Chapitre 14 – Jeu d’Acteurs

9 minutes de lecture

Ainsi commença notre petite combine. Evidemment, j’avais informé Natalia le soir même de l’accord avec Sophie, pour qu’elle ne soit pas surprise de nous voir plus proches que d’habitude au travail – et qu’elle ne me refasse pas une crise de jalousie surtout.

Ce n’était pas trop difficile de se rapprocher pour Sophie et moi, car nous étions déjà dans une relation plutôt amicale auparavant, et nous nous sommes toujours très bien entendu depuis son arrivée dans mon service, surtout sachant qu’on se connaissait un peu d’avant. Il est également facile de penser que je puisse m’intéresser à elle dans la mesure où c’est une femme plutôt charmante et séduisante. Aussi, ce petit jeu ne nous paraît finalement pas très contraignant, d’autant que nous sommes tous deux du genre tactile, ce qui permet de laisser planer un doute supplémentaire sur la nature de notre relation. Nous accentuons d’ailleurs certaines manières et certains gestes, comme une main sur l’épaule qui se transforme un peu en caresse, ou un regard un peu plus intense suivi d’un petit sourire aguicheur pour donner l’impression d’une complicité plus importante. Et ce, encore plus lorsque Jason est dans les parages !

 Peu de temps après cette décision, à la machine à café, alors que celui-ci passait derrière moi, Sophie m’a subitement pris la main pour la caresser au niveau des doigts délicatement, en me demandant si j’avais encore mal après notre mésaventure de l’échelle. Elle badinait légèrement en plus, comme si elle me draguait, et je compris aussitôt que notre colporteur préféré devait se trouver tout près. J’ai alors fait de même en caressant doucement le dessus de sa main avec mon pouce, avant de lui répondre avec un petit sourire ravageur que je ne sentais plus rien.

Le lendemain, en passant devant la salle où Jason travaillait, je m’arrêtais juste devant l’embrasure de la porte pour murmurer quelques mots à l’oreille de Sophie, avant de sourire et de lui prendre la main pour la tirer derrière moi, lui pressant le pas pour continuer notre chemin en ricanant bêtement comme deux adolescents.

Le matin, elle m’attend désormais devant la machine à café avec mon gobelet, et affiche un large sourire lorsqu’elle m’aperçoit enfin arriver, d’un air enthousiaste. Notre bise est un peu plus appuyée qu’avant, afin que cela puisse éventuellement passer pour un bisou sur la joue plus intime. J’ai même parfois l’impression qu’elle se rapproche de plus en plus de ma bouche volontairement !

Au déjeuner, le midi, nous faisons exprès de rigoler ensemble assez fort pour paraître suspects, de manière plus que complice. Nous mangeons serrés l’un à côté de l’autre en regardant des vidéos sur nos smartphones et en rigolant, épaule contre épaule. Je raconte aussi des blagues qui ne sont pas forcément très drôles, mais elle explose à chaque fois d’un rire forcé, comme s’il s’agissait de la meilleure blague de l’année. Elle pose parfois une main sur mon bras dans ces moments-là, pour ajouter une touche d’intimité.

Dans la journée, je la complimente avec des petites phrases bateaux, du style « Tu es très belle aujourd’hui », et elle me répond « merci » en minaudant comme une gamine de quinze ans. Par moment, je lui remets une mèche de cheveux en place, et elle me sourit d’un air aguicheur, ses magnifiques yeux imitant à la perfection un regard langoureux. Il arrive aussi de plus en plus souvent qu’elle s’appuie sur mes épaules ou qu’elle m’enlace lorsque je suis accroupi, en train de brancher des câbles par exemple, ou qu’elle passe sa main sur ma nuque – dans une caresse qui me donne parfois des frissons je dois l’avouer – lorsqu’elle passe derrière moi. Nous faisons également attention de se passer la main au niveau de la taille le plus régulièrement possible, et ce bien en évidence évidemment.


 Le résultat ne se fit pas attendre très longtemps, et la rumeur de notre probable histoire d’amour a vite fait le tour du studio. Lorsque nous nous retrouvons à deux, Sophie et moi, nous en rions, se racontant en se moquant les regards en coin que nous constatons parfois en croisant des collègues. Certains nous font des sourires entendus, croyant instaurer une petite complicité concernant notre proximité. D’autres nous observe de loin, en toute indiscrétion, pensant peut-être nous surprendre en plein baiser passionné. Mais pour le moment, nous n’en sommes qu’au prémisse de notre supposée relation, et nous nous contentons de petits gestes. Et je raconte tout ça le soir à ma bien-aimée, la vraie cette fois !

