Chapitre 33 – Confrontation

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Pris un peu en tenaille, tous les regards tournés vers moi, j’obtempère et me laisse guider par Natalia et Nicolas jusqu’à sa loge. Le trajet se fait en silence, personne n’ose dire un mot. Une fois arrivés, son manager lui indique qu’il va appeler le médecin en urgence. Elle le remercie et prend congés, me laissant entrer en premier avant de me suivre de près.

J’observe sa loge d’un air intrigué. C’est bien la première fois que je rentre dans ce genre de pièce. C’est très lumineux, même s’il s’agit d’une lumière artificielle. Contre le mur face à la porte, se dresse une large coiffeuse, entourée d’une multitude de petites lumières de couleur jaune. Devant, un fauteuil style Louis XVI trône, attendant qu’on s’y installe confortablement. A droite, un portant sur lequel est entassé les différents costumes pour le tournage du film et autres tenues de gala. Chacune est étiquetée avec minutie. A gauche, un grand canapé rouge orné de nombreux coussins qui me paraissent bien moelleux. Je suis à bout de force, et ce divan m’appelle grandement…

Elle referme la porte et j’ai à peine le temps de me retourner qu’elle se jette dans mes bras pour me serrer fort contre elle. Je manque de m’écrouler, et me retiens de justesse à la coiffeuse derrière moi, l’enlaçant finalement à mon tour. Je retrouve son odeur et m’en imprègne de nouveau avec délectation, même si je sais qu’il ne s’agit que d’une réaction sous le coup de l’émotion. Et puis, d’un coup, je sens qu’elle est prise de secousses : Elle sanglote. Je m’écarte d’elle et constate qu’elle est effectivement en train de pleurer, de chaudes larmes coulant le long de ses joues rosies.

- Pourquoi pleures-tu ? je lui demande, en essuyant une goutte sur sa peau si douce.

- J’-J’ai eu si peur… J’ai cr-cru qu’on allait m-mourir…

- Oui… Moi aussi, pour être honnête… Mais tout va bien maintenant, c’est fini.

- Oui… Oui… Dé-désolée… Ce sont les nerfs qui lâchent…

Puis elle me reprend vivement dans ses bras et me serre plus fort, que j’ai l’impression que ses ongles vont finir incruster dans mon dos.

- J’ai vraiment eu peur… me dit-elle ensuite, en desserrant son étreinte pour plonger ses yeux dans les miens. Et toi, tu as été si brave !

Elle essuie ses larmes d’un revers de main, avant d’ajouter :

- Sans toi, j’aurais fini écrasée sous les décombres. Je te dois la vie !

- Tu ne crois pas que tu exagères un peu ?

- Bien sûr que non, et tu le sais bien ! Tu as été le seul à venir à mon secours, c’est incroyable tout de même !! Pas un seul n’a levé le p’tit doigt pour moi. Personne ne s’est inquiété de savoir si j’étais descendue de la structure, tu te rends compte ?! Je suis littéralement outrée par leur comportement !! Ils détalaient tous comme des lapins, il n’y en avait que pour leur peau ! C’était chacun pour soi et Dieu pour tous, quoi !! J’étais là-haut, coincée comme une conne… Et personne ne s’en souciait !

Sa colère monte à mesure qu’elle se remémore l’accident. Elle tourne en rond en vociférant et gesticulant, comme un lion en cage.

- Que s’est-il passé d’ailleurs ? je lui demande, essayant de la ramener au calme.

- Mon baudrier est resté coincé, la boucle ne voulait pas s’ouvrir. J’avais beau tirer dessus, rien à faire. Alors j’ai voulu me détacher des câbles, mais le mur a commencé à tanguer et j’ai perdu l’équilibre. Je me suis retrouvée suspendue dans le vide, à me cogner contre la paroi… Je ne savais plus quoi faire pour m’en sortir… A ce moment-là, j’ai cru que j’étais perdue… Et la seule personne à qui j’ai pensé… C’est toi.

Elle plonge à nouveau ses yeux magnifiques dans les miens, avec intensité, avant de continuer.

- Quand je t’ai vu au loin… j’ai su que j’étais sauvée. Je sais que je peux toujours compter sur toi, j’ai une confiance aveugle. Alors je savais que tu viendrais à mon secours et que tu ne me laisserais pas tomber. Et c’est ce que tu as fait ! Mon héros !

Puis elle attrape mon visage et m’embrasse avec fougue, me prenant au dépourvu.

- Oula, je lui rétorque après m’être dégagé de ses lèvres, la repoussant rapidement par les mains. Tu me fais quoi là ?

Surprise, elle me fixe droit dans les yeux d’un air incrédule, et s’éloigne de moi à reculons, presque effrayée par la froideur de ma réaction.

- C’est quoi cette histoire ? j’ajoute aussitôt. C’est une blague ? Je croyais que tu ne m’aimais plus ! Tu te souviens ? Tu es venu me larguer comme une vieille chaussette un soir parce que soi-disant tu avais trouvé quelqu’un d’autre.

- Oui… C’est vrai… J’ai dit ça…

- Alors c’est quoi ce délire ? Pourquoi tu m’embrasses maintenant ??

- Je… C’est… Cet accident… Ça m’a permis d’ouvrir les yeux… Sur toi… Enfin sur nous, je veux dire… bafouille-t-elle, gênée.

- Comment ça ? Je n’comprends plus rien… je rétorque en me frottant les tempes.

- Il n’y a jamais eu d’autre homme, Alex ! m’avoue-t-elle enfin, avant de me tourner le dos. Il n’y a que toi. Et ça a toujours été le cas depuis qu’on s’est rencontré. Je n’ai jamais eu de sentiments pour quelqu’un d’autre, je t’ai menti.

