[4] Prends garde... (7/7)
[7.]
Le son d’un bipper me réveille en sursaut. Merde ! Quelle heure peut-il bien être ? De l’autre côté de la chambre, j’entends Ethan se tourner en grognant afin de contrôler l’écran de son téléphone. J’ai les yeux lourds et encore piquants de sommeil. Je dois froncer les sourcils au maximum en clignant des paupières pour parvenir à déchiffrer ce qui est écrit sur le minuscule écran malgré la buée recouvrant mes pupilles. Problème de monitoring je crois. Enfin, le peu de lumière ambiante fait que je n’en suis pas vraiment sûre. Je pousse à mon tour un grognement en me redressant dans mon lit.
— Rendors-toi, m’ordonne Ethan tout en se levant pour récupérer ses affaires et les enfiler. Ça ne sera pas long.
Je le regarde se faufiler à travers la porte en fronçant les sourcils. Vraiment ? Je suis tellement fatiguée que je n’ai pas la force de protester et le battant s’est à peine refermé que je me laisse retomber sur le matelas en gémissant, replongeant dans une sorte de sommeil troublé.
Il est près de trois heures du matin lorsque je suis à nouveau réveillée brusquement. La chambre est sombre, silencieuse. Et vide. Ethan n’est pas revenu. Je suppose que c’est l’angoisse de son absence qui m’a réveillée. Je me frotte les yeux tout en réfléchissant. Soit le jeune homme a été retenu, soit il est enfin redescendu sur terre et a déserté. Cette seconde idée me fait grimacer. Je devrais me dire qu’au final peu m’importe, me tourner et me rendormir jusqu’au petit matin mais j’en suis incapable : c’est comme une envie irrépressible et incontrôlable, j’ai besoin de savoir où est Ethan et s’il va bien.
D’un pied malhabile, je repousse draps et couvertures et m’extirpe du lit en maudissant le froid glacial de la pièce autour de moi. Je tâtonne un instant dans le noir à la recherche de mes vêtements et finis par attraper au hasard un pull – qui ne doit visiblement pas être à moi au vu de la taille – et un jean que j’enfile rapidement. L’odeur qui s’échappe du pull-over à col échancré et m’assaille rapidement les sens est celle d’Ethan. Je ne devrais sans doute pas sortir comme ça dans le couloir mais je décide que je me fiche du regard des autres. Après tout, il ne doit pas y avoir grand-monde à cette heure-ci dans les couloirs de l’hôpital.
Je me faufile hors de la salle de garde, un plaid tout de même enroulé autour de mes épaules. Le sol en lino est glacé, à moins que cela ne soit à cause du fait que je sois pieds nus dans le couloir... Après l’obscurité de la chambre de garde et des méandres du sommeil, la lumière des spots fixés dans le mur - pourtant abaissée au maximum - m’éblouit et je dois avancer les paupières à demi closes, une main posée sur le mur le plus proche pour ne pas prendre le risque de trébucher.
Je traverse plusieurs couloirs en prenant soin de jeter un coup d’œil dans chacun d’eux à la recherche de mon lunatique partenaire, je ne le trouve nulle part. Comme d’habitude… Cette idée m’arrache un sourire. Le secteur de cardiologie semble totalement vide. Aucune trace ni des infirmières de garde, ni d’Ethan. J’observe à nouveau l’écran de mon téléphone portable. Trois heures vingt. Je devrais sans doute retourner me glisser à nouveau sous mes draps et me rendormir mais je sens une telle pression battre contre mes tempes que je sais que cela serait parfaitement inutile : je ne dormirai pas. Du moins, pas sans Ethan à mes côtés…
Je me traîne donc jusque devant la salle des internes et passe ma carte dans le lecteur. Ce dernier s’illumine, m’autorisant l’accès à la vaste pièce, elle aussi plongée dans le noir. Je tâte le mur à la recherche des interrupteurs et décide de n’allumer que deux rangées de lumières sur trois – juste assez pour me tenir éveillée – avant de me glisser souplement jusque sur l’un des sièges de la table de réunion, me pelotonnant sous le plaid enroulé autour de mes épaules. J’ouvre mon ordinateur resté là et pianote sur le clavier à la recherche du dernier épisode de ma série préférée. Je l’ai déjà vu au moins une bonne dizaine de fois alors je n’y prête pas vraiment attention mais le mouvement des images devant mes yeux gourds me permet de rester consciente.
