Chapitre 5 - De nouveau
Je rentre chez moi un soir avec le moral dans les chaussettes, après une journée éreintante. Les jours s’étaient écoulés sans que je n’arrive à recroiser son magnifique regard ni même à l’approcher pour lui parler, et je commençais à ne plus espérer quoi que ce soit. Malgré ses souvenirs indescriptibles, je gardais en moi ce petit pincement au cœur de ne probablement plus jamais ressentir un jour cette sensation de connexion intense, d’entière satisfaction sexuelle. L’impression de ne faire qu’un avec ma partenaire. Je croyais avoir enfin trouver celle qu’il me fallait, qui me correspondait, et qui ferait mon bonheur. Et finalement…
Encore dans mes pensées, j’insère la clef dans la serrure de ma porte d’entrée, comme d’habitude. Celle-ci s’ouvre alors, sans que je n’aie le temps de faire un tour complet. Ma main reste en suspens pendant que se dévoile petit à petit mon salon dans l’entrebâillement. Ce n’est pas possible, ça recommence ! Décidemment il va falloir que je parle au proprio de cette foutue porte qui n’en fait qu’à sa tête, et qui s’ouvre sans arrêt et à n’importe qui… Mon cœur s’accélère et je jette un regard dans la pièce sombre, que seule la lumière des réverbères de la rue illumine, cherchant une présence. Rien. Mais cette fois, ma sacoche est accessible et j’en sors mon canif que je glisse discrètement dans ma poche. J’entre ensuite lentement, restant sur le qui-vive, ma main tenant mon couteau prêt à être dégainé dans le doute. J’avance encore dans le noir, mes yeux s’habituant petit à petit au manque de clarté. Mais je ne vois toujours personne. La porte se referme d’un coup derrière moi, plus vite qu’elle ne l’aurait dû. Je sursaute et me retourne brusquement en sortant mon opinel. Elle est là, la main sur la porte qu’elle vient de refermer, adossée au mur.
- Encore ?? Décidément ça devient une habitude de vouloir me blesser, me dit-elle lorsqu’elle aperçoit ce que je tiens dans la main, levant les yeux au ciel et croisant les bras d’un air vexé mais tellement sexy.
Je reste sans voix, et après un court instant de stupeur, je range très vite mon arme.
- Surprise, murmure-t-elle alors avec un sourire en coin et un regard parfaitement coquin. Je t’ai manqué ?
Je ne sais pas bien comment je dois réagir. Est-ce qu’elle se moque de moi ? Elle qui m’a ignoré copieusement pendant de nombreux jours, même lorsque je travaillais sur le même plateau qu’elle… Elle qui n’a montré aucune intention de reparler de ce qu’il s’était passé, ou juste essayé d’avoir l’air polie… Je la regarde mais ne lui rend pas son sourire. J’oscille entre la colère face à son absence totale d’attention pour moi de ces derniers temps, et la joie de la revoir enfin.
- On se tutoie maintenant ? je finis par dire sur un ton glacial, après une profonde inspiration – je n’ai pas l’intention de me laisser utiliser pour autant, et elle me doit des explications.
- Après ce que nous avons vécu ensemble, je pensais qu’on pouvait oui… me répond-elle après un court instant d’hésitation, à priori prise au dépourvu.
- Et moi je pensais que ce qui s’est passé n’avait aucune importance à tes yeux, étant donné que tu m’as complétement ignoré depuis.
- Ah tu vois qu’on se tutoie finalement ! réplique-t-elle d’un air malicieux.
- Ne joue pas à ça avec moi, lui dis-je en fronçant les sourcils.
- OK… dit-elle dans un soupir. Je constate que tu es en colère contre moi, et je le comprends. Mais je peux t’expliquer mon comportement.
- Avec plaisir, je t’écoute, dis-je en croisant les bras d’un air de défi.
- Je ne pouvais pas croiser ton regard, reprend-elle aussitôt, me coupant presque la parole.
