chapitre 7
Joan tourne les talons, la robe de chambre vaporeuse s'envole et la porte claque. Pour s'ouvrir quarante secondes plus tard. Joan, sans un regard pour Joe, se dirige vers les escaliers et les descend. Joe continue vers sa chambre. Il doit passer des vêtements; sans quoi son père va lui passer un savon. Et comme il a déjà pris un bain, il n'y tient pas plus que ça.. Même de nuit, Ben Cartwright est redoutable.... ***Dans le salon.... Ben, Hoss et Adam sont debout; entourant Henry qui regarde son pied dans la cuvette. Pas un ne dit un mot. Adam est toujours plein de ressentiment, il préfère garder la bouche fermée. Ben est pris entre deux feux; d'un côté les sentiments qu'il a pour Joan et de l'autre; l'empathie qu'il ressent un peu pour Henry. Et au milieu, cette situation incroyable où la sincérité se mêle à la tromperie et à la malhonnêteté. Dans ce silence un peu oppressant, Joan s'avance vers son mari; le regard tendre et les yeux humides. Mais ! En une fraction de seconde, elle sort de sa large manche un petit couteau et saute sur Henry !
« Espèce de chien ! »
Elle lance son bras armé en direction d'Henry, qui médusé; bascule en arrière pour éviter le coup. Il sort son pied qui heurte la cuvette. Ben reçoit le contenu sur ses bottes et sur son bas de pantalon. Adam, en un réflexe à peine émoussé par la vision qu'il a de Joan menaçant son propre époux, se jette sur elle et lui attrape le bras. Il essaie de la désarmer.
« Joan, arrêtez...Lâchez ce couteau... »
Mais Joan n'entend pas lâcher prise aussi facilement. Adam vient de réaliser brutalement que Joan n'est plus, à ce moment, Mrs Dexter, mais une ancienne Païute. Et ça change la donne. Elle sait se battre, et vue la fureur qui l'anime; elle est capable du pire. C'est ce qu'on appelle mettre un coup de canif dans le contrat.
« ouch.... »
Il regarde son bras, la peau est entaillée et le sang perle. Il est estomaqué; sidéré que la douce Joan ait pu lui faire ça. Malgré tout, il ne renonce pas. Il serre le bras de la jeune femme; très fort, il sent qu'il peut lui casser le bras. Il ne le veut pas, bien sûr, mais il doit réussir à lui faire lâcher prise. Il sent qu'elle desserre sa main; le canif tombe par terre. Adam donne un coup de pied pour l'éloigner. Hoss se baisse et le ramasse.
« Adam, attention.... »
Même désarmée; Joan ne renonce pas ! La voilà qui tourne la tête et plante ses dents dans la main d'Adam…
« Ouch, la... »
Mais il retient les mots qui lui brûlent les lèvres. Il pose sa main valide sur la blessure. L'empreinte des dents y est déjà très nette. Du coup; Joan en profite pour se carapater. Elle file vers la cheminée et s'empare d'une bûche et la jette à la tête de Henry. Il s'écrase sur le coussin, le rondin de bois atterrit sur le bureau de Ben. En plein sur l'encrier. Elle a déjà une autre bûche dans la main et s'apprête à aligner son époux une seconde fois. Mais une poigne ferme l'en empêche. Ben se dresse devant elle ; et lui tient le bras; dans un étau de fer...
-JOAN, ARRETEZ."
Le ton est sec; mais Joan ne semble pas décidée à abandonner aussi facilement.
« Joan, lâchez ça.... Vous m'entendez ? »
Pas de geste de la part de la jeune femme. Une flamme dans les yeux, un regard noir, un regard déterminé.
- Non Ben, pas avant de l'avoir assommé, ce chien galeux....
- Joan, pour la dernière fois, je vous somme de poser cela... Un... Deux.... » Hoss et Adam retiennent leur souffle; le pauvre Henry s'est liquéfié sur le canapé. Trop de chocs successifs ; sa blessure au pied le fait affreusement souffrir. Même si ni le coup de couteau ni les bûches ne l'ont atteint, il est atteint moralement ! »
« Bien maintenant cela suffit... »
Ben continue de serrer le poignet de Joan , il parvient à lui arracher la bûche. Un peu rudement, il la pousse dans le fauteuil.
« Arrêtez, je vais me fâcher ! »
Joan tente de se lever; mais Ben est le plus fort...
- Non Joan.. Là, respirez. Chut. Reprenez votre calme. Ah, attention."
Il la fixe intensément avec un regard qu'il s'efforce de rendre plus noir que le sien qui l'est déjà beaucoup. Calmement il la maintient et la stoppe du regard, un regard qui veut dire : " Je vous conseille de rester tranquille... Vous savez de quoi je suis capable ».
- Très bien, Benjamin. Mais ne me laissez pas avec cette face de chacal. Faites le sortir ou je lui arrache les yeux." lance-t-elle en se redressant vivement.
- JOAN ! »
Elle ne résiste pas à la poigne de Ben et elle se rassoit.
- Hoss , fais sortir Henry.... Je m'occupe de Joan.... Adam, ça ira ton bras ?
- Oui pa..