Un peu plus de la moitié de l’épisode s’est écoulé sur la barre de l’écran lorsque la porte de la salle s’ouvre à la volée, laissant entrer deux personnes en grande conversation. Mon cœur se serre à la vue de la jeune blonde accompagnant Ethan. Elle semble toutefois contrariée et le froncement de sourcils qui lui répond annonce qu’Ethan également. Les souvenirs de la conversation à voix basse devant la salle de garde me reviennent en mémoire. Sans doute était-ce également avec elle que l’interne se disputait déjà tout à l’heure… Bien entendu…
Leurs murmures cessent presque instantanément à ma vue. Je retiens un long frisson en découvrant les grands yeux surpris d’Ethan. L’instant d’après, ses sourcils se froncent et je sens mes intestins se serrer d’avance du sermon que je m’apprête à essuyer.
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Sa voix est sourde, nette, terrifiante. Bordel de merde, il est vraiment fâché ! Je me sens me rapetisser sur ma chaise.
— Tu n’étais pas revenu dormir alors je me suis dit… commencé-je.
— Retourne dormir.
Le ton glacial du jeune homme a le don de me figer sur place. Sérieusement ?
— Mais…
— Je t’ai dit : retourne te coucher !
Je sursaute, surprise par le ton ne souffrant aucune discussion. Vexée, je me lève de mon siège et sors de la pièce, non sans un regard glacial en direction de l’infirmière dont les sourcils froncés me font tressaillir à nouveau.
Je suis tentée de descendre dormir en bas à la PUI de l’hôpital mais cela supposerait de passer récupérer au préalable mes affaires dans la salle de garde du service de cardiologie et je n’en ai pas la force. Encore contrariée par la réaction d’Ethan, je décide donc de me contenter de retourner me glisser sous les draps chauds du lit et forcer mon esprit à se rendormir malgré le flot d’émotions qui le traverse en ce moment.
J’ai beau essayer de faire le vide dans mon esprit pour retrouver le sommeil, je ne parviens qu’à somnoler avant d’être à nouveau réveillée par du mouvement dans mon dos. La porte de la salle de garde émet un léger déclic en se refermant. Je n’ai pas besoin de me retourner pour comprendre qu’Ethan est de retour. Je n’ai pas envie de le voir, encore moins de lui parler après ce qu’il vient de se passer. Je ne veux pas d’explications – pas ce soir -, j’ai simplement besoin de dormir et cela semble presque mission impossible avec tout ce raffut autour de moi.
Décidant cette fois-ci de ne pas lui montrer que je suis réveillée, je m’efforce de rester aussi immobile que possible dans mon lit mais je sais que mes reniflements de très mauvaise élégance me trahissent. Un long silence s’installe dans la pièce. J’ignore ce que fait ou pense Ethan mais je m’en moque, je veux dormir et oublier ce foutu weekend, tout simplement.
Les draps s’écartent soudain près de moi et une silhouette au parfum suave et chaud se glisse contre moi, m’enroulant de ses bras, le front posé contre mon épaule. Je bouge légèrement afin de lui laisser un peu plus de place, bercée par les battements de son cœur au fond de sa poitrine. J’aimerais pouvoir le repousser, lui dire à quel point je lui en veux et que je ne veux plus jamais avoir affaire à lui mais c’est à peine si je trouve la force de me dégager de son étreinte, prise au piège de son souffle chaud et agréable sur ma nuque.
— Ce pull t’allait vraiment bien…
— Mmh…
Je me refuse catégoriquement à rentrer dans son jeu. Ethan est un beau-parleur, rien de plus. Un séducteur capable d’endormir sa proie de belles et douces paroles toutes plus agréables les unes que les autres et je ne veux plus être cette proie. En tout cas plus si facile.
— Je suis désolé.
Cette fois-ci, je ne peux m’empêcher de tressaillir de surprise. Des excuses ? Suis-je en train de rêver ? Bon Dieu, faites que je me réveille par pitié !
— Quoi ? murmuré-je par-dessus mon épaule d’une voix endormie.
Ethan pousse un léger soupir et son souffle chaud sur ma nuque réveille sur ma peau une série de picotements terriblement affriolants.
