Chapitre 20 :
Pendant la dernière journée passée dans le bâtiment, tous les surdoués s’affichaient étrangement heureux. Kilian avait avoué à ses deux amis garçons que les conseillers voulaient leur parler, il l’avait aussi dit à Cassandra. Cassandra, Kilian, Liam et Charles feignaient de partager leur joie avec les surdoués, mais il n’en était rien. Ils n’étaient pas très joyeux au fond. Cassandra commençait à douter elle aussi. Kilian était persuadé que les conseillers auraient le chic d’intervenir au même moment que l’organisation : ce soir. Le garçon angoissait un peu. Tout allait se jouer serré, très serré. Il n’avait pas essayé de savoir pourquoi Iris n’avait pas voulu leur dire que l’État leur voulait quelque chose. Il avait souhaité qu’elle vienne en parler d’elle-même pendant la journée, et la nuit tombait, et elle n’avait rien dit. Kilian était terriblement déçu par sa meilleure amie.
Le garçon luttait contre la fatigue, il ne devait pas s’endormir ce soir. Il ne pouvait pas. Leur chambre contenait un bureau et trois lits dont un superposé, soit quatre places étaient disponibles, mais ils n’étaient que trois, signe qu’un des élèves n’avait pas débarqué dans le désert et qu’il risquait gros tout comme ses parents. C’était risqué. La deuxième pièce était plus petite mais se trouvait assez grande pour qu’une douche, un lavabo et des toilettes y soient disposés tout en faisant en sorte que les habitants de cette chambre ne soient pas serrés. Liam et Charles avaient pris les deux lits à une place, Charles celui qui longeait le mur de la porte, et Liam celui qui était en face de celui de Charles, contre l’autre mur. Kilian s’était installé sur le lit superposé qui était voisin de celui de Liam. Le meilleur ami de la plus intelligente des surdoués avait pris le lit du haut, mais ce soir-là, il n’y était pas allongé.
— Bon sang ! Calme-toi Kilian ! J’en ai marre que tu fasses les cent pas dans la chambre sans interruption ! bougonna Charles.
— Oui, tu as raison… Mais je n’arrive pas ! Tu te rends compte que beaucoup de choses vont se passer ce soir ! Je ne peux pas rester serein en sachant ce qui va se passer, s'emporta le jeune homme. Soit on va venir nous chercher pour qu’un de ces foutus conseillers nuls nous propose je ne sais quoi, soit le plan va se passer comme prévu et on va partir avec les surdoués dans cette fameuse association qui n’en a rien à faire de nous… Dans les deux cas, aucune de ces propositions n'est acceptable. Pourquoi ai-je une meilleure amie surdouée et en plus de cela totalement barrée ?
Kilian aurait bien rajouté d’autres qualificatifs comme : aveugle, inconsciente ou encore partiellement idiote, mais il ne voulait pas s’énerver plus, pas devant ses colocataires de chambre. Charles et Liam se lancèrent un regard avant de glousser. Ils n’avaient jamais entendu Kilian parler d’Iris comme cela, aussi… Négativement. Et cela les faisait rire. Du plus loin qu’il s’en souvînt, le jeune homme non plus ne se rappelait pas avoir été aussi violent dans ses propos au sujet d'Iris. Dans l'ordinaire, il était rarement énervé ou il était peu rancunier contre elle, mais là, il ne la comprenait plus, et quelque chose s’était brisé entre eux, lui seul l’avait ressenti, et il ne savait pas quoi faire pour arranger cela et prévenir Iris. La porte s’ouvrit sans qu’on ne la toque et Kilian sauta pour se retourner, sur ses gardes. C’était Cassandra. Son amie ferma la porte et resta là à les fixer un moment.
— Ne reste pas devant Cass’, vient t’asseoir, déclara Liam en tapotant sa main à côté de lui.
La jeune fille hocha la tête vers le bas avant de faire quelques pas et de s’asseoir au côté de Liam. Puis, elle leva les yeux vers Kilian et fronça les sourcils.
— Tu es sûr que tu vas bien ? s’enquit-elle à l’adresse de son ami.
Kilian ne lui répondit pas et se remit à faire les cent pas dans sa chambre sous les regards désespérés de ses deux compatriotes et celui de Cassandra qui se faisait plutôt inquiet. La jeune fille commençait à connaître son ami encore mieux qu’Iris, et elle savait qu’il doutait de la surdouée. Il doutait tellement de son amie qu’elle aussi commençait à douter de sa meilleure amie. Pourtant Iris savait se montrer persuasive.
