Tout était contre lui
Cadre : On est dans le Névada, le grand Ouest américain, à la veille de la guerre de Sécession... Ben Cartwright vit avec ses trois fils dans son immense ranch de Ponderosa, au milieu des pins. C'est un homme droit, honnête, qui passe son temps à lutter contre les injustices, c'est un homme respecté par tous. Ami de longue date avec le peuple indien des Paiutes, il se verra remettre en cadeau une femme blanche, Joan, à qui il offrira la chance de reprendre sa place dans le monde des Blancs, monde qu'elle ne connaît que si peu.... Elle quittera Ponderosa pour San Francisco, placée chez des amis de Ben, qui lui permettront de rencontrer celui qui deviendra son époux, Henry Dexter, jeune avocat.
Je voussouhaite bonne lecture.
Au niveau des dates ;
Adam est né en 1830
Hoss est né en 1835
Little Joe est né en 1841
Ils sont de trois mères différentes, chacune des épouses de Ben est morte tragiquement. La mère d'Adam est morte en couche, la mère de Hoss tuée par un indien renégat, et la mère de Joe est morte d'une chute de cheval...
Ben est né en 1809
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***20 mars 1857
Il est midi, Ben Cartwright et ses fils sont à table. Poulet rôti, riz et sauce au curry. Hop Sing, le fidèle cuisinier asiatique vient d'apporter le plat, quand le galop d'un cheval a attiré leur attention. Qui peut bien venir à cette heure ci ? C'est Adam, le fils aîné qui se lève le premier, se précipite vers la porte et ouvre. Il a juste le temps d’ouvrir les bras pour recueillir leur visiteur. Robe cintrée, bottines noires, il reconnaît instantanément; malgré ses cheveux en bataille et son visage ravagé par les larmes., celle qui vient de s'écrouler devant la porte de Ponderosa. Adam se tourne vers son père et ses frères, il les cherche du regard, il a besoin d'aide; la détresse de la jeune femme le dépasse. Qui répond le premier ? Qui fait basculer son siège en se levant ? C'est Ben qui s'arrache de sa chaise. C'est Ben qui la prend dans ses bras et la serre contre lui, c'est Ben qui lui offre son épaule large, protectrice. Il la laisse vider son chagrin, sa douleur; il ne la questionne pas; il attend, il attend que les tremblements cessent, il attend que les larmes se tarissent, il attend que les cris s'éteignent. Des cris, elle en a plein la gorge, des cris qui l'étouffent, qui la font suffoquer. Elle pleure, elle pleure; elle pleure; elle pleure des trombes d'eau, elle pleure un océan de larmes qui la submerge, qui détrempe la chemise de Ben, ses yeux sont noyés; elle en avale autant qu'elle en recrache. Le temps s'arrête; le silence tombe sur la pièce; d'un seul coup il fait froid, un froid funeste qui s'abat sur les êtres et les choses.
« JE N'AI PLUS DE MARI........ » Et elle pleure; les larmes ruissellent sur sa peau, à croire qu'elle va se liquéfier et devenir elle-même un torrent de pleurs. Elle est à deux doigts de la crise de nerfs, Ben le sent bien, et il ne sait pas quoi faire pour la calmer. IL ne va quand même pas devoir la gifler. - Ben, pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ? Pourquoi ?
- Mais enfin Joan, qu'est-ce qui se passe ?
