Chapitre 18 :
Quelques semaines étaient passées, Iris avait tout fait pour éviter le nouvel élève, qui était l’infiltré des conseillers. Lui, au contraire, essayait de lui parler, en vain. C’était un homme qui devait tout juste avoir dix-huit ans, mais qui paraissait avoir l’âge d’Iris et Kilian. Il avait les cheveux bruns et les yeux bleus. La jeune fille avait un don pour l’esquiver. Enfin… Plutôt pour l’ignorer, car c’était lui qui avait un don pour tout le temps la croiser, et lui parler. Les professeurs l’avaient mise à côté de lui à tous les cours. Elle répondait brièvement sans le regarder, cela l’agaçait beaucoup. Il venait lui faire la causette en dehors des cours, et elle essayait de couper court, mais c’était difficile. Les autres surdoués étaient beaucoup moins ennuyés par les infiltrés près d’eux. Voyant qu’ils ne parlaient pas, ils rabattaient tout sur la plus intelligente des surdoués : Iris.
La jeune femme sortit d’un cours en parlant à Kilian et Cassandra. Comme c’était la fin des cours, elle se sépara d’eux pour chercher Samuel. Par chance, il n’était pas très loin.
— Ah Iris ! Comment ça va ? déclara-t-il en lui faisant un geste de la main.
— Il faut que je m’éloigne de la foule sinon je crois que je vais m’énerver ! grogna-t-elle.
Le jeune homme suivit son amie qui montait déjà vers leur aile. Alors qu’Iris allait parler à Samuel, le brun arriva.
— Et Iris, tu as compris la leçon de…
— Oh mais tu pourrais me lâcher un peu ! Si tu avais du mal tu n’avais qu’à me le dire pendant le cours. Tu vois bien que je ne te réponds pas, ou alors rapidement. Alors lâche-moi un peu ! s’écria-t-elle en le foudroyant des yeux.
Il ne répondit rien, et la jeune fille entraîna Samuel avec elle.
— Génial, grommela-t-elle tout en ne lâchant pas son ami. C’était aussi pour te dire à quel point l’infiltré de l’État s’acharnait sur moi contrairement à vous, mais il n’y a pas que cela.
La jeune fille s’arrêta de parler et fouilla dans sa poche la clé de sa chambre.
— Et qu’est-ce que tu as d’autre à me dire ? la pressa l’autre surdoué.
— On a du nouveau, déclara-t-elle à voix basse. Je ne l’ai pas encore ouverte, mais ce matin il y a eu une nouvelle lettre. J’attendais de te trouver pour pouvoir la lire.
— Super ! Continue d'être patiente, c’est mieux, répondit-il heureux de la voir moins fébrile.
La jeune fille lui lança un regard noir avant d’ouvrir la porte, elle rentra dans la salle et sans se retourner demanda à Samuel de la refermer à clé tout en lançant l’objet pour qu’il l’attrape. La surdouée alla dans les toilettes pour y ressortir deux enveloppes. Comme la dernière fois, une d’elles contenait la lettre, l’autre une feuille de papier pour qu’elle puisse répondre.
— Tu caches la lettre dans les toilettes ? s’étonna son ami.
— Ne fais pas cette tête étonnée ! Les autres filles ne doivent pas la voir. Elles seraient assez cruches pour la jeter directement à la poubelle ou dans la chasse d’eau. Je te jure, mes colocataires sont les reines des idiotes. Leur QI ne doit pas dépasser les cent, peut-être même ne pas les atteindre.
— Mes camarades de chambre ne sont pas mieux non plus !
Ils ne discutèrent pas plus de cela. Grâce à leur réunion, chaque surdoué savait ce qu’enduraient les autres dans leurs classes et dans leurs chambres. Ils étaient tous agacés. Ils se sentaient mieux dans leur bâtiment à l’écart, mais Iris était tout de même heureuse de voir ses meilleurs amis. Mais pour combien de temps ? Iris déchira l’enveloppe et déplia la lettre.
— Vas-y, lis-le-moi.
— ‘‘Iris. J’ai essayé de te répondre le plus rapidement que je pouvais. Nous non plus, on ne comprend pas pourquoi les conseillers voudraient vous tuer. Mais c’est la vérité, ils ont envoyé des bombes sur votre bâtiment. On ne comprend pas encore pourquoi ils ont fait cela, mais il y a forcément une raison. Amanda a été envoyée en Thuath, en mission. Je ne peux pas te dire pourquoi. Tomber entre de mauvaises mains, cela serait terrible. Je ne peux pas te l’expliquer, quand vous sortirez d’ici, le chef de l’association vous expliquera tout ce que les conseillers cachent. Alors maintenant tu dois me dire : combien de personnes exactement partent ? Je t'indiquerai le déroulement dans la prochaine lettre, mais les chefs ont besoin de savoir à combien vous partez exactement. Tous les surdoués sont obligés de venir. Essayez d’emmener le moins d’amis possible, Kilian et Cassandra viennent aussi. Dis-moi juste les autres.
