Chapitre 19 :
Iris serra les dents. La jeune fille n’avait pas vraiment envie de le revoir. Pas depuis qu’il avait dit qu’il percerait leur secret. Puis, elle le détestait depuis toujours. Enfin… Depuis qu’elle le connaissait. La surdouée se leva d’un bon et suivit Samuel qui la guida jusqu’au bureau de leur surveillant préféré.
— Il t’a dit ce qu’il me veut ? questionna la surdouée.
— Non. Ce n’est même pas lui qui m’a dit de t’emmener à lui. Il l’a fait par l’intermédiaire d’un autre surveillant. Apparemment il ne fait plus partie des effectifs de jours qui traînent dans les couloirs continuellement.
Quand ils arrivèrent à sa porte, Samuel toqua avant d’ouvrir. Il laissa entrer Iris et ferma la porte derrière elle, en restant dans le couloir. Nicolas était assis à son bureau, les coudes sur le meuble, les mains jointes, la tête posée dessus et le dos décollé de sa chaise. Quand il vit Iris, il releva la tête et s’enfonça dans son siège tournant. La jeune fille remarqua qu’il s’était rasé la barbe, et ses cheveux étaient coupés court. La surdouée ne dit rien et le fixa longuement. Il affichait son sourire mesquin. Il semblait destiné à Iris, mais à d’autres aussi.
— Mademoiselle Smarta… Asseyez-vous, dit-il en lui tendant le bras vers la chaise de l’autre côté du bureau.
La jeune fille le regarda, méfiante, mais s’assit quand même. Elle posa ses bras sur les côtés et fixa la paperasse qui restait sur le bureau du surveillant. Il n'avait plus de secrétaires apparemment.
— Vous vouliez me voir… Pourquoi n’êtes-vous pas venu me chercher ? Ce n’est même pas vous qui avez prévenu Samuel.
— J’ai autre chose à faire que chercher une gamine dans un bâtiment remplit d’autres gamins. Même si, je dois l’avouer, tu ne passes pas inaperçue dans la foule d’adolescents. D’ailleurs le surveillant a bâclé le service que je lui ai demandé. C’était lui qui devait te ramener à moi. Et non demander à Samuel de le faire. Je lui en toucherai quelques mots.
Iris lorgna un classeur bleu qui se trouvait en dessous des tas de feuilles. M. Past prit les feuilles les rassembla et les rangea dans un tiroir. Il enfouit le classeur dans un autre tiroir.
— Bien… Que me voulez-vous ? Pourquoi suis-je là ? demanda-t-elle.
Nicolas esquissa un sourire avant de poser ses mains sur le bureau et de contempler Iris.
— Tu n’auras pas ce classeur. Il contient des informations qui te plairaient sans conteste (Iris hésita à lui lancer un regard mauvais, elle se contenta de grogner). Bon… Je ne veux rien. Juste t’annoncer que je pars la semaine prochaine. Je quitte enfin ce désert et ces bâtiments de malheurs !
Le surveillant se moquait presque d’elle. Il partait, mais il ne savait pas que la même semaine, Iris partirait aussi. La surdouée ne fut même pas en colère alors qu'il la narguait presque. Elle en était même contente pour lui. Cette histoire de classeur l’intéressait beaucoup. Même si c’était dans un bâtiment plus surveillé, cela la tenterait bien d’aller le dérober pendant la nuit.
— Je suppose que vous avez suivi mes conseils. Vous avez fait une deuxième demande et cette fois vous avez été pris pour rentrer dans l’armée.
— Exactement (Il soupira). J’ai bien peur qui si tu continues à ce rythme-là, tu vas finalement trouver les raisons de votre venue et les problèmes qui ont entraîné cela. Tu vas sûrement être de plus en plus surveillée. Et ne pense même pas à voler ce fameux classeur. Tu n’y parviendrais pas et tu serais sévèrement punie. Puis, je pense que tu sauras dans très peu de temps.