- C'est horrible, Ben, la lettre; là; dans ma poche... La lettre, Ben ! »
Et le torrent de larmes reprend, elle s'écroule sur le canapé et ne peut plus aligner deux mots; elle est dévastée par le chagrin. Ses épaules tremblent, elle a du mal à reprendre sa respiration. Elle tape du poing sur les coussins, elle les martele de toutes ses forces; elle a envie de se faire mal. - Joan, je vous en prie, calmez-vous ! » Adam s'approche, décontenancé par la douleur de leur amie, il ne sait pas quoi faire; il ne sait pas quoi dire. Hoss et Joe sont muets devant le spectacle, tels des bateaux perdus, chahutés en pleine tempête. Joan, leur amie, presque leur sœur, est en train d'exploser devant eux, une âme de cristal en perdition; qui est à blâmer ? Que s'est-il passé, bon sang ? L'attente est pire que toutes les abominations auxquelles ils se préparent mentalement. Est-ce Henry ? Ce ne peut être que cela ? Il a dû se passer quelque chose de dramatique. Joe ferme les yeux et lui reviennent en mémoire tous ces courts instants, où il a vu Joan et Henry rire; et s'aimer, complices et tendres. De l'amour franc, sincère; frais. Hoss reste là, immobile comme un bloc de granit, fendu par un coup d'épée brutal. Sa carrure de géant est épaisse; mais la violence du drame qui se déroule a ébranlé son intériorité : son coeur saigne; il a mal; il a mal parce qu'il sent que les minutes qui vont suivre vont être atroces. Mais lui, veut savoir aussi. Ce sera de toute façon moins pire que cette attente. Ben cherche délicatement dans la veste de Joan, il la retourne délicatement et tout en la serrant contre lui, glisse sa main dans la poche sur le coté et trouve ce qu'il cherchait : une feuille de papier, ou plutôt deux chiffonnées , froissées. Comme si quelqu'un avait passé sa colère dessus; et les avait déchiquetées. La feuille est maintenant entre les mains de Ben ; il pose ses yeux sur les premières lignes :
Ton amour n'existe plus....
Une phrase, une seule, juste quatre mots; mais avec un pouvoir destructeur insoutenable. Et puis la deuxième feuille; un papier tamponné; un certificat établi dans la ville de Carlson City. Ben met du temps à comprendre de quoi il s'agit. LE chagrin de Joan a semé le trouble dans son esprit et il tarde à retrouver la lucidité qui convient. Il parvient enfin à lire le papier, il s'agit d'un certificat de mariage établi donc à Carlson City. Ce qui saute aux yeux de Ben, instantanément, c'est le nom qui est inscrit dessus : Henry DEXTER. Ben ferme son esprit et se concentre sur ce qu'il lit, sa mâchoire se durcit, son visage se crispe. Une colère sourde gronde en lui. Il s'était préparé mentalement à encaisser un choc abominable, mais ce qu'il vient de découvrir dépasse l'entendement. Il accuse le coup et détourne les yeux. Il n'ose regarder Joan, pas après ce qu'il vient de lire.
« J'ai peine à croire cela. Mais comment a-t-il pu faire une chose pareille ? Quel genre d'homme serait assez malhonnête pour faire ça ? Tout ça me dépasse ! »
- Pa; tu veux bien nous en dire un peu plus ! », s’exclame Adam.
Ben tourne la tête vers Joan, d'un bref hochement de tête, elle donne son assentiment. Ben tend la lettre à son fils ainé. Adam blêmit à l'instant où il pose ses yeux dessus. Même réaction chez Hoss et chez Joe.
- QUELLE ORDURE ! Le plus jeune des Cartwright vocifère, avant d’être repris par son père, qui lui demande de surveiller son langage.
Adam, quant à lui, serre les poings dans son coin, lui aussi a le visage fermé et les yeux qui lancent des éclairs de foudre. Puis subitement, il prie son père de bien vouloir l’excuser, il chope au vol son chapeau et son révolver et sort de la pièce sans un regard pour son père.
- Adam, ADAM, où vas-tu ? Ne fais rien que tu pourrais regretter ! Mais les recommandations de Ben se perdent dans le vide de la porte qui se claque. Ben ne quitte pas la porte des yeux, il ne sait pas quoi faire. Il faudrait peut-être aller chercher Adam. Puis Ben jette un coup d'oeil à Hoss, un regard qui en dit long, un regard qui signifie « je sais de quoi est capable ton frère ».
