chapitre 11

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***Le lendemain, 24 mars 1857 vers 11h00, dans le bureau du shériff.

« Monsieur Dexter, reprenons s'il vous plait.... Quand avez-vous vu votre mère pour la dernière fois?

- Il devait être 9 heures, 10 heures du soir, je suis sorti pour aller prendre l'air... j'ai galopé ….

- Et votre mère ?

- Elle est restée au ranch... Elle a débarqué dans ma maison, je me débattais dans des problèmes personnels et bah, disons , que ce n'était pas le meilleur moment pour des retrouvailles...

- Des retrouvailles, que voulez-vous dire ?

- Ma mère et moi sommes brouillés... Elle n'a pas été très aimante; et n'a pas très bien accepté mon mariage.... Ce qui fait que....

- Ce qui fait que ce que vous me dites là , Monsieur, n'est pas pour vous arranger... En absence de piste, vous allez vous retrouver mon principal suspect... »

Henry redresse la tête, comme piqué par un flèche :

« Hein, vous plaisantez ?

- Pas du tout...Mais vous êtes la seule personne à avoir approché votre mère; à part Ned Galagher,.. Et il est insoupçonnable... Etes-vous armés,; Monsieur Dexter ?

- Oui....

- Pouvez-vous me remettre votre arme ?

- je ne l'ai pas... Elle est chez les Cartwright... Ils l'auront gardé quand ils m'ont descendu de cheval... Vous trouverez mon révolver au ranch.. Et vous verrez également qu'il manque une balle dans le barillet... C'est celle que j'ai tiré sur le crotale qui m'a attaqué...

- Ah oui, la balle qui vous a transpercé le pied et qui vous a fait cette vilaine blessure;..

- Blessure qui a bien cicatrisé, dieu merci. Grâce aux soins des Cartwright...

- Revenons en à notre affaire. Donc vous quittez le ranch en début de nuit et vous avez rejoint le ranch des Cartwright après avoir été attaqué par un serpent. Combien de temps êtes-vous restés chez Ben et ses fils ?

- J'ai passé la nuit chez eux et je suis reparti dès le lendemain.. Je ne pouvais imposer ma présence à mon épouse, pas avec ce qui s'est passé...

- Que s'est-il passé ?

- quelqu'un de mal intentionné lui a fait parvenir un document, un registre de mariage; sur lequel apparaît mon nom. Mais ce document est faux; je ne suis l'homme que d'une seule femme. Celle qui a trouvé refuge chez les Cartwright.

- Vous êtes dans les ennuis jusqu'au cou, Mr Dexter. Mais dites-moi quand vous dites quelqu'un de mal intentionné. Pensez-vous à quelqu'un en particulier ?

- Bien non, je n'ai aucune idée de qui pourrait m'en vouloir à ce point. Mais il ne fait aucun doute que quelqu'un cherche à me nuire. Shériff, allez-vous me garder en cellule ?

- Je ne sais pas; je réserve mon jugement. Ai-je votre promesse de ne pas quitter la ville ? Vous êtes un homme d'honneur; Mr Dexter ! Vous avez prêté serment !

- L'honneur, oui, c'est ce qui me reste. Un honneur bafoué, mais un honneur malgré tout. Shérif , je vous fais la promesse que je ne quitterai pas la ville. Et vous , que comptez-vous faire ?

- Continuer à chercher; explorer peut-être la piste du numéro de chambre sur le papier que j'ai trouvé dans la main de votre mère. Peut-être le propriétaire du Grand Hôtel pourra nous renseigner sur l'identité de la personne qui a réservé cette chambre.

****A l'hôtel 25 mars 1857

Henry émerge. Il vient de passer une seconde nuit dans la chambre de l'hôtel qui lui sert de domicile. Il est allé la veille chez lui pour prendre quelques affaires. Il ne s'est pas attardé, il a pris dans sa penderie deux costumes, trois chemises; une tenue de nuit et des affaires de toilette; un pain de savon, une ou deux serviettes et puis son rasoir. Et il est reparti. Puis il a fait demi-tour; il est rerentré dans la maison, a poussé la porte de leur chambre et a pris le portrait de leur mariage. Enfin, le portrait qu'ils ont fait faire après leur mariage, pendant leur lune de miel. Portrait qu'ils avaient fait faire dans une petite échoppe, dans une ruelle de San Francisco. Puis il a envoyé un télégramme à son étude, à l'attention de son associé, pour faire savoir qu'il serait absent quelques temps. Il serait temps après de lui écrire une lettre dans laquelle il détaillerait sa triste situation. Il prend son temps pour ouvrir les yeux; il savoure la joie simple d'être allongé dans un lit frais et moelleux. Il jette un coup d'oeil sur le réveil : 7h55. Oh il n'en revient pas d'avoir réussi à dormir aussi longtemps. Une rapide toilette lui fait se sentir mieux; l'eau fraîche sur son visage le ragaillardit. Il se rase soigneusement, il fait attention à ne pas se couper. Il plonge plusieurs fois ses mains dans la cuvette en faïence et inonde ses joues et son front. Il ferme les yeux, et savoure. La serviette blanche est un peu rèche mais elle sent bon le propre. Il enfile une chemise et un pantalon et descend dans la salle commune, où une table dressée l'attend. Dans un petit coin de la pièce, loin des bavardages des couples; il peut prendre son petit déjeuner sans être dérangé. Pour commencer un bol de café noir, des tartines de pain beurré , du bacon et deux oeufs sur le plat. Et tout ça servi par une personne adorable. La jeune serveuse lui a même souri. Mais il ne lui adresse pas la parole, il contemple son bol de café, y trempe machinalement sa cuiller qu'il tourne inlassablement, avant de la porter à sa bouche. Il accomplit chaque geste avec lenteur, avec un air désabusé, absent. Il est si loin de tout, si amorphe, si déboussolé !