Marin.’’
— Vas-y réponds, dit Samuel en lui tendant un stylo et la feuille. Je me demande bien ce qu’ils veulent faire.
Après avoir écrit une réponse, Iris glissa la lettre dans l’enveloppe et la laissa sous son oreiller. Kilian débarqua dans la chambre.
— Du nouveau ?
Iris lui tendit la lettre de Marin.
— Tu… Iris… Ajoute Liam et Charles, s’il te plaît. Je ne peux vraiment pas les laisser. Pas ici. Ils étaient mes seuls amis avec Cassandra quand tu n’étais pas là. Ce sont eux qui rendaient les choses un peu plus supportables…
Iris hocha la tête et lança un regard à Samuel. Elle sourit à Kilian et lui reprit la lettre des mains.
— Ne t’inquiète pas, je les ai notés.
Kilian la serra dans ses bras. Iris ne put s’empêcher de lui rendre son étreinte. Elle enfouit sa tête contre l’épaule de son ami et lui frotta le dos avec ses mains. Elle croisa le regard moqueur et mal à l’aise de Samuel, gênée, elle se retira doucement.
— Bon… Allons prévenir les autres, décida Iris en entraînant Kilian avec elle.
— Attendez-moi !
Les trois amis réussirent à réunir le groupe d’amis. Ils passèrent la lettre à chacun des autres adolescents.
— Qu’est-ce que cela veut dire ? Que l’on va tous partir ? demanda Maryline.
— Oui. En tout cas, bientôt. Quand ils auront tout préparé je pense. J’espère que tout se passe bien pour Amanda. Si elle se fait démasquer, cette fois elle risque encore pire. Elle est dans un autre clan. Un autre clan. C’est extrêmement risqué. Même s’il y a un QG de l’association là-bas, on n’est pas censé passer dans les autres clans. Sans les transports illégaux, c’est impossible. Totalement impossible.
— Je me demande ce que l’association veut de nous. Ils ne nous font pas venir pour rien. Ils attendent quelque chose de nous. Sinon ils ne nous feraient pas sortir d’ici, lâcha Kilian.
Les autres se retournèrent vers lui.
— Tu n’as pas tort. C’est vrai que c’est bizarre. Mais je préfère être à l’association plutôt que de rester dans ce bâtiment, sous la coupe de l’État. Qu’importe ce qu’ils veulent de nous, je le ferai. Ils ont veillé sur nous, et ils nous font sortir. C’est énorme. On leur doit beaucoup, déclara Iris.
— Plus les surdoués que quiconque, ajouta Samuel.
Le groupe se dispersa un peu. Iris retourna dans sa chambre, suivit de Kilian. La jeune fille se jeta sur son lit, et ferma les yeux un moment. Kilian ferma la porte et s’assit à ses côtés. La surdouée se redressa et croisa ses jambes. Elle lança un regard à son ami. Kilian était inquiet, l’avenir hors de l’établissement lui semblait incertain. Ce n’était pas lui qui avait envoyé des lettres à Marin, ce n’était pas lui que l’association avait pris peine à protéger de l’État. L’association voulait les surdoués, elle les protégeait, mais pas lui. Lui, il était juste une clé pour qu’Iris soit plus efficace.
L’association voulait quelque chose d’eux, mais pas de lui, Cassandra, Liam et Charles. C’était un tout autre problème. Le garçon n’avait pas confiance en l’association, et pourtant, il était embarqué dans tout cela. Kilian ne voulait pas inquiéter Iris, ni la décevoir, mais il n’arrivait pas à faire comme s’il était d’accord avec elle. Lui il doutait, elle non. Ils se connaissaient pourtant depuis longtemps, mais il avait vécu des choses différentes d’elle.
— Tu es sûr que cela va ? demanda Iris.
La jeune fille sentit la tension et l’hésitation du jeune homme puis elle posa une main sur l’épaule de son meilleur ami et la pressa.
— Disons que… Que pour une fois, je ne suis pas totalement d’accord avec toi. Enfin… Je ne suis pas certain que ta décision soit la bonne, déclara-t-il.
Iris fronça les sourcils et laissa tomber son bras.
— Développe.