- Ah oui ? C’est parfait alors…
- Cela m’était impossible, ajoute-t-elle précipitamment. Impossible, parce que cela aurait réveillé ce désir charnel profondément ancré en moi depuis cette nuit-là, et que cela aurait fait remonter aussi des souvenirs plus que torrides. J’aurais alors ressenti cette pulsion… et je ne sais si j’aurais réussi à me contrôler.
Elle dit cela en rougissant, presque gênée, évitant soigneusement mon regard. Elle est encore plus jolie lorsqu’elle change de couleur…
- Je n’y peux rien, tu m’attires, c’est un fait, reprend-elle avec un petit sourire. Quand je te vois, je repense à tout ce que nous avons fait, ce que TU m’as fait. Et mon corps en redemande... C’était tellement … – elle inspire profondément, comme si l’orgasme était encore en elle – Bref ! C’est pour ça que je suis là… Encore… prête à me livrer entièrement à toi de nouveau. Enfin… si tu veux encore de moi.
Elle se rapproche en me regardant d’un air désolé, comme une petite fille qui vient de se faire disputer, pourtant si sensuelle et tellement séduisante avec son regard de chien battu. Reprends-toi Alex, tu n’es pas son jouet après tout !
- Tout ça c’est bien beau, mais qu’est-ce que tu attends de moi au juste ? Tu veux que je sois ton gigolo c’est ça ? Ou ton jouet sexuel peut-être ??
- Ce que tu voudras, mais je ne peux rien te promettre de plus que du sexe… Tout ce que je sais, c’est que je ne peux pas te résister. Cette pulsion, cette excitation que tu provoques en moi… Je n’arrive même pas à m’en cacher, et c’est pour ça que je t’ai évité ces derniers temps. – Elle hésite – Je veux juste… pouvoir y goûter à nouveau, car personne ne m’a jamais donné autant de plaisir. C’était incroyable, j’ai totalement lâché prise à ce moment-là… J’aimerai tellement revivre ça. – un bref silence, puis reprenant son air aguicheur – Et je sais que toi aussi tu aimerais…
Je ne sais plus quoi faire, quoi penser… Ses mots flattent ma fierté, et en même temps… Est-elle encore en train de jouer un rôle ou est-elle sincère ? Est-ce que je dois me laisser tenter et profiter des moments que je peux avoir avec elle, ou va-t-elle jouer avec mes sentiments pour mieux me jeter ensuite comme un vulgaire mouchoir ? Est-ce que je serais juste un homme parmi tant d’autres dans sa vie, ou a-t-elle réellement ressenti la même chose que moi lorsque nous faisions l’amour, au point qu’elle souhaite aller plus loin ? Tout s’embrouille dans ma tête… et son parfum qui emplit mes narines commence à me faire chavirer. Je dois réagir.
- Donc tu veux recommencer. Très bien, lui dis-je, toujours les bras croisés. Et tu comptes faire ce petit manège à chaque fois qu’on va se revoir alors ? Non parce que, autant que je m’y prépare dès maintenant tu vois, ça m’évitera d’attendre bêtement.
- Je sais ce que tu attends de moi, mais c’est impossible, me soupire-t-elle. Je ne peux pas me permettre de m’afficher ouvertement avec toi, notre relation doit rester secrète. Et tu devrais le savoir mieux que quiconque. Après tout, tu pourrais risquer ton job si quelqu’un venait à l’apprendre. On ne doit pas se fréquenter en dehors d’ici, et on doit être bien d’accord là-dessus si tu veux que ça continue entre nous.
Elle a raison et je le sais. Pourtant… Et d’un coup, je me souviens d’une chose qui vient contredire ces propos.
- Mais au fait… Ça ne t’a pas empêché de m’embrasser devant trois personnes dans l’ascenseur, il me semble. Dans le genre « secret d’état », on fait mieux, non ?