- Tiens on a croisé Mickael cette après-midi, je lui dis ce soir-là dans le lit, après un coït encore une fois très torride. Il nous a dévisagé comme si c’était la première fois qu’il nous voyait travailler à deux, Sophie et moi. C’était assez drôle !

- Et il vous a dit quelque chose ?

- Bah pas sur le coup, mais après je l’ai revu aux toilettes, et il m’a demandé si ça aller. Alors je lui ai dit oui, et il m’a regardé d’un air chelou en me disant « Ouais, ouais… Je m’en doute bien ouais… », je lui réponds, avant d’en rire avec elle.

Je suis content de constater qu’elle semble accepter notre petit jeu, à Sophie et moi. Elle ne montre aucun signe de jalousie, et nous fait totalement confiance, ce qui est encourageant. Comme je lui raconte tout, elle a compris qu’il ne s’agissait que d’une comédie et non d’une réelle séduction. Nos soirées sont toujours aussi mouvementées et intenses, ce petit manège n’a absolument rien changé à notre intimité. Parfois, j’aimerai quand même pouvoir révéler l’identité de celle qui comble mon cœur à Sophie, pour que nous puissions en parler librement tous les trois sans aucun tabou. Mais je sais que cela pourrait s’avérer dangereux pour mon couple. Et oui, je parle de nous en ce terme désormais, car c’est vraiment l’impression que cela me donne, et c’est tellement agréable ! Je suis le plus heureux des hommes dans ses bras, même si cela me demande beaucoup de discrétion et d’introspection.

- Ah au fait, tu sais quoi ? ajoute Naty après réflexion. Tu sais Emma, ma pote actrice ? Eh ben elle a constaté aussi ton petit manège avec Sophie.

- Ah ouais ?

- Oui. Et comme je lui avais un peu avoué mon attirance pour toi l’autre coup, bah elle est venue me dire tout de suite que tu avais l’air vachement proche d’une autre, pour pas que je me fasse d’illusions qu’elle m’a dit.

- C’est plutôt une bonne nouvelle, comme ça elle n’aura plus de doute sur nous deux au moins ! je lui réplique d’un air satisfait. Elle t’embêtera plus avec ça, c’est mieux non ?

Natalia acquiesce avec un sourire entendu, et je l’embrasse avec passion, avant de l’enlacer de nouveau pour sentir la chaleur de son corps contre le mien. Nous passons le reste de la soirée comme d’habitude, lancés dans nos échanges sexuels intenses et forts, plus sereins désormais.


 Finalement, mon rapprochement avec Sophie se fait naturellement, et nos gestes tendres deviennent banals entre nous. Tout comme les mots doux ou les surnoms affectueux que nous nous lançons sans réfléchir. Elle est devenue « ma chérie » et moi « son doudou », sans quiproquos ni malaise. En vérité, notre petit jeu de séduction nous a permis de renforcer notre amitié, et il arrive même qu’on se parle de choses plus intimes et personnelles en toute confiance. Je n’ai cependant toujours pas l’intention de lui révéler l’identité de ma véritable relation pour autant, car cela ne me concerne pas moi uniquement, et je suis quasiment certain que Natalia refuserait. Même si je sens bien que Sophie aimerait bien savoir.

- Dis-moi mon Doudou… me dit-elle un midi, entre deux bouchées de son repas. Tu me le diras un jour ?

- De quoi ?

- Bah… Qui elle est en vrai. Me dit-elle avant de reprendre une nouvelle bouchée.

- Qui ça ? je feinte de ne pas comprendre.

- Tu sais très bien de qui je veux parler, ne fais pas semblant, insiste-t-elle, l’air blasé. Je commence à te connaître Monsieur Paleton, je sais reconnaître quand tu évites un sujet volontairement !

- Je ne peux pas te répondre… je lui dis en reportant mon attention sur mon plat. Ça ne dépend pas que de moi. Et ça pourrait être dangereux pour nos carrières respectives en plus…

Et voilà… J’en ai encore trop dit. Elle se fige et plonge ses yeux dans les miens pour me fixer d’un air surpris, stoppée dans sa mastication.

- Ah ouais ? s’exclame-t-elle. Carrément ??