— Il est stressé, énervé et perdu, répondit Charles à sa place.
— Parfaitement ! cria-t-il alors que sa voix commençait à se casser.
Les trois autres le regardèrent pour le faire taire. Les habitants des chambres à côtés ne se seraient pas gênés pour venir les réprimander. Kilian leur asséna un regard noir avant de s’asseoir lourdement sur son lit en jurant entre ses dents divers jurons. Après quelques minutes, la petite bande d’amis commençait à être ennuyée et fatiguée. Charles et Cassandra somnolaient. Le jeune homme était allongé sur son lit et clignait des yeux, voyant de plus en plus flou.
Iris attendait avec impatience le bon moment pour partir, il était encore trop tôt, elle devait encore attendre. La jeune fille se tenait dans sa chambre, sa valise sur le dos, les mains dans les poches et elle tapait son pied droit régulièrement. La surdouée était pressée de partir, elle en avait marre de croupir dans les bâtiments et de ne servir à rien pour l’association. Pire… Elle ne servait qu'à l’État, et elle ne voulait plus de ça. La jeune fille s’était aperçue que Kilian et Cassandra semblaient déstabilisés, mais elle n’avait pas voulu en savoir plus. La surdouée jugeait qu’ils devaient être un peu tristes et nostalgiques de partir d’ici. Ils étaient dans ce bâtiment depuis un moment, plus longtemps qu’elle. Et ils avaient vécu différentes choses aussi. Pas la même chose qu’Iris et les surdoués. Mais c’était certain qu’ils avaient subi tous les trois des choses violentes.
Même avant d’arriver au bâtiment. Cassandra avec sa maladie, Iris avait les absences de ses parents et Kilian, avec sa famille… C’était compliqué avec le garçon. Iris n'en savait que très peu sur ce qui se passait entre son meilleur ami et sa famille, mais c’était loin d’être facile. Kilian n’en parlait jamais, et dès que l’on abordait le sujet, il mettait en place un autre sujet pour ne pas en discuter. Les seules personnes qui savaient qu’il y avait quelque chose d'anormale sans savoir vraiment, comme Iris et Mme. Keys, ne se rendaient pas compte, à quel point il en souffrait. Il continuait à en souffrir, même loin de sa famille, pourtant cela aurait dû l’aider, mais depuis des années, la douleur s’accumulait et il faisait comme si de rien n'était, restant souriant et bon vivant. Ne laissant rien paraître et faisant comme si tout allait bien pour lui. Il n’y avait pas grand monde pour l’aider, mais il s’aidait tout seul depuis des années, et ses amis l’aidaient aussi, inconsciemment. Et il avait l’habitude de garder beaucoup pour lui. Iris ne s’inquiétait pas.
La jeune fille, toujours aussi impatiente, se mit à faire les cent pas. Elle avait envie d’avoir un de ses amis près d’elle pour pouvoir la calmer ou juste lui tenir compagnie. Une grande opération allait se passer pour l’organisation et la bande de surdoués et des autres, Iris était un peu angoissée. Mais la jeune fille ne doutait pas que tout allait très bien se dérouler. Elle avait décidé de croire que ce que M. Past disait était faux, ou alors que le conseiller viendrait les voir plus tard. Elle sursauta lorsque la porte s’ouvrit sans toquer puis maudit le monde entier que les conseillers avaient décidé ce soir-là. Les infiltrés de l’association secrète n’avaient pas été mis au courant que tout cela se passait ce soir… C’était problématique.
— Déjà réveillée ? s’étonna le surveillant. Tant mieux… Je n’aurais pas aimé te réveiller. Suis-moi. Une personne veut te voir avec certains de tes amis et les autres surdoués.
Iris évita de lui jeter un regard noir. Pour qui se prenait-il ? Ce n’était pas son pote, et ce ne le serait jamais. Restant muette, elle prit quand même son sac à dos avec elle et le suivit. C’était donc vrai… Un conseiller était vraiment venu leur parler ? Mais de quoi ? La surdouée n’avait pas cru M. Past, elle avait pensé que ce qu’il disait était un mensonge, cela lui paraissait évident, et elle ne lui faisait pas confiance. Elle n’avait plus qu’à dire qu’elle n’était pas au courant, que Nicolas ne lui avait rien révélé.
