Chapitre 10 – La Jalousie

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J’ai eu pas mal de questions en tête après cette conversation au sujet de ses ex et de notre façon de se considérer l’un l’autre. Il m’arrive encore de me demander ce qu’elle envisage pour la suite, et comment elle nomme notre relation actuelle : En couple – mais caché évidemment – ? Sexfriend ? Amis ? Quel est le terme qu’elle pourrait bien utiliser pour me qualifier ?

Nous n’avons cependant jamais reparlé de ce sujet, et je me contente de profiter de chaque moment en sa compagnie comme si c’était le dernier : moi, éperdument amoureux d’elle, et elle, à priori satisfaite de cette situation. Même si ces questions me reviennent en tête parfois, je suis le plus heureux des hommes lorsque je suis avec elle. Nous continuons de nous voir quasi tous les soirs en catimini, et j’ai vraiment l’impression de vivre avec elle comme un couple « normal » malgré tout. Je pense que cela doit lui convenir également, car nous avons l’air plutôt bien ensemble. Et cela se ressent sur notre quotidien à tous les deux : Nous sommes plus sereins, plus enjoués surtout, y compris au travail. Les journées défilent plus vite quand je sais que je pourrais la serrer dans mes bras en rentrant chez moi, car il y sera forcément maintenant.

Est-ce qu’on peut dire que je suis épanoui ? Oui ! Complètement même ! Car ces soirées merveilleuses en compagnie de la femme la plus incroyable que je connaisse font de moi l’homme le plus chanceux de la terre. Je suis donc plus réjoui et plus souriant et cela se ressent au boulot également. Je travaille dans la joie et la bonne humeur car je pense à elle tout le temps. Il m’arrive d’ailleurs souvent de siffloter de bonheur !

 Ce qui n’a pas échappé à Jason. Même s’il a depuis longtemps lâcher l’affaire sur le fait d’essayer de me surprendre avec celle qui me rend visiblement heureux, et que je ne le trouve quasiment plus jamais caché dans les buissons ou derrière les voitures de ma rue, je constate que sa bonne humeur à lui est fortement influencée par la mienne, en proportions inverses : Plus je parais joyeux, et plus il semble contrarié. Ce qui l’amusait auparavant ne semble plus avoir autant d’effet sur sa joie de vivre, et ses petites taquineries – qui visaient clairement à me rendre jaloux avec son palmarès impressionnant de conquêtes féminines – n’ont plus l’air de le satisfaire autant. De toute manière, ses provocations m’importent peu, et encore moins maintenant que je suis parfaitement comblé, aussi bien dans ma vie quotidienne que dans ma vie sentimentale et intime. Car c’est bien ça le problème pour lui : Que je me sente bien plus rassasié que lui, et surtout sur le plan sexuel ! Lui qui se prend pour un Apollon arrivant à mettre n’importe quelle femme dans son lit, paraît pourtant moins tonique que le pauvre petit technicien intérimaire qu’il pensait dominer. Et pour se redonner un peu de prestance, il me demande régulièrement si ma nuit a été follement torride, espérant probablement à chaque fois que je lui réponde autre chose que « oui, merci » avec un grand sourire. D’autant que ma joie est apparemment contagieuse, et que certains collègues, femmes y compris, apprécient de plus en plus de travailler avec moi, à son plus grand regret. On dirait même que bizarrement mon épanouissement personnel attire encore plus la gent féminine qu’avant, ce qui vexe irrémédiablement l’égo de Jason. Je le vois souvent, lorsqu’une jeune femme vient me voir et que nous parlons ou blaguons ensemble – sans arrière-pensées toutefois, en tout cas pour ma part bien évidemment – qui fulmine et me regarde d’un air mauvais. Pour peu que la charmante demoiselle en question ait été l’une de ses anciennes conquêtes ou une tentative infructueuse, alors il me fusille littéralement du regard ! Et je pense que cela participe également à ma bonne humeur personnelle.