Iris fronça les sourcils. M. Past aurait eu le plaisir d’avoir l’honneur de la punir. Il aurait été très content. Pourtant il la dissuadait de faire quoi que ce soit. Mieux, il disait qu’elle saurait bientôt. Les conseillers comptaient-ils faire bouger les choses ? Iris ne l’espérait pas, sinon cela compliquerait considérablement les choses. Surtout si c’était le même jour que la mission d’exfiltration. Les faire sortir d’ici, c’était déjà délicat. Très délicat, si les conseillers s’en mêlaient, ça deviendrait impossible. La jeune fille se renfonça dans sa chaise et fixa le surveillant.
— Vous devez être content je suppose. Vous partez seul ?
— Le commandant Klimb part en même temps que moi. Le frère d’Amanda… Il n’était même pas au courant qu’elle s’était mariée et avait changé de nom. Quand je lui ai appris que sa sœur était morte, il était assez bouleversé. Mais il semble aller mieux.
Iris buta un moment sur ce que venait de dire Nicolas. Le commandant qu’elle avait vu dans le bureau du directeur… C’était le frère d’Amanda ! La jeune femme n’avait jamais parlé de sa famille à Iris. Elle n’avait aucune raison de lui en parler. Il était possible qu’elle ait un frère. Mais ce n’était pas n’importe quel frère ! Un frère chef de régiment de l’armée d’Opartisk. Donc, il était au basque de l’État alors que sa sœur travaillait dans une organisation secrète contre l’État. Un frère et une sœur opposés en tout. Sauf qu’Iris ne voyait pas du tout le commandant et l’agent de l’organisation frère et sœur. Et si le commandant était infiltré dans l’armée et faisait partie de l’association ? Iris stoppa cette réflexion, ce n’était pas vraiment possible. Elle ne devait pas penser trop loin. Elle ne devait pas divaguer.
— Dans tous les cas… Bonne continuation mademoiselle Smarta. Et n’oubliez pas, l’État à de bonnes raisons. Elles sont bonnes et non mauvaises. Si tu savais les problèmes que le peuple entier ignore. Tu t’assagiras plus. À une prochaine fois mademoiselle Smarta ! dit-il en lui faisant un signe de la main.
Iris fronça les sourcils. Elle savait très bien qu’ils cachaient quelque chose… Mais était-ce si grave que cela ? La surdouée avait encore plus l’envie de découvrir ce que voulait cacher l’État. Elle se leva doucement.
— Bonne continuation à vous aussi. Tâchez de ne pas vous faire tuer.
En vrai, Iris s’en fichait un peu mais jamais elle ne pouvait souhaiter la mort de quelqu’un. La jeune fille lança un dernier regard à son surveillant et lui fit un sourire. Puis elle sortit du bureau sans se retourner et sans rien ajouter. Tels étaient ses dernières paroles à l’adulte avec qui elle avait eu beaucoup de frictions fut un temps passé mais pas très lointain. Samuel était appuyé contre le mur et lançait une balle contre le mur, la balle rebondissait, il la rattrapait puis la relançait. Quand il vit Iris, il la rattrapa et la fourra dans la poche de sa veste et se décolla du mur.
— Qu’est-ce qu’il te voulait ?
— Me dire au revoir. Il part à l’armée.
Pendant les jours qui suivirent, les surdoués furent déplacés toute une journée dans un bâtiment particulier pour leur faire passer des tests neurologiques surtout et médicaux. Ils les testaient encore, ils n’arrêtaient jamais. Ce jour-là, quand ils revinrent de leur séjour, Kilian avait déjà rassemblé tout le monde et donné une lettre à Iris. Il l’avait trouvée sur le lit de la jeune fille et avait pu la subtiliser avant que les colocataires de chambre de la surdouée la mettent à la poubelle.
— Bien… Tout le monde est là ?
Ils hochèrent tous la tête et la petite Kendra vint s’asseoir aux côtés de Kilian et d’Iris.
