Chapitre VII - Partie I : Mère Nourrice et Petit frère Faucon

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Isyl semblait flotter sur un gros nuage doux et chaud, une berceuse familière lui était chantonnée à l’oreille. Ce fut une caresse sur son front descendant sur sa joue, qui lui fit ouvrir des yeux embués de sommeil. La jeune Drow se redressa brusquement en ne reconnaissant pas le campement où elle s’était endormie. Elle était assise contre des racines d’un énorme fief, aux feuilles argenté avec de multiples de petites lumières volants entre les branches.

- Tu es enfin réveillée, mon enfant. Fit une voix douce et maternelle.

Isyl se tendit malgré le ton de la voix qui était plus que chaleureuse, et observa attentivement la venue de la femme qui se révéla à elle. Quand elle croisa ce regard noisette, Isyl sentit un déferlement d’émotion l’envahir et sa tête lui tourna un bref instant. Les yeux carmins s’embuèrent de larmes d’émotion, et la voix ébranlée de la Drow confirma son émoi.

- C’est impossible.

- Pourtant, je suis là, ma princesse.

Isyl ne comprenait pas si cela était un rêve ou une illusion de son esprit épuisé par cette journée, mais elle ne voulait pas que cela disparaisse.

- Si c’est un rêve, je ne veux pas me réveiller. Je t’en prie. Supplia l’adolescente face à Mère Nourrice.

Cette dernière lui offrit un sourire bienveillant et lui tendit les bras, d’une invitation silencieuse. Isyl n’attendit pas une seconde avant de fondre dans les bras offerts et soupirait de bien-être, en écoutant un cœur qui battait à l’unisson du sien.

Les minutes passèrent, et Isyl semblait s’assoupir dans le cocon maternel, mais Mère Nourrice l’a réveilla d’une caresse comme un peu plus tôt. La drow cligna des yeux avant de sursauter en remarquant que Mère Nourrice n’était plus à côté d’elle. Mais un rire chantant derrière elle, la rassura et se retourna pour fixer cette femme, qui était la parfaite copie de sa mère. Elle savait que cette étrangère n’était pas sa mère, et pourtant elle semblait liée à elle comme si c’était elle.

- Pourquoi as-tu si peur, ma princesse ? Demanda-t-elle, assise sur une grosse racine de l’arbre semblant faire une arche.

Entourait de lucioles volant autour de la tête de Mère Nourrice, on aurait dit qu’elle avait une couronne lumineuse à travers ses cheveux noirs de jais. Ses yeux noisettes étaient emplis de vie, envoûtant la Drow, qui eut dût mal à répondre, sans pleurer.

- Que tu disparaisse… Que ce soit un rêve … Que …

- Tout le monde meurt.

Isyl se tendit à la notion de mort, et eut un pas de recul, comme si elle venait d’être giflée par Mère Nourrice qui garda son sourire amical.

- Je le refuse.

- La mort et la vie, personne n’a le pouvoir de contrer cet état de fait que tout le monde subira un jour.

Une larme coula sur la joue métisse de la Drow, qui eut un mouvement de recul de plusieurs pas, faisant pencher la tête de Mère Nourrice sur le côté, perdant son sourire.

- Je refuse qu’elle meurt. Claqua la voix froide d’Isyl, faisant plisser les yeux noisettes.

- Donc tu acceptes la mort de Mitsune. Renchérit Mère Nourrice, du même ton.

Les yeux d’Isyl s’écarquillèrent brusquement, et le corps de l’adolescent se figea d’horreur. Elle ouvrit la bouche sans aucun son qui sortit.

- Je connais ton pouvoir venant de la lumière, mon enfant.

Isyl déglutit, et une avalanche de larmes coula sur ses joues.

- Je sais ce que tu as fait pour sauver l’être le plus chère à ton cœur … mais on ne joue pas avec la mort ainsi, mon enfant. Tout a un prix.

- De quoi … parlez-vous ? Croassa Isyl, en commençant à trembler de peur ou de tristesse.

Mère Nourrice eut un petit sourire triste et ferma les yeux brièvement, de manière fatalité, avant de les rouvrit et transpercer la jeune Drow, qui eut du mal à tenir sur ses jambes.

