Dans le miroir qu'on lui tendit, elle ne se reconnut pas : cette bouche trop rouge, ces yeux surlignés de bleu, ce teint-même, légèrement hâlé, ne pouvaient être les siens. Elle voyait une étrangère, pire, une sorte de clown triste qui la considérait sans plaisir.

Qu'était-elle venue faire dans cet institut et que croyait-elle ? Elle n'était évidemment pas à sa place dans ce cadre trop sophistiqué, au milieu de ces femmes en jupes courtes et talons aiguilles, sous le regard méprisant de la maîtresse des lieux qui, lui semblait-il, l'avait jaugée de la tête aux pieds dès qu'elle était entrée. Elle n'aurait jamais dû venir, non, jamais.

"Déjà que tu mesures 1m20, si tu t'arranges pas un peu, tu trouveras jamais de mec, ma pauvre" lui avait dit sa soeur, autrefois.

Marine était jalouse. Jalouse surtout de l'affection que lui portaient leurs parents, à elle, la godiche, la moche, et dont son aînée se sentait exclue. Camille avait beau le savoir, la phrase avait, dans sa tête, creusé son chemin sinueux et suffi à dynamiter le peu de confiance qu'elle avait en elle.

Elle ne voulait pourtant pas d'un "mec" ; détestait ce mot qui, pour elle, désignait ces hommes trop sûrs d'eux et arrogants dans ce qu'ils nommaient leur "virilité". Non, pas "un mec" mais quelqu'un de gentil, de doux, avec qui partager son quotidien, avec qui parler de ce qu'elle jugeait important, avec qui rire, pourquoi pas ? Quelqu'un qui l'aurait serrée dans ses bras. Elle aurait voulu qu'il anéantît sa solitude, qu'il la protégeât des autres.

Elle le rêvait encore parfois, ce compagnon resté imaginaire...