Hoss n’aime pas l’idée de penser qu'Adam pourrait avoir un geste malheureux et tente de rassurer son père. Mais Ben n'est pas convaincu, il sait très bien les sentiments qui animent son fils aîné, il a lu de la colère dans son regard, de la déception et de la hargne. Il a vu cette colère enflammer son regard d'ordinaire si doux.
« Pa, tu veux qu'on aille en ville; peut-être qu'on ne sera pas trop de deux pour récupérer Adam.
- Oui, Hoss. Vous pouvez toujours essayer, bien que je ne doute que vous ne réussissiez à l'arrêter !
- On fera ce qu'il faut pour. Allez viens Joe. »
Ben regarde sortir ses deux gaillards; au moins eux parviendront-ils à éviter peut-être qu'Adam ne commette une grosse bêtise. Il l'espère vraiment. Au moment où la porte claque, Ben sent Joan bouger contre lui. Elle appuie sa tête contre sa poitrine. Elle a le regard perdu, les yeux rougis par les larmes. Alors tendrement, il pose son pouce contre la joue de Joan et essuie une goutte d'eau qui s'était échappée. Elle redresse la tête et ses yeux croisent ceux de Ben. Le temps s'arrête, il y a un tel intensité dans les yeux de Ben Cartwright, une telle humanité, une telle compassion, une telle empathie, qu'elle en est troublée. Profondément troublée. Elle soutient son regard, cherchant à lire dedans ce qu'il est en train de penser; ce qu'il va dire. Mais il ne dit rien, et lentement, très lentement, il incline la tête et approche son visage. Elle sent son souffle sur elle, elle retient sa respiration. Et délicatement, il pose ses lèvres sur le front de la jeune femme.
Il l’avait recueillie chez lui, le jour où le chef de la tribu des Paiutes avait décidé de la chasser. Blanche elle était et il ne voulait pas d’elle au camp. Son fils avait posé les yeux sur elle et il n’avait pu accepter cette idée. Ainsi c’était Ben Cartwright qui avait récupéré la jeune femme. Il l’avait aidée du mieux qu’il avait pu, essayant de lui redonner une place dans la communauté. Il l’avait envoyée à San Francisco, auprès d’une de ses connaissances afin qu’elle puisse trouver un travail et elle y avait rencontré le jeune Henry Dexter qu’elle avait épousé peu de temps après.
- Oh Joan, je suis tellement désolé par ce qui vous arrive ! » - Je suis mariée, oui, à un homme qui a déjà dit je t'aime à une autre femme, une autre femme qui porte son nom... Alors excusez-moi du peu. Il lui a promis fidélité, il lui a sans doute fait l'amour et elle porte peut-être un enfant de lui... Et moi, qu'est-ce que j'ai ? Je n'ai plus rien, juste un bout de papier et ce goût d'inachevé qui me donne la nausée. Vous savez quoi ; Ben, J'ai vu Adam sortir précipitemment du ranch. Je ne peux souhaiter qu'une chose, c'est qu'il tombe sur mon époux et qu'il lui flanque une bonne correction.
- C'est malheureusement ce qui risque d'arriver si Hoss et Joe ne le retrouvent pas.
- Et alors, je crois qu'il faudrait le féliciter.
- Ma chère Joan, je n'encourage pas mes fils à se battre. Même pour l'honneur d'une dame. Mais je suis ravi de voir que la colère vous a sorti de votre torpeur. Je crois que vos réflexes de femme Paiute reviennent. En attendant, vous devriez aller prendre un peu de repos et si vous le souhaitez, nous pourrons aller faire une promenade à cheval. - Avec plaisir Ben. Merci pour tout.
- Mais de rien ma chère. C'est tout ce que je peux faire, pour l'instant, et j'aimerai pouvoir faire plus.
- Vous avez fait tellement pour moi, Benjamin. Vous m'avez aidée de toutes les façons qu'on peut aider quelqu'un et vous savez qu'une place toute particulière vous est réservée dans mon coeur. Joan adresse un dernier sourire à Ben avant de disparaître dans la chambre d'ami, qui jouxte la salle de séjour.
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