- Le Souffle béni permet de donner de la vie à quelqu’un dans un sursis de mort, mais pour cela, le donneur de souffle doit puisé dans sa propre énergie vitale, le mettant également en danger. Ce que tu as fait depuis que ta mère a découvert sa maladie. Tu as donnée peu à peu la vie de ton âme … de ton Skà … de Mitsune.

- Non, je …

Mère Nourrice leva la main d’un air sévère, et reprit.

- Quand Mitsune disparaîtra … Tu ne seras qu’une simple poupée sans âme, et tu mourras. Est-ce le choix que tu as pris, mon enfant ? La mort pour la vie de ta mère … - Isyl secoua la tête, négativement – A part, si tu as demandé à Mitsune son consentement pour lui ôter la vie pour sauver votre mère. Après tout, vous ne faites qu’un avec votre âme, n’est-ce pas … ?

- Mitsune … Marmonna Isyl, avant de tomber à genoux et se replier sur elle-même, pour sangloter le choix qu’elle avait pris.

- Cette nuit, tu peux encore faire un choix qui peut tout changer. Puisque tu as déjà fait un choix en suivant le gardien jusqu’ici. - Isyl calma ses pleurs – Étant à Asgard, ta mère ne bénéficierait plus de ton souffle de vie. Ta mère est condamnée depuis des années, mais tu lui as permis de te voir grandir. A toi d’accepter, qu’elle a eu une belle vie et que tu lui offres une mort paisible. - Isyl releva la tête, d’un air sonnée – Sauve Mitsune de son sort et deviens celle que tu as toujours rêvée d’être. Fait ton choix, mon enfant.

- Maman ou Mitsune …

- Oui, mon enfant. Fais ton choix.

- Maman ou Mitsune … Marmonna-t-elle, mais un cri puissant la fit sursauter.

Ce cri empli de douleur et de terreur, fit fuir les lucioles autour de Mère Nourrice vers l’arbre où elle reprit la ronde entre les branches et le tronc du massif arbre. La gardienne eut un sourire grimacé et un regard empli de compassion vers la direction où avaient résonné le cri de détresse.

Isyl fronça les sourcils, et suivit le regard de Mère Nourrice.

- C’est une ruse ?

Mère se tourna vers la Drow, d’un air surpris et légèrement choqué par les paroles de l’adolescente.

- Une ruse ?

- Oui, pour me faire changer d’avis sur mon choix. Vous faites crier un complice dans les bois pour me pousser à prendre le choix que vous souhaitez. - Les yeux noisettes clignèrent de plusieurs couleurs avant de redevenir normaux – Après tout, vous voulez de nouvelles chasseuses car bientôt l’anniversaire de la guerre éternelle sonnera et une foutue prophétie a été dites. La porte démoniaque s’ouvrira de nouveau. C’est ridicule. Finit par ricaner la Drow, tout en finissant d’essuyer ses joues.

Mère descendit de son siège végétal, d’un bond souple retombant sur ses sabots et s’approcha du lit de la rivière coulant entre les racines comme un serpent d’eau. Elle se pencha et toucha la surface de l’eau la faisant se figer.

- Observe et vois ce qu’Yggdrasil te permet de distinguer, mon enfant. Ensuite, fais ton choix. Tu es prête. Fis Mère Nourrice en se relevant et invita la jeune fille à s’avancer.

Isyl hésita en lançant un regard à Mère puis à l’eau, avant de se relever et d’avancer prudemment. Proche du rebord, elle se pencha comme la Mère, et écarquilla les yeux en voyant la scène sous ses yeux.

Lukà hurlait de douleur, et pour la première fois, Isyl vit une émotion sur le visage si lisse de la Fea.

- Ton choix, mon enfant ?

- Je croyais que les épreuves d’Yggdrasil ne tuaient ou ne mettait personne en danger …

- Certaines épreuves sont parfois nécessaires … et la mort n’est qu’un état de fait …

Isyl eut le souffle coupé face aux paroles de Mère, et puis, soudain, se releva en lançant un regard froid à cet être mi-femme et mi-chèvre, aux belles paroles la faisant se sentir mal. Une envie de vengeance la submergea un instant, mais la peur, la colère et la détermination reprirent le dessus.