— Je suis désolé, répète le jeune homme, dans un demi-sommeil, désolé pour tout à l’heure, pour hier et pour toutes les autres fois. Désolé de te traiter de la sorte, désolé que ça puisse te blesser et que tu aies si peur de moi à cause de ça, ça te va ?
Je secoue la tête, presque amusée.
— Je te l’ai dit : je n’ai pas peur de toi, dis-je dans un sourire, mais j’accepte tes excuses.
Ce sont peut-être bien les seules excuses que j’obtiendrais alors, oui, je m’en contenterais. Je sens Ethan sourire dans mon dos mais il s’abstient de tout autre commentaire et je sens ses jambes s’enrouler autour des miennes tandis qu’il prend une position plus confortable pour dormir.
— Parfait, chuchote-t-il, déjà presque absorbé par les bras de Morphée, je vais donc pouvoir enfin dormir tranquille…
Ces simples mots suffisent à faire fondre mon cœur. Un sourire béat étire mes lèvres.
— Bonne nuit Ethan, chuchoté-je en venant me caler contre lui.
— Bonne… nuit…
-
Lundi,
Mon réveil sonne sur le coup de sept heures trente et tout en tâtonnant la place froide à côté de moi dans le lit, je constate sans surprise qu’Ethan est déjà sur pieds depuis un bon moment, ce qui n’est de toute façon pas plus mal car je ne tiens pas à me disputer avec lui de bon matin. Et cela aurait été certainement le cas lorsqu’il se serait rendu compte de l’ambiguïté de la situation dans laquelle ils venaient de nous plonger la veille au soir.
Comme je suis seule dans la pièce et que la seconde sonnerie de mon téléphone portable annonçant les sept heures quarante-cinq n’a pas encore retenti, je prends le temps de me réveiller et de sortir du lit avec mille précautions essayant tant bien que mal de retrouver mes affaires, éparpillées un peu partout dans la pièce. J’enfile le premier truc à peu près correct et présentable qui me tombe sous la main et corrige mon apparence devant le petit miroir de la chambre de garde. Je n’ai aucune envie de faire forte impression aujourd’hui. J’ai de toute façon bien plus mauvaise mine que la veille et ce, malgré mes quelques retouches de maquillage. Je m’arrange toutefois pour être la plus présentable possible pour la réunion du staff de neuf heures, et comme je dispose d’encore un peu de temps, je prends la peine de plier et ranger toutes mes affaires dans mon sac avant de le poser dans un coin de la pièce et d’ouvrir les volets.
Lorsque les premiers rayons du soleil éclairent enfin la petite pièce – et je dois cligner plusieurs fois des yeux pour me réhabituer encore une fois à la luminosité ambiante -, je constate qu’Ethan a déjà rassemblé les siennes au pied de son lit, signe qu’il était donc bien réveillé depuis un bon moment. Après une dernière inspection de la chambre, je me décide enfin à sortir en quête d’un long café chaud et bien chargé mais à peine ai-je ouvert la porte que je tombe nez à nez avec une silhouette blonde et impeccablement peinturlurée. Je retiens un sursaut. L’infirmière bimbo de la garde. Super…
Cette dernière me regarde d’un drôle d’air, les sourcils froncés, et je ne peux m’empêcher de songer qu’elle apparait étrangement presque aussi fraîche et dispo qu’au début de son service hier matin. Si je n’étais pas fourbue par le manque de sommeil, je crois que je serai définitivement terriblement jalouse de cette fille.
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Elle semble intriguée, méfiante. Je fronce à mon tour les sourcils.
— Je pourrais te demander la même chose ? fais-je remarquer sur le même ton cassant.