- Mais… Mais pourquoi ??

- Parce que je me voilais la face, voilà tout !! s’exclame-t-elle en se retournant d’un coup, me faisant face de nouveau avec détermination. Je ne voulais pas admettre que je tenais à toi bien plus que je ne l’aurais souhaité… Et je ne voulais pas avoir d’ennuis, ni t’en attirer. Je ne voyais pas d’issue à notre histoire ! Alors… J’ai pensé… Que ça serait mieux si on abandonnait tous les deux l’idée d’une romance entre nous, d’une possibilité de vie ensemble… Je voulais que tu puisses vivre sans contraintes. Je voulais te libérer de cet amour impossible… Et j’ai inventé cette fausse rencontre comme excuse pour mettre un terme à notre relation.

Les morceaux du puzzle s’assemblent soudain, et me laissent pantois, figé de stupeur.

- Seulement… continue-t-elle en se triturant les doigts, évitant mon regard. Quand je me suis retrouvée face à la mort, accrochée comme une imbécile tout là-haut sans espoir de survie… Je me suis rendu compte… Que je ne pensais qu’à toi. En vérité je n’ai jamais cessé de penser à toi, Alex.

- Pourquoi tu n’es pas revenu vers moi, alors ?

- Parce que je pensais que le mal était fait, et que tu avais dû réussir mieux que moi à te relever de notre rupture ! Je t’ai vu avec Sophie, et je me suis dit que tu t’étais a priori déjà consolé avec elle, et que c’était mieux ainsi.

- Mais c’est faux !!

- Si c’était faux, pourquoi avez-vous continuer votre petit jeu dans ce cas ? me demande-t-elle en haussant le ton.

- C’est Sophie qui le voulait… Ça partait d’une bonne intention… Elle pensait que peut-être ça te rendrait jalouse, et que tu finirais par revenir.

- C’est ridicule… soupire-t-elle en croisant les bras.

- Peut-être. Mais je n’avais pas la force de la contredire. Elle voulait juste m’aider… Et elle au moins, elle était là pour moi ! je lui rétorque d’un air de reproche.

- Je ne savais pas ! s’offusque-t-elle.

- Moi non plus, je ne savais pas que tu m’avais menti !! Tu m’avais largué, et j’étais au plus mal, en pleine dépression !

- Moi aussi, j’ai très mal vécu notre rupture…

- Il ne fallait pas la provoquer !! C’est toi qui nous as mis dans cette situation !

- Oui, je sais ! Je pensais bien faire… Vraiment… Pour toi comme pour moi… Je me suis trompée, je le sais maintenant ! Je pensais que cela nous éviterait bien des ennuis, et qu’on passerait très vite à autre chose, chacun dans son coin. Mais ça n’a pas été le cas du tout… En tout cas, pas pour moi…

- Pour moi non plus…

- Je ne voulais pas te faire souffrir, je t’assure ! Je pensais sincèrement que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire… Je n’aurais jamais dû… C’était stupide.

- Je confirme, oui…

- Je croyais que tu allais refaire ta vie et que je finirais moi aussi par t’oublier, que ça passerait avec le temps… Alors qu’en fait, je ne pensais qu’à toi, en permanence ! Je voulais t’oublier, mais je n’y arrivais pas ! C’était difficile de te croiser, j’avais si mal au cœur à chaque fois… J’avais envie d’être encore dans tes bras, de pouvoir de nouveau t’embrasser, sentir ta peau… Et puis je t’ai vu avec Sophie. Je vous ai vu rentrer chez toi le soir… Vous étiez si proches… J’ai cru que tu avais finalement suivi mon conseil, et que vous vous étiez mis véritablement en couple… J’étais en quelque sorte contente pour toi, mais moi, je souffrais le martyre ! Je voulais te dire la vérité, seulement voilà… Je ne pouvais plus faire marche arrière. C’était trop tard…

Elle semble complètement dépitée, abattue. Sa révélation me remplit de joie, j’ai du mal à y croire. Je ne sais cependant comment réagir. J’ai pourtant le cœur qui bat à cent à l’heure, et toujours l’envie de la prendre dans mes bras, de la couvrir de baisers. Mais je lui en veux également pour son mensonge, par rapport au fait que cela nous a fait souffrir aussi, tous les deux visiblement.

- Je… je suis désolée… soupire-t-elle. Je croyais bien faire… Je me suis trompée…

Je n’aime pas la voir si triste… Je prends une profonde inspiration avant d’expirer fortement, et commence à me rapprocher d’elle, lentement, les mains dans les poches.

- J’ai besoin de toi… continue-t-elle, tête baissée. J’ai vraiment cru que j’allais mourir tout à l’heure, et je ne pensais qu’à une chose : Te revoir une dernière fois. Je voulais encore sentir tes mains, ta peau, ton odeur… Voir ton visage, ton sourire… Je me suis souvenu de toutes ces choses magnifiques que tu m’as faites, j’ai eu des flash-backs de nos nuits… Je repensais à toutes ces choses que j’aime chez toi, à ta gentillesse, ton audace, ton courage, ta compréhension… Au bonheur que cela me procurait de te retrouver chaque soir… A toutes ces fois où tu m’as encouragé, où tu m’as aidé à me relever, juste par ta présence… Je ne sais pas faire sans toi, en fait…

Une fois près d’elle, je prends une de ses mains délicatement dans la mienne, et relève son menton pour me plonger à corps perdu dans ses yeux qui brillent, au bord des larmes.

- Moi non plus, je ne peux pas vivre sans toi…

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