Mère observa la future chasseuse reprendre son état normal, et sourit en voyant une silhouette timide se détachait difficilement de son ombre. Mitsune semblait petite et faible sur ses pattes, mais elle possédait le même regard que sa maîtresse. Un manteau noir entoura Isyl sans qu’elle s’en rend compte, et disparaissait quelques secondes pour revenir. Mère comprit que le retour du Skà de la Drow n’allait pas être sans conséquence, mais déjà elle avait fait un choix audacieux et que la Mère fut surprise. Elle pensait qu’Isyl allait choisir de mourir pour sa mère. Finalement, Mère Nourrice aimait se tromper.

D’un geste lent, Mère Nourrice tendit la main et désigna la bonne direction. Isyl pensait pouvoir courir, mais ne peut que marcher d’une manière déterminée vers Lukà, alors qu’elle se sentait légère peu à peu, au fur-et à mesure de ses pas, elle peut enfin courir pour sauver sa nouvelle amie.

.

Plusieurs lieux de là, une jeune fille portant un stelson se réveilla pour avoir le vertige en regardant autour d’elle. Elle était posée sur une branche d’un arbre immense qui semblait sans fin, elle ne distinguait nullement la cime et les racines. Elle ferma les yeux et les rouvrit plusieurs fois, pensant rêver. Mais elle ne se retrouva pas au campement entourés de ses trois filles étrangères, même si elle s’était liée à Aya.

Un couinement aigu la fit relever la tête pour rencontrer le regard apeuré de Spook, en équilibre sur une branche au-dessus d’elle.

- Spook n’est pas peur. Je suis là, mon pote. Dit-elle sur un ton taquin. Par contre, si tu sais comment on est arrivé là. J’aimerais savoir la raison. Finit-elle d’un ton plus sérieux.

Un bruit de battement d’ailes lui répondit à sa réponse, quand elle se tourna vers la source, et écarquilla les yeux de choc.

- Si c’est une blague … elle est pas drôle … vraiment pas ….

Accoudés au tronc sur une branche à la même hauteur, un jeune homme aux cheveux courts sombres, aux yeux dorés et habillait d’une chemise, et d’un pantalon en jean avec des bottes. Il bougea légèrement son chapeau blanc en signe de salut. Jessie connaissait cette personne par cœur : ses manières, sa façon de parler, son passé et son futur. Après tout, une sœur reconnaîtra toujours son petit frère.

D’un geste souple, il sortit une pièce d’argent de sa poche de pantalon et s’amusa à les faire rouler sur ses doigts sans la regarder, emplit d’assurance.

Jessie sentit son cœur se meurtrir quand elle le vit le sourire d’un air malicieux, s’affichait sur cette tête familière.

- Tu ne peux pas être ici …

- Peut-être que je ne suis pas vraiment là, frangine. Je suis peut-être encore à l’orphelinat, à t’attendre comme mama, non ?

- Je ne pourrais pas rentrer pour ce noël, désolé … Marmonna Jessie, amère, en détournant son regard loin devant elle.

- Comme l’an dernier, c’est ça ?

Jessie se releva brusquement sur ses pieds, et pointa du doigt, sur son frère. La colère se lisait dans ses yeux, mais un autre sentiment aussi.

- Je t’interdis de parler de ce noël-ci, c’est clair !

Son frère ria d’un rire sans joie, qui fit mal à la jeune humaine, mais quelque chose la dérangea. Le jeune homme qui était devant elle était son frère, mais à la fois, ce n’était pas lui. Peut-être était-ce ces ailes majestueuses digne d’un faucon venant de son dos ou encore le fait qu’il venait de rire sans ouvrir la bouche.

- Qui êtes-vous ? Demanda prudemment Jessie, en collant son dos au tronc.

- Bien, tu as compris. Dit petit frère Faucon, arrêtant de rire faussement. Je ne suis pas ton frère, et à la fois, je le suis. Étrange, n’est-ce pas ?

- Qu’est que je fais ici ?

- Tu as déjà oublié ton objectif ? Ce serait une première dans l’histoire, je l’avoue.

- L’épreuve d’Yggdrasil.