- C’est vrai… dit-elle en esquissant un sourire amusé. Mais je ne m’attendais pas à ce que tu répondes à mon baiser. Et encore moins à ce que tu me fasses cet effet-là ! Mon attirance pour toi est plus forte que ce que je ne pouvais l’imaginer. C’est physique, je ne peux pas contrôler cette envie irrépressible de t’embrasser, de sentir ta peau…
En disant cela, elle se rapproche encore, plus féline que jamais, et je sens son souffle chaud qui s’accélère à mesure que nos corps s’attirent de nouveau comme des aimants. Le désir est bien là pour moi aussi, l’électricité entre nous est plus forte encore. Elle doit le ressentir également, car son regard se plonge dans le mien et mes dernières barrières vacillent.
- Alors ? me susurre-t-elle enfin, à quelques millimètres de mes lèvres. Tu en dis quoi ? Tu en as envie aussi ou pas ?
Elle pose ses mains sur mon torse, et ses doigts glissent le long de mon t-shirt vers ma ceinture, et s’en est fini de moi. Bon… Le constat est clair : A l’évidence, je ne peux pas lui résister, moi non plus.
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Encore un moment torride avec elle. La passion ne s’est absolument pas atténuée et je ne m’en lasse pas. C’était toujours aussi fort et intense, si ce n’est plus encore que la première fois, car je connais désormais ses points sensibles. Nous sommes étendus tous les deux sur le sol après avoir baptisé le salon dans ses moindres recoins, nus et encore humides de sueur.
- Purée… souffle-t-elle, hors d’haleine et un large sourire aux lèvres. C’est tellement bon…
Elle rayonne de plaisir, un air de plénitude figé sur son visage radieux. Elle s’est de nouveau complétement abandonnée à moi et j’ai retrouvé son corps avec délice, comme une offrande qu’elle m’a donné. Dans ces moments-là, elle paraît presque vulnérable, et j’ai encore plus envie de la cajoler, de l’enlacer, de la protéger. Je voudrais tout donner pour qu’elle soit au comble du bonheur et qu’elle se sente totalement bien, en sécurité.
J’ai remarqué que lorsque nous sommes en action, je n’ai plus la même femme en face de moi : Elle n’est plus l’actrice Natalia Johansson, cette femme forte et sûre d’elle, parfaite et sans défauts. Elle est juste elle-même : Une femme. D’une extrême beauté certes, mais une femme comme une autre, une humaine avec ses envies, ses pulsions, ses désirs… ses fragilités et sa sensibilité aussi. J’adore cette sensation, j’ai l’impression d’être le seul à la connaitre comme ça, naturelle. Cela flatte mon orgueil il faut l’avouer, car d’une certaine manière cela prouve qu’elle me fait assez confiance pour se mettre à nu, en me donnant son être tout entier tel qu’il est, sans fioritures et sans faux semblants, avec ses failles et ses faiblesses. J’ai envie que cela ne s’arrête jamais, d’être son Apollon, car je vois bien qu’elle est pleinement satisfaite et que je lui donne un max de plaisir. Mais je ne suis pas dupe pour autant et je garde les pieds sur terre : Tout ceci aura une fin. Car comme elle le dit si bien, notre relation restera secrète et ne sera jamais dévoilée au grand jour. La passion pourrait donc très bien s’atténuer avec le temps, qu’en sais-je ? Je ne peux rien espérer de plus que ces moments occasionnels de pur plaisir partagé.
J’ai cependant décidé d’accepter son deal et de la revoir autant qu’elle le souhaitera, peu importe ce que cela fera de moi, tant qu’elle me permet de pouvoir encore ressentir ce sentiment de plénitude absolue en profitant de son corps de rêve. Tant pis si je passe pour son gigolo ou son sexfriend, tant pis si elle se sert de moi et qu’elle m’ignore copieusement la journée, je veux juste pouvoir la serrer contre moi et sentir le désir l’envahir encore. Tant pis si je ne sais jamais à l’avance ni quand ni comment nous allons nous revoir, je sais déjà que ces instants seront les plus merveilleux que j’aurais l’occasion de vivre. Et une opportunité pareille, il faudrait être stupide pour s’en priver, pas vrai ?
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