Elle se sentait un peu mal vis-à-vis des autres, mais rejeta cette sensation au fond d’elle-même pour ne pas y penser. Ce n’était pas le moment de se sentir coupable même si elle l’était. Pour le moment, Iris s’agaçait de voir le plan de l’association ruiné à cause de l’État, enfin plutôt des conseillers, de celui qui voulait leur parler plus précisément. Iris s’était fait une joie d’espérer partir le plus tôt possible, et maintenant, ses chances étaient au plus bas, de plus elle ne pouvait pas prévenir les infiltrés que c’était fichu. Elle s’efforça de garder une expression neutre et suivit le surveillant comme son ombre. Il marchait vite grâce à ses grandes jambes, et Iris dut accélérer le pas pour le suivre.
— Où allons-nous exactement ? s’informa la surdouée.
— Monsieur le directeur a prêté son bureau au conseiller qui est venu aujourd’hui pour te parler, à toi et tes amis surdoués et non surdoués.
Iris frissonna. Le surveillant venait d’avouer que le conseiller voulait surtout la voir elle. Elle, Iris Smarta, la plus intelligente des surdoués. Et le pire, c’est qu’elle recommençait à ressentir sa sensation de mal être. Elle entraînait ses amis dans tout cela. En réalité, elle était surtout mal pour ceux qui n’étaient pas surdoués, Kilian, Cassandra et leurs deux potes. Car il était évident que tôt au tard, même si Iris était celle qu’ils voulaient, ils auraient besoin des autres surdoués. Sauf que la jeune fille était bien déterminée à ne pas se laisser embobiner par le conseiller qui allait lui parler.
Lorsqu’elle arriva dans la salle, tout le monde était déjà arrivé. Il y avait d’autres surveillants, ceux qui avaient escorté ses amis jusqu’ici. Les surdoués la regardèrent pour savoir ce qu’il se passait, et elle leur répondit par un regard similaire. Quand elle croisa le regard de Kilian, elle en eut le souffle coupé. Ils restèrent un moment à se regarder dans les yeux, lui, à lui dire qu’elle n’aurait rien dû leur cacher et qu’elle avait été stupide, égoïste et trop sûre d’elle. Iris, elle, lui disait qu’il aurait dû venir pour lui en parler.
Sauf que maintenant c’était trop tard pour en discuter et ils ne pouvaient même pas s’expliquer. Iris avait bien senti que Kilian était en colère contre elle et en ressentait une douleur au cœur. Ce n’était pas un coup de couteau dans le dos que lui plantait son meilleur ami, c’était elle qui l’avait trahi, elle venait d’en prendre conscience. Hélas, c’était bien trop tard et elle ne pouvait pas réparer le mal fait, elle ne pouvait pas renforcer sa relation et moins l’abîmer, elle l’abîmait minute par minute, et cela, Iris ne le savait pas, Kilian s’en rendait lentement compte mais ne pouvait pas lui ouvrir les yeux. Plus maintenant.
Un grand homme brun, à la démarche altière et pleine de confiance fit son apparition dans la salle monopolisant tous les regards et toute l’attention des personnes se trouvant dans la salle. Il esquissa un sourire, satisfait des réactions qu’il faisait apparaître sur le visage de chaque personne. Surpris, honoré et haineux. La dernière réaction ne lui plaisait pas trop, mais il décida de s’en amuser plus qu’autre chose. S’ils savaient… Quand ils sauront ce qu’il se passe, ils comprendront. Sauf que le conseiller ne connaissait pas l’existence de l’association secrète. Et même s’il l’avait su, il n’aurait rien fait, car il ne pourrait pas penser que l’association puisse rivaliser avec eux. C’était inimaginable, une association si minime, dépourvue de pouvoir par rapport à l’État ne pouvait pas recruter des jeunes, encore moins les surdoués. Si ? Elle le pouvait, et dans leur dos en plus. Le conseiller marcha lentement jusqu’au bureau, et posa ses deux mains sur les rebords, scrutant les visages, ceux des adolescents plus précisément. Il ne s'occupait pas des quelques adultes présents.
— Conseiller Christian, salua le directeur avec une lueur d’admiration dans son regard.