- Bravo, tu as gagné un bonbon !

Jessie eut un léger sourire, puis le perdit en se souvenant que ce n’était pas son frère qui venait de dire cette phrase.

- Me détestes-tu ?

- euh … oui …N... je suis …

- … confuse. Désolé. Dit-il, d’un ton triste. Tu me détesteras sûrement à la fin de cette épreuve. Ou pas, puisque que tout ceci sera un rêve perdu de ta mémoire. Enfin bref, - il tapa ses mains de manière énergique – passons à l’épreuve même si elle a déjà débuter en soi.

Jessie fronça les sourcils, et regarda autour d’elle, pour écarquiller les yeux de surprise.

- Je ne suis pas sur la même branche ! S’écria-t-elle, d’effroi. Je n’ai pas bouger, j’en suis sûr.

- Pourtant tu es descendu, Jessie.

- Je ne suis pas encore folle !

- Non, tu ne l’es pas. Mais c’est ton épreuve qui est ainsi. Dit-il d’un ton énigmatique. Regarde ton Skà, jeune chasseresse.

Jessie leva la tête pour observer son ombre, tremblante sur la même branche. Spook couina en tendant une patte vers elle, puis se mit à faire des allers-retours, puis se prépara à sauter. Puis Spook se remit à couiner en tendant sa patte vers elle, puis refit ses vas-et-vient avant de sauter. Et cela recommença.

- Il est comme piégé dans le temps. Qu’est-ce que tu lui as fait ?

- Il est enfermé dans une boucle temporelle. Il ne crains rien, enfin pour l’instant.

- Pourquoi pour « l’instant » ? C’est quoi la suite de l’épreuve ?

- Je t’ai déjà dit qu’elle avait déjà commencée. Dès la première question. Ou du moins, ma vraie question.

- Celle sur l’épreuve ?

- Non, l’autre … Dit-il sombrement.

- Si je vous détestiez ?

- Tout à fait. Qu’est-que tu en conclus ?

- Que … j’ai mal répondu. Déglutis Jessie, légèrement apeurée. Je descendras une branche à chaque mauvaise réponse, en somme. Mais pas Spook, c’est ça ?

Petit frère Faucon eut un grand sourire, tout en lançant la pièce en l’air, qu’il rattrapa dans le creux de sa main pour la plaquer sur le dos de sa seconde.

- Presque ça. Pile ou face ? Demanda-t-il, joueur.

Jessie ne comprenais pas voulu en venir son frère, et réfléchis une longue minute, pour ne pas se tromper de réponse, de peur de descendre une nouvelle branche. Même si elle n’aimait guère être en hauteur, elle avait la sensation que d’être en bas, n’était pas sa meilleure solution.

- Face. Répondit-elle, d’un ton sûr.

Il souleva sa main, et eut une moue légèrement contrarié, avant de retourner la pièce d’argent de l’autre côté sous les yeux horrifiés de Jessie.

- Perdu. Annonça-t-il, d’un air effronté.

- Vous avez triché ! Tu es un mauvais perdant, Orion ! S’exclama-t-elle, avant de cligner des yeux, étourdie.

- Alors, chasseresse ? Tu as compris ?

Jessie observa autour d’elle, et ne vit aucun changement. Elle n’avait pas descendu de branche. La jeune femme fronça les sourcils.

- Les réponses ne sont pas importantes si elles sont fausses ou vraies. C’est ça ?

- Tu es proche de la résolution. Personne ne connaît le futur du hasard. Même cet arbre n’aurait pu répondre à cette question, même en sachant que j’étais un mauvais joueur.

- Vous cherchez … la vérité dans mes propos.

- Parfait ! Ria-t-il, brièvement. Je suis Petit Frère Faucon, je suis celui qui révèle la vérité caché en chacun de nous.

- Donc, vous ne mentez jamais ?

- Non.

Jessie ricana en croisant les bras sur sa poitrine, en voyant Petit Frère Faucon se trouvait sur une branche à la même hauteur qu’elle. Ce dernier s’en rendit compte et se mit à râler en fixant l’arbre.

- Vraiment très drôle, Yggdrasil ! Je suis mort de rire, devant ton enfantillage ! … J’aurais dût choisir un coin de l’arbre où tu n’es pas une enfant.