Je n’ai clairement pas l’habitude de prendre ce genre de timbre de voix aussi dure que la pierre et j’ose espérer que le temps passé en compagnie du très lunatique Ethan m’a été suffisant pour être convaincante. Lorsque la jeune femme pique un fard en détournant les talons sans un regard dans ma direction, je comprends que oui. Je la regarde s’éloigner dans le couloir, ses baskets claquant sur le sol, ses longs cheveux blonds décolorés voletant dans son dos. Que venait-elle faire en chambre de garde ? Voir Ethan ? Pourquoi ? Au sujet de leur dispute de la veille au soir ? Je sens une minuscule ridule se former entre mes sourcils lorsque je les fronce à nouveau, concentrée. La dispute… Il faudra d’ailleurs que je songe à demander à Ethan ce qu’il s’est passé la veille entre lui et la fameuse infirmière…
Ce qu’il s’est passé tout court même, me fait remarquer ma conscience. Un long frisson glacé me parcourt l’échine. Je secoue la tête. Non. Cela relève sans doute de la vie privée d’Ethan et je n’ai pas vraiment envie d’en savoir plus à son sujet. J’inspire profondément et referme la porte dans mon dos avant de m’éloigner. Trouver un bon café ne peut me faire que le plus grand bien avant cette nouvelle journée…
-
Après l’ambiance plutôt calme et tranquille de notre weekend en solitaire Ethan et moi, retrouver enfin l’effervescence si caractéristique de l’hôpital n’est finalement pas si mal. Les horloges numériques aux murs annoncent huit heures quarante et je dois jouer des coudes dans les escaliers et me frayer en souplesse un passage entre les portes battantes, essayant de ne pas renverser mon gobelet chargé de caféine sur une blouse ou une veste impromptue. Néanmoins le retour de cette ambiance si particulière me parait la bienvenue. J’ai subitement l’impression de revivre, bercée par cette euphorie.
Tout en parcourant du regard les nombreux couloirs gorgés de monde du service de cardiologie à la recherche d’Ethan, je mords à pleines dents dans une large part de brioche fraîche dégottée à la cafétéria du rez-de-chaussée, mon café dans l’autre main. Comme à son habitude, le jeune homme est encore une fois introuvable. Je finis par laisser tomber en haussant les épaules. Il faut bien que je me fasse une raison : on ne trouve Ethan que lorsqu’il le veut bien.
Je décide donc de gagner la salle des internes. J’ai hâte de retrouver Claire et Maude pour leur raconter toute l’étendue de mon weekend forcé en compagnie d’Ethan Barbier. Ce n’est qu’en ouvrant la porte de la pièce que je comprends aux intonations de voix que l’interne est ici. Et l’indignation de l’une des cardiologues du service face à lui ne présage rien de bon.
— Comment se fait-il que la patiente de la vingt-deux ait atterri en soins intensifs hein ?
Je sursaute devant l’excès de colère dans la voix du médecin en charge du secteur B, laissant la porte de la salle se refermer dans mon dos avec un faible déclic à peine perceptible. Bien qu’Ethan soit plus grand que son interlocutrice d’une bonne vingtaine de centimètres malgré ses immenses talons aiguilles, la quadragénaire semble être en position de force dans la discussion. Du moins, c’est que je comprends à la vue des poings serrés du jeune homme dans ses poches, son visage ne laissant – comme d’habitude – transparaître aucune émotion.
— Je vous l’ai dit : on a eu un problème avec la radio. L’appareil ne marchait pas et impossible de joindre la maintenance alors on a dû laisser tomber et…
— Et la patiente a décompensé ? Sérieusement ? C’est ça votre excuse ?
Pour la première fois, je vois le visage d’Ethan se tordre en une grimace. Je repense tout à coup à l’accès de colère du jeune homme la veille au soir et c’est comme si les connexions se faisaient enfin dans mon esprit. Bon sang ! Le bipper ! Voilà pourquoi Ethan n’était pas revenu dormir !
Je fais un pas en direction des deux médecins mais le regard implorant lancé par Marine à mon intention me dissuade de dire quoi que ce soit. Intervenir serait sans doute faire plus de mal que de bien. Je sens mes doigts resserrer leur emprise autour du gobelet de café refroidi. La porte s’ouvre subitement dans notre dos et je remercie la providence pour cette distraction bienvenue.
— Mince, toujours en vie la pharmacienne ? Je dois bien l’avouer : tu es plus résistante que ce que je pensais.
Je retiens une remarque cinglante devant le regard faussement étonné du médecin. La porte s’ouvre à nouveau, laissant entrer le chef de la cardiologie en personne cette fois-ci.
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Quelqu’un peut m’expliquer ?
Son regard oscille rapidement entre moi et Ethan. Je desserre les poings. Derrière moi, Ethan a un rapide coup d’œil en direction de sa supérieure, visiblement dans l’expectative. Cette dernière se contente de pousser un long soupir avant d’annoncer :
— Non rien… Tout va bien Monsieur.
