouvait, mais il ne voulait pas blesser les parents de son amie s’il lui arrivait malheur. Le jeune homme ne le souhaitait pas. Il voulait revoir Iris, Kilian et Cassandra vivants et espérait que les adultes des bâtiments ne faisaient pas de mal aux autres enfants et adolescents. Le garçon désirait absolument recevoir une nouvelle lettre d’Iris. Il voulait que le plan mette du temps à se réaliser. Qu’ils n’aillent pas trop vite, qu’ils prennent le temps d’y réfléchir, de le construire, de s’assurer que tout se passe bien.
Amanda aurait été d’accord avec lui et l'aurait soutenu, mais elle n’était pas là pour donner son avis. Contrairement à la plupart des membres, elle avait le droit de s’exprimer, et son avis, comptait pour beaucoup. Hélas pour lui, le chef, qui lui accordait toute sa confiance l’avait envoyé en mission d’infiltration dangereuse en Thuath. Il y avait peut-être un QG, mais elle ne vivait pas avec eux, elle n’allait pas y vivre souvent, et allait devoir jouer son rôle, ne pas se faire prendre, se justifier de ne pas être tout le temps-là, ils ne devaient pas remarquer qu’elle partait pour s’absenter longtemps. Marin angoissait beaucoup pour elle. Ils étaient très proches.
La mère d’Iris le regarda un moment, cherchant quelque chose qui le trahirait et l’informerait du plan, mais Marin ne laissait rien paraître, du moins, il essayait. La femme se leva et encadra le visage de Marin de ses mains, le forçant à la regarder dans les yeux. Elle en avait les larmes aux yeux, si bien que Marin qui commençait à en avoir, luttait pour ne pas les laisser s’échapper.
— S’il te plaît… Quoi que cela puisse nous faire, dis-le-nous.
Cette fois-ci, Marin détourna le regard. Il prit les mains de la femme pour les enlever de ses joues et l’obligea à se rasseoir. Il soupira. Souffla un bon coup, prit une grande inspiration avant de se lancer dans les explications du plan organisé par les chefs de l’association secrète. Plus il expliquait, plus le couple hésitait entre la joie et la peur.
— Mais ils ne peuvent pas prendre le temps de bien y réfléchir ? C’est dangereux, ils devraient plutôt se préparer au maximum plutôt que de se précipiter autant. Ce n’est pas si urgent.
— Le chef est pressé de leur parler.
— On fait partie des parents de ces enfants. Nous avons notre mot à dire.
— Madame Smarta…
— Elisa je t’en prie. On te connaît depuis un moment, tu es un ami d’Iris.
— Elisa… (Utiliser le prénom des parents d’Iris le rendait plutôt mal à l’aise, mais il fit avec). Je comprends tout à fait ce que vous me dites, mais je ne crois pas que vous réussirez à les faire changer d’avis.
— Il y a bien une personne qui pourrait les persuader de moins se presser, de prendre plus de temps ? questionna le père d’Iris.
— Monsieur…
Il comprit le regard de l’homme.
— Laurent, se corrigea Marin. Je pense, que seule Amanda aurait le pouvoir de les changer d’avis.
— Amanda ? L’infiltrée qui a surveillé ma fille et les autres surdoués dans le bâtiment spécialement pour eux ? Est-ce une de tes amies également ? voulut confirmer la mère d’Iris.
— Oui, tout à fait, répondit Marin en rougissant.
— Alors va le lui demander immédiatement !
— Mais je ne peux pas. Ils l’ont envoyé il n’y a pas longtemps en mission en Thuath.
— En Thuah ?!
— Désolé, mais sur cela, je ne peux vraiment pas vous en dire plus !
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