V. Dédales

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Sorti de la salle bleue, Will chercha du regard ses camarades dans la foule de pensionnaires toujours entassés dans le couloir.

Aucune trace de Dimitri et Mürad. Probablement déjà avec la Conseillère, bien que l’atmosphère du couloir lui laisse présager tout autre chose.

Un pensionnaire, grand balafré, le dévisageait froidement. D’autres avaient leurs yeux collés à leurs pieds, alors que certains affichaient un sourire goguenard.

Il s’arrêta, et soutenu le regard du grand, David. La foule était anormalement calme, frappée d’un mutisme inquiétant.

Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre :

  • Ils sont où ? Demanda brusquement Will.

Les pensionnaires détournèrent leurs regards. Sauf David. Après un temps, il répondit :

  • Mürad ? On sait tous très bien où il est  lorsqu’on entend pas sa grande gueule. 
  • Dimitri ?
  • Probablement recroquevillé quelque part, attendant qu’on l’oublie, murmura froidement David,

Will fronça les sourcils.

  • Il l’a encore trop ouvert ? 
  • Évidemment qu’il l’a ouvert, répondit David. Mais comme on savait pas qui cet imbécile insultait, les veilleurs ont dû considérer que c’était pour eux. Dans le doute... 
  • Fait chier, siffla Will avant de tourner brusquement les talons. 

                                          *******

Les couloirs du Pensionnat étaient un dédale sans fin, sans fenêtres, et sans couleurs autres que celle du plâtre éclaté et du goudron.

Will marchait d’un pas vif dans ce labyrinthe vide et austère. Il connaissait la route vers le dortoir par cœur, là où nombre d’arrivants finissaient recroquevillés contre un mur quelconque, résigné à attendre qu’un ancien passant par-là mette un terme à leur pénitence.
Malheureusement pour eux, c’était souvent des Veilleurs.


Dans quel cas ils apprenaient le chemin du dortoir dans des circonstances peu agréables.

Will ne croisa pas âme qui vive. Après de longues minutes de marche et de virages, il atteint finalement l’entrée du dortoir. Entrée qui n’était, d’ailleurs, aucunement signalée, si ce n’est par l’état des murs encore plus délabrés que dans les autres ailes du Pensionnat. 

Toujours personne. 

Il arriva à la porte de sa chambre, mal engoncée, marquée par les violences que Mürad et Will lui faisait subir pour parvenir à l’ouvrir. 

Respectant les traditions, Will se jeta épaule en avant contre celle-ci, qui alla se claquer violemment contre le mur.

Pénétrant à l’intérieur, il découvrit sa chambre vide. Aucune trace de Mürad.

Mauvais signe.

Réprimant un soupir, il sauta dans son hamac qui émit un craquement désapprobateur.

Froncement de sourcil.

Lentement, Will jeta un regard au-dessus de sa tête, puis à ses pieds. Ses relations avec son hamac, que Will tenait pour responsable de ses chutes matinales, avaient toujours été déplorables. Il sentait presque la charpente du hamac le fusiller du regard, mais le tout semblait tenir bon. 

Rassuré, il ferma les yeux un moment, méditant sur sa visite avec la conseillère. 

Il n’avait aucun souvenir de ses parents, ou même de sa vie avant le Pensionnat. Aussi loin qu’il se rappelle, il avait toujours connu ces murs ternes, sans savoir ce qui pouvait bien se trouver au-delà d’eux, à l’Extérieur.

Malgré cela, il était contrarié. Les provocations de la Conseillère le laissaient habituellement de marbre, mais cette dernière n’avait jamais évoqué sa soi-disant vie antérieure. 

Ses parents… 

Des sensations lointaines lui revinrent à l’esprit. Les vieilles cicatrices qui bardaient son dos le brulèrent douloureusement, comme si ses plaies se rouvraient de l’intérieur.

Désagréable. Stop. 

Il refoula ses pensées troubles, pour poser son attention sur un sujet autrement intéressant :

La caméra dans l’angle la chambre, le fixant de son œil noir. 

Tiens. Tiens. Tiens… 

Détournant le regard, il s’étira exagérément dans son hamac, puis fit mine de se lever. Timidement, il sorti un pied du cocon de toile. 

Qui bascula aussi sec pour le faire tomber à la renverse. 

Face contre terre, Will se releva péniblement, hagard. Par un croche-patte grotesque, il trébucha, plongeant sur la caméra dans l’espoir de se rattraper, mais ne parvint qu’à la heurter du bout des doigts. 

Nouvelle rencontre avec le doux sol de sa chambre. 

Will resta un instant au sol, immobile et grognard. Regardant la caméra qui le surplombait du coin de l’œil, il constata avec satisfaction que l’objectif était maintenant braqué contre le mur. 

Pas question de se faire emmerder jusque dans ma chambre. 

Will regagna paisiblement son hamac, avec la ferme intention d’y fermer les yeux. 

Mais Mürad choisi ce moment pour ouvrir la porte à la volée. 

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