- Monte à l'étage; Joe est dans sa chambre. Il pourra te nettoyer ça et faire un pansement. »
Hoss soulève Henry et l'entraîne sur le perron. Misérable Henry qui tente un dernier regard vers Joan, mais l'éclair de fureur qu'il y lit lui fait mal et il n'insiste pas.
« Ecoutez moi Joan, vous avez besoin de vous reposer. Vous vivez quelque chose de très pénible. Je comprends que vous ayez envie de vous venger ! J'imagine ce que vous ressentez; j'essaie... Je ne peux pas vous en vouloir...Vous êtes en colère; vous avez le droit… ! » La colère de Joan se mue en chagrin. Elle s'apaise , touchée par la sollicitude dont Ben Cartwright fait preuve. Il l’accompagne jusqu’à sa chambre et lui fait boire un peu de tisane, pour qu’elle s’apaise et puisse dormir. Puis il redescend.
***Conseil de famille à Ponderosa....
« Bon, les garçons, il va falloir trouver une solution pour la nuit. Je ne vous cacherai pas que j'ai hâte d'aller me coucher. Alors voilà ce que je suggère. Henry va s'installer dans la chambre d'hôte du rez de chaussée. J'y dormirai également. Je vais prendre une couverture et je passerai la nuit auprès de lui; au cas où la fièvre le prendrait. Joan est dans sa chambre à l'étage. Demain matin, nous aviserons ! »
*** Ben dans la chambre, pelotonné dans le fauteuil, somnole, avec une couverture négligemment posé sur son torse. Henry s'agite dans son sommeil. D'abord, un gémissement, profond, puis un marmonnement incompréhensible. Un mot, deux mots; des mots... Joannnnnnnnnnnnn.... Ben, entre deux phases de sommeil, rejette la couverture qu'il a sur lui et va au chevet de l'homme qui parle dans la nuit. Il pose sa main sur son front, pas de fièvre. Pourtant, le trouble est réel. Le choc de la morsure de serpent, sans doute. La peur ; la mort qui plane....
« Henry, Henry, hé..."
Ben le secoue. Mais le sommeil est revenu, il a replongé. Il n'y aura pas d'autres alertes; pas de mouvements brusques. Mais Ben, lui, est bel et bien sorti des bras de Morphée. Et il n’est pas prêt d'y retourner. Il a trop de poids sur les épaules, trop de tensions.
***23 mars 1857. Le jour se lève sur une nouvelle journée. Journée où on joue à s'éviter à Ponderosa. Hoss, Adam et Joe déjeunent seuls à table. Ben a déjeuné avant tout le monde; puis porte un plateau à Henry qui émerge lentement du sommeil. Joan ne déjeune pas; elle n'a pas faim. .Et au milieu de ce chaos sans nom; Hop Sing, qui veille à ce que tout le monde ait à manger. Petit bonhomme planté dans ses savates noires; qui ne fait pas de bruit sur le plancher, qui trotte, qui va qui vient de la cuisine à l'étage. Hop Sing qui s'adapte; mais dont la patience a des limites.
« Hop Sing va retourner en Chine. ça pas être possible. Hop Sing plus vouloir de ça. Trop de monde dans la maison, et tout le monde regarder le mur. Personne travaille, tout le monde fait mauvais caractère, tout le monde fâché; tout le monde avoir colère. » Et petit bonhomme tourne les talons.... en maugréant..
- jī duō bù xià dàn
- qu'est-ce qu'il a dit, Adam ?
- Parce que tu crois que je comprends le mandarin, peut-être; j'en sais rien ce qu'il a dit...
- Hop Sing pas être sourd; encore.. Moi avoir dit : « quand poules sont nombreuses, elles plus pondre » Maison remplie de tête mais mains pas faire grand-chose....
-Bien, que diriez-vous d'aller faire ce qu'on a à faire ?
- Bien vu; Adam; mieux vaut sortir d'ici.… Hop Sing ira passer ses nerfs sur quelqu'un d'autre... »
A ce moment, Ben sort de la chambre dans laquelle dort Henry.
« Attendez les garçons, il faudrait accompagner Henry jusqu'à son ranch. Il se sent mieux et veut rentrer chez lui. Adam; va seller son cheval.
- Bien pa...
- Joe, tu accompagneras Henry...
- Yes sir...;
- pa, y a quelque chose que je peux faire ?
- Oui Hoss, va à la rencontre de Hank, il doit arriver d'un moment à l'autre avec du bétail. Vous ne serez pas trop de deux pour ramener les bêtes. - Bien pa; j'y vais.. »
Hoss attrape son ceinturon et coiffe sur sa tête son grand chapeau et sort en direction de la grange. L'air est frais; mais la journée s'annonce chaude. Hoss a rempli deux gourdes et selle son cheval. Il grimpe; et lance Chubby au galop vers les prairies grillées de Ponderosa. La chevauchée lui fait du bien, il sent son esprit s'alléger. Trop de tension au ranch ces dernières heures; le travail qui va l'éloigner de tout ça est bienvenu. Retrouver les grands espaces, la prairie; la poussière et voir courir le bétail, 1500 bêtes, toutes de premier choix. Des bêtes puissantes; parmi elles un taureau de toute beauté, que Hank devait négocier. Hoss savait que Pa avait beaucoup insisté pour l'avoir. Dans peu de temps, Hoss saura si leur contremaître a conclus l'affaire.
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