- Oui, enfin… Bref ! Je ne peux rien te dire, c’est comme ça.

- Ouais enfin merde quoi, tu pourrais me mettre dans la confidence quand même… Après tout, je t’aide en te donnant un alibi je te rappelle ! s’insurge-t-elle un peu vexée.

- Oui je sais, et je t’en remercie. Elle aussi d’ailleurs, elle te remercie. Mais vraiment je ne peux rien dire, je t’assure. C’est trop compliqué et trop dangereux pour elle comme pour moi...

Sophie me regarde d’un air suspicieux en fronçant les sourcils. Elle ne semble pas très convaincue par mes vagues explications, et je constate qu’elle prend ensuite sa petite moue aguicheuse, avec ce regard intense qui a la faculté de me faire fondre. Lorsqu’elle me fixe ainsi, j’ai beaucoup de mal à lui résister, et je finis toujours par craquer. Je ne dirais pas qu’il s’agit là d’une forme d’attirance, comme celle que je peux ressentir avec Natalia, mais sa façon de me regarder est déstabilisante et me donne l’impression de me transpercer. Ses yeux bleu azur sont si profonds qu’on s’y noierait presque, et cela rendrait fou n’importe quel homme sensé. Je comprends maintenant comment elle obtient les faveurs de ses conquêtes aussi facilement.

- Arrêtes de me regarder comme ça, je finis par lui soupirer, en levant les yeux au ciel.

- Quoi ? Je ne fais rien !

- Si, tu me fixes là…

- Bah non ! Quoi ? J’ai plus le droit de te regarder maintenant ?? me rétorque-t-elle avec un air malicieux, feintant la vexation.

- Tu sais très bien de quoi je parle… Tu essaies de m’amadouer… je lui réponds d’un air blasé.

- Et ça fonctionne ??

Je soupire fortement et elle comprend aussitôt. Elle me sourit d’un air triomphant et attend le dénouement de son petit stratagème destiné à me faire parler en positionnant son visage entre ses mains, ses coudes appuyés sur la table. Je sens toujours son regard fixé sur moi, et j’évite copieusement de rentrer dans son jeu.

- Non mais vraiment, je t’assure que je ne peux VRAIMENT rien te dire ! N’insiste pas…

- Bah donnes-moi des indices au moins !! C’est dangereux pourquoi ? C’est quelqu’un de célèbre c’est ça ??

Je soupire et regarde autour de moi pour surveiller que personne ne peut nous entendre. Je reporte mon attention sur mon repas, mais mon manque de démenti confirme ses dires. Elle écarquille les yeux de stupeur.

- Sans déc’ ?! Bah mon vieux !! T’as mis le grapin sur une célébrité en plus ?! Mais t’es un tombeur en fait !!!

- Chuuuut ! Je l’interromps rapidement en baissant la voix et en me rapprochant d’elle. T’es pas obligé de le crier sur tous les toits… C’est arrivé comme ça, j’ai rien prémédité… D’ailleurs c’est même pas moi qui est fait le premier pas… Pis j’étais aussi étonné que toi que ce soit réciproque, crois-moi ! Mais ‘fin bon bref… Voilà, tu en sais déjà trop, c’est tout maintenant… Je ne dirais plus rien !

- OK OK. Je n’insiste plus. Mais je comprends mieux pourquoi tous ses mystères ! Au moins, je sais à quoi je sers maintenant, me répond-elle avec un clin d’œil.


 Depuis cette conversation, Sophie est plus détendue avec moi, et notre petit jeu de séduction s’en trouve encore plus fort. Une réelle complicité existe désormais entre nous, car nous partageons cette confidence qui explique mon besoin d’un alibi à ses yeux. Nous devenons donc plus proches encore, tant au niveau gestuel qu’en paroles. En accord avec Naty, nous sommes d’ailleurs passé à la vitesse supérieure, passant de simples caresses à de réels câlins plus accentués, de petites bises manquées à de vrais bisous tendres qui arrivent à n’importe quel moment de la journée. Pour nous, il ne s’agit que de gestes affectueux en toute amitié, comme un frère pourrait prendre sa petite sœur dans les bras par exemple, ou comme deux bons amis pourraient s’enlacer ou s’embrasser pour montrer leur attachement l’un envers l’autre.

Mais pour les autres, c’est totalement autre chose !

Annotations

Vous aimez lire Mushu80 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0