Je retiens un soupir de soulagement et lorsque je vois les épaules d’Ethan s’affaisser à leur tour, je comprends que lui aussi. Le médecin fronce les sourcils.
— Parfait. Alors allez donc vous installer que l’on puisse commencer. Certains – et certaines – ont certainement hâte d’aller prendre un peu de repos.
J’entends le docteur Linois émettre un ricanement étouffé dans mon dos.
— C’est vrai que le weekend a certainement dû être très chargé en effet…
Je pivote brièvement dans sa direction tout en avalant une gorgée de café chaud et annonce à son intention :
— Si vous saviez le nombre de choses que j’ai apprises ce weekend, vous seriez surpris, croyez-moi. Pas très mouvementé en effet, mais chargé en connaissances médicales et j’ai eu un bon enseignant.
Je vois un sourire en coin se dessiner sur le visage du chef de la cardiologie devant la grimace du docteur Linois. Mais lorsque je me retourne afin de lancer un clin d’œil en direction d’Ethan, je remarque immédiatement que le regard du jeune homme semble éteint, vidé de toute émotion. Merde ! S’en veut-il ? De quoi au juste ? D’avoir envoyé la patiente en réanimation ? Ou d’avoir dormi à mes côtés ? Je suis tentée de faire un pas dans sa direction pour le questionner mais la porte s’ouvrant à nouveau pour laisser entrer une Alexandra les bras chargés de dossiers divers et variés m’en empêche.
— Oh bordel de merde ! Laura, qu’est-ce que je suis contente de te retrouver ! Tu ne peux pas savoir à quel point je suis désolée d’avoir été absente la semaine dernière !
Je me retourne à nouveau précipitamment et ouvre la bouche pour lâcher « Ce n’est pas grave, ne t’en fais » mais elle ne m’en laisse pas le temps. Posant son lourd tas de dossiers sur le bureau près de son ordinateur, elle prend pour la première fois le temps de me dévisager en grimaçant :
— Tu as l’air vraiment épuisée… Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu as passé un mauvais weekend ? Ou alors, tu as fait la fête quarante-huit heures d’affilée… Sérieusement, sans vouloir te vexer, tu as exactement les mêmes traits qu’Ethan alors qu’il vient d’enchaîner deux jours de garde…
Je souris en secouant la tête.
— Tout va bien. Je n’ai ni passé un mauvais weekend, ni fait la fête pendant quarante-huit heures. Je suis juste un peu fatiguée c’est vrai mais je t’assure que tout va bien.
— Tu es sûre ? insiste Alex en plissant le front.
Je bois une gorgée de café en essayant d’ignorer son regard suspicieux.
— Alexandra a raison, ricane le docteur Linois en me lançant un nouveau regard en coin, tu devrais aller te reposer.
— Je vous assure que tout va bien, réponds-je d’une voix aigre à son intention.
— Tant mieux, j’ai plutôt hâte d’entendre toutes ces nouvelles « connaissances médicales ».
Je m’apprête à répliquer lorsque la voix du chef de la cardiologie m’interrompt brusquement :
— Vous discuterez de cela plus tard. Nous avons perdu pas mal de temps alors prenez place s’il vous plaît.
Je foudroie le docteur Linois du regard mais encaisse le coup sans broncher davantage tout en venant prendre place autour de la table de staff. Le weekend a déjà été assez difficile comme ça et je suis exténuée, je n’ai donc plus la force de me disputer aujourd’hui avec lui. Tandis que tout le reste de l’équipe s’apprête à récupérer une chaise, l’homme pose une main amicale sur l’épaule d’Ethan.
— Vous devriez filer et rentrer chez vous vous reposer. Le weekend a été long et vous semblez en avoir besoin. Mademoiselle Levallois récupèrera vos dossiers.
— Mais…
— Il n’y a pas de mais. C’est un ordre.
Ethan hoche la tête, légèrement contrarié. Il rassemble ses affaires et se glisse hors de la salle, sans un seul regard dans ma direction. Je fais la moue. J’avais espéré que le peu de rapprochement qui venait de s’opérer entre nous persiste au-delà de ce weekend enchanteur mais ce n’était sans doute pas réciproque. Je décide néanmoins qu’il n’est pas temps de parler de ça : je n’ai qu’une hâte, que la journée s’achève afin que je puisse retrouver un bon lit douillet.
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