 Seulement, il n’est pas le seul à me regarder de travers dans ces cas-là. L’autre jour, pendant que je travaillais à l’installation d’une énième caméra pour les différentes prises de vue de la journée, je discutais et blaguais avec une collègue décoratrice sur le plateau, dans la même pièce que Naty qui devait tourner une scène ce jour-là. Apparemment, elle aussi a eu une envie soudaine de me tuer sur place ! J’étais un peu surpris de croiser son regard étonnamment noir et glacial, même si d’un côté je trouve cela plutôt encourageant, car ça signifie qu’elle tient assez à moi pour faire preuve de jalousie. J’avoue cependant qu’à cet instant, j’ai surtout craint qu’elle ne fasse une chose qui pourrait nous griller tous les deux… Du coup, je me suis dit que désormais, après avoir bien rit avec une collègue femme, si j’aperçois ses yeux révolver rivés sur moi, je devrais absolument chercher une astuce pour me rapprocher d’elle et lui susurrer à l’oreille un petit mot doux. Ou que j’essaie de l’effleurer tendrement, ou de lui faire un petit clin d’œil discret, un sourire, n’importe quoi afin de lui montrer qu’il n’y a qu’elle qui occupe mon esprit – et mon cœur aussi, mais ça je ne lui ai pas encore dit. Ce que j’ai réussi à faire ce jour-là, après avoir à priori réveillé son ressentiment envers la jeune décoratrice de plateau. J’ai trouvé l’excuse d’un câble qui passait comme par hasard près d’elle et qu’il fallait que je bouge. Elle était en train de discuter avec le scénariste au sujet d’une réplique, et lorsque je leur ai demandé poliment de se décaler sur le côté, j’ai moi-même créé son déséquilibre en relevant malencontreusement trop vite le câble au niveau de sa cheville. Je l’ai alors rattrapé au vol par la hanche en me confondant en excuses. Mais ce contact suivi d’un petit sourire complice ne lui a pas échappé, et elle s’est alors détendue, m’a souri en retour et le reste de la journée s’est déroulé normalement. Enfin… C’est ce que je pensais.

 Je rentre donc tranquillement chez moi le soir, pensant cette petite mésaventure loin derrière nous. Je referme ma porte qui n’était pas verrouillée, signe qu’elle est bien présente dans la maison. Puis je tire les rideaux afin que personne ne puisse l’apercevoir et surtout la reconnaitre à travers les fenêtres, tout en faisant notre signal – un petit air que nous sifflotons. Mais personne ne vient me rejoindre dans la pièce, contrairement à d’habitude.

- Natalia ? Tu es là ?

Aucune réponse. J’entends pourtant du bruit dans la maison, et je finis par la trouver dans la cuisine, affairée à préparer à manger. La table est mise, mais je sens comme une légère tension dans sa posture et ses gestes. Je m’approche derrière elle, passe une main autour de sa taille et l’embrasse tendrement sur la joue, sans qu’elle ne réagisse.

- Ça va bébé ? lui dis-je doucement.

- Hum. Me répond-elle simplement, d’un ton sec.

- … Okaayy… Bon… Bah… Je vais aller me doucher alors. Parce que ça sent bon ici ! Et je ne voudrais pas faire attendre ce bon repas préparé par ma petite femme ch…

- Oui oui, bah vas te laver alors ! M’interrompt-elle d’un ton cassant.

J’en reste bouche bée de stupeur. Son ton abrupt me fige sur place, et je la regarde d’un air interrogateur, les yeux écarquillés, alors qu’elle me tourne ostensiblement le dos.

- Euh… finis-je par réussir à dire après un bref instant. Il y a une problème ma belle ?

- Non. Absolument pas. Pourquoi voudrais-tu qu’il y ait un problème ? Tout va bien après tout, dit-elle toujours sur le même ton agressif en continuant de m’ignorer.

Je vois à sa manière de bouger que ça ne va pas du tout, au contraire.

- Bon, tu m’expliques ce qui ne va pas ou je vais devoir te tirer les vers du nez ? lui dis-je en croisant les bras.

Elle claque bruyamment ses ustensiles de cuisine sur le plan de travail avant de se retourner brusquement, et je croise enfin ses yeux qui me transpercent alors. Elle paraît furieuse, et je sens qu’elle n’est pas du tout d’humeur à plaisanter.

- Tu te fous de moi ? Tu me demandes vraiment ce qui ne va pas ?? T’es sérieux ?? me dit-elle, visiblement contrariée.

- Euh… Bah oui je suis très sérieux oui… Attends calme-toi, je n’comprends pas là… je balbutie, complètement perdu et déstabilisé.

- Ah OK, donc pour toi il n’y a aucun problème, donc ! s’énerve-t-elle de plus en plus, sans que je ne sache comment enrailler sa colère qui grandit à mesure que son teint s’empourpre, n’en comprenant pas la cause.

- Bah non, moi j’ai pas de problème en fait… mais toi visiblement si. Donc dis-moi au lieu de t’énerv…

- Donc pour toi, draguer une meuf devant moi c’est pas un problème ?! me coupe-t-elle sèchement en haussant le ton.

Nous y voilà ! C’est donc ça son problème ! Elle est donc bien jalouse ! Le cœur en fête, je soupire pour relâcher la pression et je commence à rire de soulagement.

- ET ÇA TE FAIT RIRE EN PLUS ?! me rugit-elle dessus, furieuse.

- Non mais attends, calme-toi ! Ecoutes-moi au moins ! je lui rétorque gentiment en me rapprochant d’elle, essayant de calmer la situation.