- Yggdrasil est une enfant ? Demanda Jessie, en touchant délicatement le bois du tronc.

- Elle l’était et l’est.

- Je ne comprends pas … soit elle l’est ou soit pas.

- Yggdrasil est une gardienne de ce monde, mais aussi, celle du temps. Elle n’est pas encore née et déjà morte. Elle est tout et rien à la fois. Nous sommes sur la cime et déjà sur ses racines. Nous sommes dans la rivière du temps qui s’écoule.

Un doux vent souffla et un rire enfantin arriva à leurs oreilles, faisant sourire Jessie et grogner Petit Frère Faucon.

- Je crois avoir compris. Ou pas. C’est étrange comme sensation.

- On s’y fait avec le temps. Lança-t-il, avec un grand sourire, mais le perdit en voyant le visage blasée de Jessie. Elle n’était pas drôle ?

- Non. Vous pouvez faire mieux, je pense. Ricana-t-elle.

- Très bien. Râla-t-il, avant de soupirer. Continuons l’épreuve, le temps passe.

- Toujours pas.

Les yeux dorés se plissèrent, contrarié.

- Je suis drôle.

- Non, Orion, tu le seras jamais…. Je… je ne voulais pas dire ça … vous n’êtes pas lui …

Le dit Orion eut un sourire mystérieux avant que le vent souffle de nouveau, dans les feuilles rouges du if, faisant rouler des yeux, le gardien.

- Je ne veux pas jouer le jeu.

- Quel jeu ?

- Le jeu que vous voulez jouer, mais que je ne veux pas.

- Soyez plus explicite, voyons. Grogna-t-elle.

- Le jeu des questions. Dit-il d’un air légèrement boudeur.

Jessie eut envie d’éclater de rire en voyant Orion, rechigné à jouer à ce jeu. Lui rappelant ses nuits blanches où Orion et elle, se racontaient des histoires pour s’endormir jusqu’au petit matin. Il était inséparable étant enfant jusqu’à que Spook apparaisse, transformant le regard de son frère adoptif.

- Je veux y jouer. Une question chacun et pas de question piège. Alors, Orion ?

Orion leva la tête, et eut un air poignant, en fixant le Skà.

- Ce n’est pas moi, qui est plus à perdre.

- Je ne perdrais pas. Je t’ai toujours battu à ce jeu-ci. Dit-elle fièrement. C’était le seul, malheureusement.

- Je crois que cette fois, il te seras difficile de gagner sans perdre ton bouclier que tu as créer avec le temps. Marmonna-il mélancoliquement. Honneur au dame. Dit-il en faisant un moulinet avec la main en la désignant.

- Je ne sais pas par quoi commencer. C’est plus compliquée pour moi, j’ai l’impression.

- Ça l’est. Croyez moi. Continua d’un ton affecté.

- Est-ce que cette épreuve peut me tuer ? Dit-elle, finalement après une minute de réflexion.

- Non.

Jessie gagna un grand sourire, assuré, tandis qu’Orion arbora un visage ombragé – il était à une branche plus basse-, faisant perdre toute victoire à la jeune femme.

- M’as-tu tué cette nuit de noël ?

Jessie hoqueta et ne put s’empêcher de répondre en balbutiant.

- … Non.

Elle était de nouveau, à la même hauteur d’Orion, qui eut un sourire sans joie.

- Pourquoi me parler encore de ce noël-ci ?

- Je veux ta vérité. Celle que tu caches et qui te ronge. Celle qui t’a rendu monstrueuse. Celle qui te fera gagner cette partie. Celle qui te fera devenir une grande chasseresse qui sauvera sûrement ce monde.

Jessie semblait être pris dans un tourbillon de sentiments, qui commença doucement à l’étouffer. Ses yeux s’embuèrent face à l’émoi que les souvenirs remontants lui procurèrent. Finalement, elle n’aimait pas ce jeu.

- Je …

- C’est à moi. Si tu ne m’as pas tuer, qui la fait ?

Jessie déglutit, bruyamment. Une larme coula sur sa joue quand elle répondit.

- Un deamon.

Elle n’était pas descendu, Orion pencha la tête, la détaillant.