Le regard d’Iris s’assombrit quand elle vit cela. Comment le directeur pouvait-il autant admirer une personne qui les avait fait entrer en guerre ? Comment ? Tout simplement parce que le directeur faisait partie des riches qui n’avaient rien à craindre pour leur peau. Et cela énervait beaucoup la surdouée. Elle serra les poings quand elle remarqua le regard et le petit sourire confiant sur les lèvres du conseiller Christian. Puis, elle se rappela que de toute manière elle finirait par partir vers l’association, et elle sourit à son tour.
— Bonjour directeur… Vous et vos surveillants, vous pouvez sortir, je ne dois parler qu’à ce groupe d’adolescents… Et d’enfants, déclara-t-il en tirant la chaise du bureau.
Iris serra les dents, se retrouver seule avec les autres dans un bureau avec un conseiller ne l’enchantait guère. Mais elle ne pouvait pas changer y grand-chose. La surdouée savait déjà ce qu’elle devait faire : écouter patiemment et refuser n’importe quelle offre que lui proposait l’adulte. C’était simple et tout à fait réalisable. Elle n’avait qu’à se tenir tranquille.
— Bon… Il n’y a que deux sièges. La plupart d’entre vous devront rester debout, réalisa le conseiller une fois qu’il fut assis à la place du directeur.
Iris sentit le regard de l’adulte sur elle. La jeune fille baissa les yeux avant de les lever pour voir les autres. Elle fit signe aux jumeaux de s’y installer, ils semblaient déjà assez fatigués comme cela. Ils remercièrent la plus intelligente des surdoués du regard avant de s’affaler sur les chaises sous l’œil amusé du conseiller Christian. Iris observa Kilian. Il ne lui avait pas adressé la parole, et ils ne pouvaient plus se parler. Avant que le conseiller vienne, le groupe s’était un peu parlé, Iris avait essayé de parler à Kilian, seulement à Kilian, mais elle n’avait même pas pu capter son regard. Pas une seule fois.
Kilian était bien trop énervé contre elle pour lui parler, il savait qu’il lui aurait hurlé à la figure, qu’elle aurait fait de même et que cela aurait fini en une dispute. Devant tout le monde ! Hors de question. Kilian ne voulait même pas se disputer, il était déjà assez blessé pour cela. Il ne voulait pas rajouter une couche. Il n’avait même pas envie de s’expliquer avec sa meilleure amie, les regards lors de leur entrée voulaient tout dire. Le jeune homme reporta son attention sur le conseiller qui allait commencer un discours. Discours, qui, il l'espérait, ne serait pas ennuyant. Il ne voulait pas s’endormir debout. Kilian croisa le regard du conseiller un bref instant et décida de fixer les doigts de ce dernier qui pianotait sur la table.
— Bien… Content de pouvoir vous voir chers adolescents… Je ne cache pas, que les surdoués m’intéressent particulièrement, évidemment, je ne me désintéresse pas des non surdoués non plus. Vous êtes tous, plus ou moins important, à votre manière… commença l’adulte.
Kilian fonça les sourcils et sentit que Cassandra se braquait peu à peu. Liam et Charles s’échangèrent un regard puis se tournèrent pour regarder leur ami. Kilian haussa les épaules d’un air désinvolte et leur fit signe de regarder le conseiller. Iris regarda le petit manège se jouer sous ses yeux, sans comprendre vraiment ce qu’ils se communiquaient.
— Tu as un problème avec Kilian ? questionna Samuel à voix basse pour que personne ne l’entende.
— Je ne sais pas, admit la surdouée.
Le conseiller Christian les observa un moment avant de se racler la gorge pour capter toute l’attention de la bande. Leur expliquer s’annonçait plus compliqué que prévu s’ils continuaient à parler entre eux.
— J’ai… On… Moi et mes collègues. Nous avons une proposition à vous faire, mais avant, nous devons expliquer les autres raisons de la création de ces bâtiments et de votre venue, résuma-t-il.
Iris ne put cacher son sourire qui devenait triomphant. Elle avait raison ! Il y avait autre chose ! Peut-être plusieurs raisons même, et ils allaient les découvrir. La jeune fille était toute fière et excitée. Bien sûr, elle cacha son engouement, ce n’était pas le moment de se laisser aller comme cela.