Elle se raidit à mesure que je m’approche, et je sens qu’elle lutte intérieurement pour ne pas se laisser attendrir malgré elle. Je sens son souffle s’accélérer et son pouls augmenter, elle me fixe dans les yeux d’un air menaçant mais je lis en elle un semblant de désir charnel plutôt qu’une réelle colère. Je prends ses mains délicatement avant de commencer mon réquisitoire.

- Bon, écoutes, je vais t’expliquer. Je ris parce que je suis soulagé. Je m’attendais à un reproche énorme, une vraie bêtise que j’aurais pu faire sans m’en rendre compte.

- Ah parce que ce n’est pas une bêtise ça pour toi ?? tente-t-elle encore de se défendre en se libérant de mes doigts vivement, encore contrariée.

- Si, enfin non, pas vraiment en fait… Comment dire ? Dans la mesure où je n’ai absolument rien fait de ce que tu me reproches, non ce n’est pas une bêtise ! je lui dis en souriant et en reprenant ses mains dans les miennes. D’abord, je ne draguais et ne draguerai personne d’autre que toi, saches-le. Tu es la seule qui occupe mes pensées, la seule qui illumine ma journée et que j’ai sans arrêt envie de prendre dans mes bras. – elle veut intervenir, mais je la coupe – Et ce n’est pas parce que je parle avec une fille que je la drague forcément ! On ne faisait que discuter, et tu me connais je suis d’un naturel avenant et j’aime amuser la galerie, alors bien sûr j’ai dû la faire rire avec une petite blague. C’était totalement innocent. Mais ne t’inquiètes pas, je trouve ça plutôt mignon en vérité.

- De quoi ?? me répond-elle en levant un sourcil.

- Bah que tu sois jalouse !

- Pffff n’importe quoi, j’suis pas jalouse d’abord, réplique-t-elle, visiblement prise en flagrant délit, en croisant les bras et tournant la tête, vexée.

- Oui non c’est vrai, là tout de suite comme ça, tu n’as pas du tout l’air jalouse, mais pas du tout ! lui dis-je en souriant d’un air moqueur.

Je ris de bon cœur lorsqu’elle me fait sa petite moue boudeuse, puis je l’enlace par la taille avant de lui faire des bisous dans le cou. Elle se débat en souriant malgré elle, essaie de me repousser, mais ses yeux disent le contraire de ses gestes lorsque je plonge enfin mon regard dans le sien. Je la chatouille un peu en continuant mes baisers, et elle finit par craquer. Elle passe alors enfin ses bras autour de mon cou, avant de m’embrasser tendrement.

- Tu ne la draguais vraiment pas ? me demande-t-elle ensuite, toute penaude.

- Bien sûr que non voyons ! Il n’y a que toi que je désire, tu devrais le savoir maintenant, je lui réponds d’un air bienveillant.

Elle semble hésiter, puis me sourit en me caressant les cheveux, d’un air fragile.

- Mais elle… elle te draguait un peu, non ?

- Je n’en sais rien, peut-être… je lui réponds un peu agacé par son manque de confiance en moi. Et en vérité je m’en fiche complètement. Je te le répète : je ne faisais que discuter et pour moi en tout cas, c’était en tout bien tout honneur, sans arrière-pensées.

- Excuses moi… C’est juste… enfin je veux dire… je n’aime pas quand tu parles et que tu rigoles avec une autre femme. Ça me rappelle que moi je ne peux pas faire ça avec toi… pas en public du moins…

- Je comprends, et je ressens la même chose quand c’est toi qui en fait autant avec un de tes collègues masculins, tu sais. On appelle ça de la jalousie, Naty. Mais c’est pas grave hein ! C’est même mignon, je prends ça comme un compliment ! je lui réponds en souriant.

Elle rougit et baisse les yeux.

- Qui dit « jalousie » dit forcément… commence-t-elle à me dire d’un air gêné, en froissant mon col de t-shirt entre ses doigts.

- … « sentiments » ? je tente pour finir sa phrase en suspens.

Elle rougit encore plus, relève la tête et plonge ses yeux dans les miens, comme si elle cherchait la réponse dans mon regard. Mon cœur chavire. Se pourrait-il qu’elle pense la même chose ?

Et soudain, sans prévenir, elle lâche mon regard et se retourne pour reprendre sa préparation, comme si de rien n’était, en me tournant de nouveau le dos.

- Si tu veux prendre ta douche, fais-le rapidement alors, parce que c’est bientôt prêt ! me lance-t-elle sur un ton enjoué.

Alors je décide de ne pas insister et de partir à la salle de bain, en ayant cependant la sensation qu’elle avait bien plus à me dire, et que le sujet est loin d’être clos.

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