— Bah… Je ne pense pas que l’association soit aussi belle que tu le crois, soupira-t-il. Certes, Marin et tes parents y sont, Amanda ta fidèle infiltrée y est aussi. Mais elle a été envoyée en Thuath tout de même ! L’association a sûrement un but, et ils vous veulent vous. Ils vous veulent, les surdoués pour quelque chose. Ils se foutent de moi, Cassandra, Liam et Charles. On n'est pas importants. Ils ne nous ont pas protégés. Alors qu’ils vous ont protégés du mieux qu’ils l’ont pu. Pourquoi ? Parce qu’à leurs yeux, vous êtes plus importants.
Iris le regarda étonnée. Puis elle sentit sa main tremblée. Elle la ferma et se leva, en s’empêchant de fusiller Kilian du regard. Elle avait déjà été en colère contre lui, mais pas souvent, et pas autant. L’association l’avait beaucoup aidée, et elle ne supportait pas d’entendre cela. Sauf que c’était vrai, elle n’avait pas aidé les jeunes normaux.
— Pourquoi dis-tu cela ? L’association m’a beaucoup aidée ! Et même avec leur aide, cela n’a pas empêché Past de traumatiser Maryline et Samuel. Il a aussi réussi à me blesser. Et j’ai failli mourir avec Amanda. Je ne vois pas pourquoi tu dis cela. Ils m’ont aidé. J’ai failli mourir.
Kilian fixa un moment Iris, il la fixa dans les yeux avant de détourner le regard. Il se leva, tout tremblant, Iris en frissonna mais ne fit rien.
— Tu te souviens de quand on était petit… On voyait souvent des bleus sur moi. Personne ne comprenait pourquoi, même pas toi. On a la chance d'être en sécurité, et je veux le rester. Tu me dis que nous, ce que nous avons vécu ici… Était moins grave que ce que tu as vécu dans ton bâtiment avec les surdoués. Mais… C’est faux. C’est juste que cela s’est apaisé. Quand vous êtes venus, les règles ont changé, c’est tout. Tu pourras demander confirmation aux autres.
— Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils faisaient ?
— Les punitions se sont calmées… C’était bien pire, révéla Kilian. Soit, ils nous forçaient à rester éveillés pendant trois jours, soit ils nous frappaient ou nous brûlaient. Sur cela, tu ne sais pas ce que l’on a vécu, nous, ces punitions-là. Certes, je comprends que tu n’as pas vécu des choses faciles dans ton bâtiment, avec les surdoués. Mais tu n’es pas la seule. Les autres, normaux ou débiles ne sont pas mieux traités dans les bâtiments comme celui-ci. Ne crois pas qu’il y a des choses que les surdoués n’ont pas. Les seuls qui ont des traitements de faveur, ce sont les enfants des conseillers ou des dirigeants.
Iris ferma les yeux. Elle n’avait jamais demandé plus d’informations à Kilian sur la façon dont cela se passait auparavant. Elle ne pensait pas que c’était aussi violent. La jeune fille ne pensait pas non plus que cela affectait Kilian. Il avait déjà vécu des choses difficiles, elle ne savait pas quoi mais ce n’était un secret pour aucun de ses amis qu’il s’était passé quelque chose d’anormal dans l’enfance de Kilian. Elle pensait qu’il était habitué.
— Écoute… Je peux comprendre que tu n’as pas forcément confiance en l’association secrète. Mais, tu me crois. Je leur fais crédit, donc tu n’as pas à douter. Peut-être qu’ils veulent quelque chose de nous… Ils m’ont sauvé, et c’est comme cela.
— Ce n’est pas si simple Iris ! Ce n’est pas parce que toi tu as confiance en eux que je dois leur accorder la mienne. Cela ne marche pas comme cela, pas de cette façon. Tu sais très bien que quoi que tu fasses, je te suivrai, mais si ce que je vois dans cette organisation ne me plaît pas. Je partirai.
Sur ces paroles, il partit de la chambre, laissant Iris, seule. Elle s’effondra sur son lit. Kilian ne pouvait pas faire cela ! Pas à elle. Il comprendrait vite que l’organisation n’avait pas que des mauvais côtés, ce n’était qu’un début. Bientôt, il serait convaincu que l’association était bonne. Kilian ne pouvait pas la laisser tomber. Il ne la laisserait pas tomber. Il devait sûrement délirer un peu en disant que si cela ne lui plaisait pas, il s’exilerait. On toqua à sa porte, elle se redressa rapidement. Samuel apparut quand la porte s’ouvrit.
— Cela va Iris ?
— Oui. Parfait. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Past veut te voir.
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