- Me haïs-tu, Orion ?

- … Non.

Orion descendit d’une branche. Une seconde larme coula.

- Qui as-tué mama ?

- Le deamon.

Jessie le suivit, comme ses larmes qui envahirent ses joues. Puis, elle sentit un tiraillement vers le haut, elle leva les yeux pour distinguer à peine la silhouette de Spook.

- Est-ce que je m’éloigne de trop de Spook, il va mourir ?

- Non.

Orion descendit une branche et détourna le regard pour fixer le sol, s’approchant de plus en plus.

- L’épreuve est bientôt fini. Il reste peu de questions à poser. Réponds y parfaitement.

Jessie essuya rageusement ses joues et ses yeux pour lancer un regard de défi à Orion, qui eut un petit rictus, désolé.

- Je continue. Connaissais-tu ce deamon qui nous as tués ?

- Non … et oui.

Orion eut une petite mimique heureuse, et se releva du tronc où il était accoudés. Il frappa dans ses mains, avant de la désigner du doigt. Jessie n’avait pas bouger de sa branche, mais pendant une seconde, perdit l’équilibre qu’elle retrouva rapidement.

- Tu vois quand tu veux. La voie de la vérité est devant toi, prends la.

Jessie hocha la tête.

- As-tu souffert quand … il t’a tué ?

- Non.

Orion plongea son regard dans celui de Jessie. Il n’avait pas bouger.

- Qui était ce deamon, Jessie ?

- … Ce deamon … il … était … il était … moi.

La tête de Jessie tourna, elle se laissa glisser contre le tronc, et s’assoyait en cachant son visage contre ses jambes. Elle ressentit l’appel de Spook et le tiraillement de son éloignement était plus fort. Elle éclata en sanglots.

- Je vous ai … tous tués … parce que vous me haïssiez tous. Vous m’avez tous cracher au visage, ma monstruosité et mon fardeau … Je voulais juste vous faire peur, mais … cela ne s’est pas passé comme prévu. J’ai perdu le contrôle de mon skà. Le pire dans tout cela, c’est que j’ai ressenti de la satisfaction à chaque coups de pattes, … coups de crocs … à chaque dernier souffle.

Suis-je un monstre ?

- Non, tu ne l’es pas. Jessie, tu es humaine et une chasseuse de deamons, qui a fait une erreur.

Jessie releva son visage de nouveau en larmes.

- J’ai tuée des gens … des gens qui m’ont aimés et que j’ai aimés. Sans hésiter, je les ai tués. Vous appeler cela une « erreur ».

Orion sauta sur sa branche, pour s’accroupir à son hauteur, et lui essuyait délicatement ses joues rougies.

- Personne n’est tout blanc, ou tout noir. Tout le monde cache une part sombre dans sa vie. Même Yggdrasil.

- Même vous ?

Petit Frère Faucon eut un éclat de noirceur dans ce regard, qui fit frissonner l’humaine. Mais un cri de peur mêlée de douleur retentit d’en bas, d’en haut, et partout à la fois.

- Tu dois rejoindre tes amies. L’un d’elles est en danger. Son épreuve se passe mal. Dit-il, en se relevant et lui tendant la main qu’elle prit.

Un jappement fit revenir un véritable sourire sur le visage de Jessie, qui baissa le regard pour voir Spook à ses pieds. Un battement d’ailes la fit lever la tête pour voir Orion lui sourire.

- Suis la rivière, elle te mènera jusqu’à ton amie. A jamais, petite sœur.

- Merci Orion, petit frère. Dit-elle, en le regardant prendre son ascension, puis elle se souvient qu’elle était encore dans l’arbre. Orion, comment je fais pour descendre ? Orion ?

Spook l’appela et elle tourna la tête pour voir son Skà assis à côté d’une rivière qui s’écoula entre les racines immenses d’Yggdrasil. Elle était descendue.

- Je suis en bas sans l’être. Ria Jessie, en rejoignant son ombre.

Une bourrasque forte la poussa dans le dos, et la peur l’envahit un court instant, avant qu’elle se mette à courir sans voir la silhouette d’une fillette fait de feuilles et d’eau, disparaître après une seconde rafale.

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