Chapitre 2
Camille soupira, se hâta de régler son dû à l'esthéticienne, enfila son manteau, et sortit. Elle enroula autour de son cou sa grosse écharpe écossaise, heureuse que le froid de ce début de janvier lui fournît un alibi pour y cacher à demi son visage.
Arrivée chez elle, elle se précipita dans la salle de bains où, sans même prendre le temps de s'observer une seconde fois, elle se décapa sans ménagement les joues, les paupières et les lèvres à l'aide de coton hydrophile et de lait de toilette. Lorsqu'elle en eut fini, sa peau était rouge et ses yeux la brûlaient. Elle se précipita encore sous la douche où elle se frotta le corps avec une énergie désespérée, comme pour laver, effacer pour toujours la désillusion qu'elle venait de subir.
Non seulement elle n'avait pas d'homme dans sa vie, mais elle n'avait pas non plus de véritable amie de son âge à qui elle eût pu confier sa tristesse de fille solitaire ; de fille, oui : elle avait dépassé les trente ans maintenant, mais elle ne parvenait toujours pas à se voir comme une femme.
Seuls les enfants venaient spontanément vers elle, lui souriaient, à l'image de la petite fille de sa coiffeuse, âgée de trois ans environ, qui après avoir longuement "discuté avec elle", lui avait offert l'un de ces marrons luisants qu'on trouve à l'automne sur certains trottoirs de la ville ; ce fruit, elle le gardait - "stupidement", aurait dit Marine - dans le fond de son sac à main ; sa vue lui arrachait, chaque fois, le même sourire.
- Eh bien, dites donc, elle vous aime ! avait commenté la grand-mère.
Et, en ôtant la serviette qui avait protégé ses épaules pendant la coupe, elle avait ajouté :
- Vous devriez oser la couleur, mon petit. Regardez, ça vous va bien le rose.
Enroulée dans son peignoir trop large, Camille - "Camomille" disait sa soeur pour se moquer d'elle en mimant le sommeil - se résolut à passer encore une fois la fin de son après midi devant la télévision.
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