— Vous êtes ici, pour, tout d’abord être protégés de la menace extérieure, de la guerre. Car il y a vraiment un danger de mort et nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre plus de la moitié de nos successeurs. Puis nous avons la deuxième raison : la maladie. Depuis quelques années dans les autres clans, une maladie est apparue, seuls les enfants et les adolescents sont touchés. Il y a déjà des cas de morts en Thuath. C’est une maladie qui détraque petit à petit le système nerveux, ou respiratoire, tout dépend du clan. En Opatisk, la maladie n’est pas encore bien développée, la plupart des gens n’en sont qu’au stade un. Ce sont nos alliés qui nous ont parlé des stades, on ne sait pas comment les diagnostiquer. Mais on sait que nous devons trouver quelque chose pour les soigner avant que des adolescents meurent et que la population s’inquiète, expliqua le conseiller Christian.
Iris cligna des yeux… Elle n’aurait pas imaginé cela. La surdouée c’était toujours dit que s’il y avait une maladie très grave, les conseillers informeraient la population. Ils étaient moins idiots qu’elle ne le pensait.
— C’est pour cela que vous nous faisiez des examens ? demanda Iris.
— Oui (il hocha la tête). Mais chers surdoués, ne croyez pas que vous êtes les seuls à avoir passé des examens. Certes vous avez passé plus d’examens et cela a duré plus longtemps, mais certains normaux en ont passé aussi.
— Et vous avez comparé, grogna Iris.
— Exactement… Vous nous avez espionnés mademoiselle Smarta ? Nous avons eu raison de vouloir les comparer, car nous avons remarqué deux choses.
— Ah oui ? C’est au moins intéressant j’espère…
— Intéressant ? On ne peut pas dire que ce que nous avons remarqué soit très intéressant, cela, non. Inquiétant, oui.
— Inquiétant… Pourquoi inquiétant ? Vous avez dit que la maladie n’était pas encore bien développée, même pas du tout. Alors quelle est la chose super, méga alarmant que vous avez remarqué ?
— Eh bien… Même si vous ne montrez pour l’instant aucun signe grave… On pense que vous êtes tous contaminés. Tous… (il tourna sa main comme pour grouper des personnes). Tout, sauf les surdoués. Mais comme nous n’avons que très peu de connaissances sur cette maladie… notre théorie peut être erronée.
Les muscles d’Iris se détendirent. Cela la soulageait de savoir qu’elle n’était pas atteinte. Mais elle était inquiète pour Cassandra et Kilian. Tout comme Liam et Charles, ils étaient atteints. Cassandra eut du mal à cacher son visage, horrifiée, par la nouvelle. Elle ne voulait pas mourir. Kilian non plus.
— Et la deuxième chose que vous avez découverte ? C’est quoi ?
— En plus de découvrir cette maladie, ce qui est déjà une bien terrible nouvelle, nous avons remarqué que depuis ces dernières années, les surdoués se font de plus en plus rares et le taux de QI baisse. Nous pensons que c’était le premier symptôme de la maladie, mais cela devient grave car nous ne pouvons pas avancer avec une génération de gens pas futés. Imaginez des conseillers idiots ? Cela ne mènerait à rien.
Iris s’empêcha de lui balancer à la figure qu’il n’était pas mieux, qu’il était idiot comme tous les autres, un stupide conseiller faisant n’importe quoi pour le clan, pour l’Opatisk, pour l’humanité. Pour tout le monde.
— Et vous ne vouliez pas nous faire une proposition ? le pressa Kilian.
Iris lui lança un regard noir. Pourquoi fallait-il que Kilian ait l’idée de poser cette question ? La jeune fille avait espéré que le conseiller oublierait qu’il avait une proposition à leur faire. Puis elle se traita d’idiote ! Comme si le conseiller n’allait pas se souvenir d’une proposition importante à avancer à des gamins ! Le conseiller Christian hocha avant de se lever.
— Oui. Je vous propose quelque chose, surdoué comme non. Car vous êtes tous importants. Même vous Monsieur Mallow, Mademoiselle Krist, Monsieur Leime et Monsieur Clarck. Vous quatre, vous n’êtes peut-être pas surdoués, mais n’en restez pas moins intéressant.