— ‘‘Iris. Les chefs de l’organisation ont pris leur décision. Demain, vous partirez. Je vais t’expliquer comment tout cela va se passer. Demain soir, quand tout le monde sera couché vous sortirez. Ne prenez pas de grosse valise, un sac à dos et c’est tout. Emmenez le strict minimum, seuls les objets auxquels vous tenez. Les surveillants infiltrés vous attendront dans le hall des bâtiments. Ils vous expliqueront comme tout cela va se passer. On sait déjà quelles missions vous seront réservées. Mais le chef ne sait pas encore quoi faire des autres, quand vous connaîtrez ce qu’il se passe, vous comprendrez que c’est délicat.
Marin.’’
C’était fixé. Que cela plaise ou non, demain, les surdoués et leurs amis allaient sortir d’ici.
— Bien, je suis contente que cela soit fixé ! Bon, je pense que l’on peut commencer nos valises, elles ne seront pas difficiles à faire ! s’exclama joyeusement Iris.
— Je suis d’accord avec toi ! répliqua Maryline en se levant.
Tout le groupe se leva et chacun partit dans sa chambre. Kilian fit comme si de rien n’était. Il fit mine de ramener Iris mais ne rentra pas dans sa chambre faire sa valise. Cette lettre ne l’avait pas convaincu pour autant, car Marin disait que l’association ne savait pas encore quoi faire de lui, Cassandra, Liam et Charles.
Pourtant, Kilian allait suivre son amie. Il était conscient qu’il prenait une décision qui ne lui plaisait pas, et qu’il allait sans doute regretter, mais il ne se voyait pas trahir son amie. Il ne pouvait pas, c’était au-dessus de ses forces. Sauf qu’il savait qu’il allait le regretter amèrement. L’association ne semblait pas être la meilleure solution, mais pas la pire non plus. Mais il ne voulait pas faire bouger les choses, pas comme Iris. Il voulait rester ici, l’endroit où il était le plus en sécurité. L’association ne lui garantissait pas la sécurité, il en était certain. Depuis longtemps il souhaitait être loin de l’Opartisk. Loin de certaines personnes.
Kilian déambulait dans les couloirs sans but. Il décidait comme bon lui semblait, et s’en fichait. Il allait préparer sa valise au dernier moment, et ne pas déranger les surdoués entre eux. Il avait un peu l’impression, que peu à peu, les surdoués lui volaient Iris, sa Iris, sa meilleure amie. Sauf qu’il ne lui en disait rien, la jeune fille lui aurait assuré que non, que ce n’était que son esprit qui lui jouait des tours. Et elle ne se rendait pas compte que si. Les nouvelles informations de l’association les éloignaient considérablement. Kilian ne pensait pas que cela pouvait être possible, il pensait pourtant que leur amitié était incassable, imbrisable. Leur séparation avait affecté leur lien. Et l’association commençait à l’entamer aussi, et il ne pouvait rien faire. Iris n’ouvrait pas les yeux.
Kilian était pourtant pressé de rencontrer le chef de l’association. Connaître leur raison, voir si elles étaient bonnes, et comprendre pourquoi Iris et Marin étaient aussi fans de lui. Marin en faisait tout de même partie. Marin ne prenait pas de mauvaise décision, Iris non plus. Alors pourquoi doutait-il comme cela ?
Comme il ne regardait pas où il allait, le jeune homme se cogna contre quelqu’un.
— Fais un peu attention ! Gosse sans cervelle, jura l’homme.
Il leva les yeux et le reconnut. C’était un surveillant, il ne lui avait jamais parlé, mais Iris et les surdoués lui en avaient parlé souvent. C’était M. Past, leur ancien surveillant, seul, dans le bâtiment pour surdoué. Il serra les dents et ne répondit rien, attendant qu’il dise autre chose, ou pas.
— Oh ! Je vois… Kilian c’est cela ? Le copain d’Iris.