« tout va bien, Mr Dexter ? Vous désirez autre chose ?

-............

- Excusez-moi, Monsieur, je ne veux pas vous déranger; mais...

- oh pardon, vous m'avez parlé ? Je suis distrait , pardonnez-moi...

- désirez-vous autre chose ?

- Non, je vous remercie... Tout était parfait; merci ! »

Le voilà déjà qui se lève, il est prêt à quitter la salle. Il n'a nulle envie d'entamer la conversation, pas avec tout ce qu'il a dans la tête. Il a bien trop de tracas pour ça ! Il sort de l'hôtel; à cette heure matinale, les rues sont vides. Quelques vieilles dames venues faire quelques achats se dirigent à petits pas vers le magasin. Le gérant est déjà là, en train de balayer le plancher de bois juste devant la porte vitrée de sa boutique. La cloche de la chapelle-école va bientôt sonner neuf heures. Les enfants vont bientôt rappliquer, en une joyeuse cavalcade que la maîtresse fera cesser en frappant dans ses mains. Petite vie tranquille d'une petite ville en plein essor. Des hommes conduisant des chariots font halte pour changer un fer ou troquer quelques fournitures, des peaux , des fourrures; contre un peu de nourriture ou de la poudre. Lee Wong et ses fils s'activent dans la blanchisserie qu'ils viennent d'ouvrir. On entend le martèlement du maréchal-ferrant, les cris des hommes qui cherchent à forcer le passage dans la grande rue, principale voie de la ville, poussiéreuse et pas pavée. Rien de semblable à San Francisco, mais l'agitation est bien moindre ici, et le jeune avocat apprécie. Il décide d'aller voir le shérif. C'est la seule personne à qui il a envie de parler. Au moins, lui, il ne bavarde pas. Il ne pérore pas sur la mort de sa mère, comme ont pu le faire certains dans son dos. Il ne supporte pas ces insinuations, ces commentaires acerbes par des gens qu'il ne connait pas, ça l'agace !

« Bonjour Mr Dexter …

-Bonjour Sherif. »

Voilà quelqu'un qui a compris, qui ne lui demande pas « comment allez-vous ? » et Henry apprécie. Il ne va pas bien, non. Sa mère a été trucidée, il est sur la liste des coupables potentiels, il ne vit plus avec sa femme. Alors non, ça ne va pas. Il vit sa peine en solitaire.... il ne veut voir personne.... Il préfère rester avec son esprit embué et ses gestes empâtés....

- du neuf Shériff ?

- j'ai envoyé plusieurs télégrammes dans les villes des environs... Je voulais savoir si Bohnes et sa bande avait été repéré dans le coin... Ils pourraient avoir fait le coup …. Mais j'ai pas reçu de réponses.. Ned m'apportera tout de suite les messages... J'espère que ça donnera quelque chose; car je dois vous avouer que je ne sais pas où chercher....

- merci d'être franc....

- je ne mange pas de ce pain là, moi... J'ai juré de faire la lumière sur la mort de votre mère, et je tiendrai ma promesse... Mais pour l'instant, je dois reconnaître que je n'ai pas grand chose à vous annoncer...

- je garde confiance... Heu par contre, shérif, j'ai une faveur à vous demander.. Je devrai prochainement me rendre à San Francisco pour, hum, m'occuper de la maison de ma mère et aussi signer quelques papiers pour la succession... Pourrai-je m'y rendre... »

Roy releva la tête, prit une profonde inspiration avant de répondre :

« Et bien, j'imagine que c'est important ; je pourrai consentir à vous laisser y aller....

- merci shérif... euh encore une chose; êtes-vous retourné ,hum dans la maison ?

- Non, pas depuis... Pourquoi ?

- je n'arrive pas à comprendre pourquoi tout est resté intact dans la maison... Ma mère avait déposé ses bijoux sur la table, et rien n'a disparu, même pas sa bourse... ça ne tient pas debout... N'importe quel bandit penserait à se servir.. Sinon, quelle est la raison de cette violence... Je ne comprends pas; et cela m'obsède...

- je comprends Mr Dexter. Mais c'est mon travail, laissez-moi faire mon enquête...

-oui mais, vous ne vous basez jamais sur ce type d'incohérences ?

- bien sûr, bien sûr. Quoique avec tout ce qu'on voit; plus rien ne saurait m'étonner. Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur vos intuitions, Mr Dexter ?

- oh non, je n'ai aucune intuition... Juste je m'étonne... Je sais que des richesses peuvent attirer la convoitise; l'envie et la jalousie peuvent pousser un homme... Mais ce qui m'étonne c'est que ma mère a été attaquée dans ma maison.. Or elle est à Virginia City une parfaite inconnue...

- quelqu'un l'aura repérée durant son voyage jusqu'ici.

- oui et comment ce quelqu'un aurait-il su qu'elle se trouvait chez moi alors qu'elle était sensée descendre à l'hôtel ? C'est ce qu'elle a demandé à Ned... ce n'est pas possible, Shériff !

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