Les quatre se sentirent flattés. Depuis le début, on vantait les mérites des surdoués, certes, il était bien évident que les surdoués accomplissaient de grandes choses, mais eux aussi ils pouvaient en accomplir. Ils n’étaient pas des bons à rien, loin de là.
— Et donc je vous propose ceci : je vous fais sortir de cet endroit miteux, toujours en étant protégé, et plus d’examens et en échange, vous travaillez pour l’État, vous accomplirez les missions que l’on vous demande. Ces missions nécessitent souvent de partir chez les autres clans pour récolter des informations sur l’avancement de la maladie et leur progression de trouver une quelconque solution pour l’arrêter.
La proposition pouvait, peut-être, sembler bonne pour certains, mais pas pour Iris. La jeune fille restait fidèle à l’association. L’organisation allait les sortir de là sains et saufs. Puis, elle se souvint que l’État avait un projet pour les surdoués concernant la guerre. Son sang se glaça. Il l’avait sûrement fait exprès, pour les attirer dans ses filets et donc les faire venir. Et elle allait se faire un plaisir de le lui rappeler.
— Mais… (Elle hésita à lui dire comment elle l’avait découvert… De toute façon elle n’avait plus rien à perdre). J’ai surpris une conversation, et j’ai cru comprendre que, vous vouliez nous utiliser – les surdoués – pour l’armée, déclara-t-elle en évitant le regard d’adulte.
Le conseiller Christian soupira et posa un regard lourd de reproche sur Iris.
— Eh bien oui… On pensait à un plan assez bon. Les soldats auraient des caméras sur leur casque et vous leur diriez en direct le mieux à faire pour vaincre. Nous sommes en pleine guerre. Comme tout le monde nous souhaitons et voulons gagner, même si elle est loin d’être terminée. Je pense… Que nous allons vous laisser le temps de réfléchir entre vous. Vous avez jusqu’à demain matin, si vous venez avec nous, vous repartirez avec moi.
Iris lança un regard à Samuel, qui, au même moment avait décidé de lui jeter un regard. Pendant un bref instant, ils se mirent d’accord sur quand annoncer leur réponse. Le choix fut vite fait : Iris ne voulait pas que les conseillers traînent dans ses pattes plus longtemps, donc elle voulait s’en débarrasser à la première occasion. Samuel fit un léger coup de tête en fermant les yeux, voyant l’accord du garçon, Iris ne demanda pas aux autres puisqu’ils les suivaient, elle tourna donc sa tête vers le conseiller, Christian qui les observait. Bien qu’il ne soit pas surdoué ni très futé, il n’était pas simple d’esprit non plus.
— Non, nous ne venons pas (les surdoués hochèrent la tête à la suite). Nous ne voulons pas être vos objets, en aucun cas on ne voudra vous aider pour la guerre. Moi, tout ce que je veux, c’est qu’elle cesse dans le monde entier, c’est tout. Et si personne n’a encore trouvé une solution pour contrer la maladie, c’est que l’on ne trouvera jamais, rétorqua la surdouée d’un ton glacial et cassant l'accompagnant d'un regard sombre.
— Bon… Je m’en doutais. On ne vous veut aucun mal, on veut juste aider la population. Je peux comprendre que notre entrée en guerre vous déplaise totalement, mais c’était nécessaire.
— Non, cela ne l’était pas. Beaucoup d’innocents sont morts par votre faute. Vous et vos chers amis conseillers, je ne veux pas être impliquée moi aussi.
— Eh bien… Vous pouvez partir, mais si vous changez d’avis, sachez que je suis là jusqu’à demain matin. Vous pouvez disposer.
Le groupe sortit. Dès qu’ils furent dans le couloir, ils commencèrent à parler, Iris voulut parler à Kilian, mais il était en pleine discussion avec Liam, Charles et Cassandra. Elle n’avait jamais parlé à leurs deux amis, et même si Cassandra et Kilian étaient là eux aussi, elle se sentait gênée. Et de toute façon, ce n‘était qu’à Kilian qu’elle pouvait parler. Ils avaient déjà repoussé leur discussion, cela pouvait encore attendre, mais demain elle lui parlerait.
Puis soudain, quelque chose alarma Iris et elle regarda tout autour d’elle.
— Tout va bien ? se renseigna Samuel tout en s’approchant de son amie.
Iris leva les yeux vers Samuel.
— Ils sont passés où les adultes qui attendaient dehors ?
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