— Meilleur ami, rectifia-t-il en faisant une grimace.
— C’est la même chose, déclara-t-il avant de marquer une pause. Je me demande bien à quoi tu vas servir. Toi aussi tu vas savoir bientôt, mais l’État a plus besoin des surdoués que des enfants normaux comme toi.
Le jeune homme cligna les yeux sans comprendre. S’il disait cela, c’était qu’Iris était au courant. Elle savait donc que les conseillers leur voulaient quelque chose, mais elle ne leur avait rien dit. Sûrement pour ne pas inquiéter les plus jeunes, mais elle aurait pu en parler à lui, Samuel, Maryline, Liam et Charles. Peut-être qu’Iris n’avait pas voulu lui dire car elle craignait qu’il ne la suive plus après cette révélation. Ou alors elle avait jugé que le dire n’était pas nécessaire et qu’elle allait tout régler toute seule. Iris aimait bien tout régler toute seule, Kilian le savait bien. Mais entre ces possibilités, il ne savait pas quelle était la bonne, plutôt celle qui était la vérité. La vérité et seulement la vérité.
La vérité, c’était que Kilian n’arrivait plus à comprendre Iris, ni à estimer si ses choix étaient bons ou pas. Le garçon releva la tête et fixa l’homme qui fit un sourire un peu moqueur.
— Je vois que tu n’as pas l’air d’être au courant. J’aurais plutôt pensé qu’Iris vous l’aurait dit, mais elle a décidé de ne pas le dire à votre petit groupe. De toute façon, vous serez bientôt rassemblés et un conseiller qui a fait le déplacement vous expliquera tout. Vous avez de la chance. Enfin… Surtout tes amis surdoués j’ai envie de te dire. Bonne continuation M. Mallow. Je suis certain que l’on se reverra vite.
Sur ses paroles, il partit, laissant Kilian totalement décontenancé par ce qu’il venait de dire. Le garçon ne savait pas s’il devait en parler à Iris mais il se décida très vite. Puisque Iris ne lui avait rien dit à lui et aux autres, il n’allait rien dire à personne non plus. C’était sûrement idiot et immature de sa part, mais il ne se sentait pas coupable auprès d’Iris. Il avait bien envie d’en parler à ses amis et aux surdoués, mais les surdoués ne voudraient pas le croire. Iris était un peu à la tête de la bande, pour les autres, elle prenait forcément de bonnes décisions. Le garçon retourna dans sa chambre et fit sa valise. Liam et Charles avaient déjà préparé les leurs.
— Bah ça ne va pas Kilian ? demanda Liam.
— Tu devrais être content plutôt que de faire cette tête de dépiter. On dirait que tu as appris une nouvelle épouvantable ! (Pourtant, Kilian se contenta que de s’allonger sur son lit) Réveille-toi mec ! On va enfin sortir de cette bâtisse ! Même si les conditions sont devenues bien meilleures depuis l’arrivée de ton amie, ce bâtiment n’en reste pas moins horrible. C’est ce que l’on voulait, sortir d’ici !
Liam hocha la tête avant de poser une valise à côté de Kilian et de l’ouvrir. Le jeune homme comprit que c’était sa valise, voyant qu’il ne faisait rien, Liam le tira par le bras, le forçant à se redresser.
— Vas-y, fais ta valise ! Tu ne vas quand même pas faire cela au dernier moment. Tout cela va sûrement se passer très vite.
Kilian le regarda avant de détourner son regard et de soupirer. Il ramena ses jambes contre lui, croisa les bras et enfouit sa tête dedans histoire d’échapper un moment à la réalité de la situation. Demain, il allait se passer quelque chose d’illégal, ils allaient s’échapper, mais les conseillers allaient bientôt intervenir et leur proposer un marché. Kilian releva la tête.
— Fermez la porte à clé et éloignez-vous au maximum de la porte. J’ai quelque chose à vous dire, les gars.
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