Chapitre 15
*** flashback
dans le bureau du shériff. Roy est avec ses deux assistants. Dayve et Larson. Henry a quitté le bureau brutalement.
"Bon, on a cette femme qui a été assassinée. Manifestement frappée derrière la tête. Rien dans la chambre n'a disparu. Le meurtrier n'a touché à rien, il n'a rien pris. La femme est la mère de Henry Dexter, et tous deux n'étaient pas en bon terme; ce qui malheureusement nous amène à le suspecter. Même si je n'y crois pas trop" résume Roy.
"shériff; vous devriez savoir que rien n'est impossible."
Roy appuie ses mains sur sa table, s'efforçant de mettre de l'autre dans ses pensées.
"j'ai du mal à y croire; il a l'air ahuri de tout ce qui lui arrive. Il y a aussi cette histoire de faux document.
- faux document ?" demande Dayve.
"Oui, c'est Henry Dexter qui m'a révélé ça. Son nom figure sur un certificat de mariage établi à son nom dans une ville voisine. Une lettre anonyme a été envoyée à son épouse avec le certificat. Bouleversée, elle s'est réfugiée chez Ben Cartwrigth. Henry a quitté son ranch vers 21h00 pour une balade à cheval. Il s'est fait attaquer par un serpent et s'est tiré une balle dans le pied. Puis il a réussi à rejoindre le ranch de Ponderosa où il a passé la nuit"; explique Roy d'une traite, espérant ainsi mettre le doute dans l'esprit de ces assesseurs.
- Mordu par un serpent , vous dites ?
- Il semblerait que la bestiole se soit cassé les crochets sur ses bottes , sinon, il ne serait jamais parvenu au ranch en vie.
- Il était armé ?
- oui, c'est ce qu'il a dit. Mais l'arme est restée chez Ben Cartwright. De toutes façons, le corps de la pauvre malheureuse ne porte pas de blessure par balle. Elle a eu la tête fracassée; on l'aura frappé avec un bâton.
- Ou une crosse de revolver. Et cela nous ramène à son fils", conclut Dayve.
"oui, j'y ai bien pensé. Il sait qu'il peut être suspect.
-et qu'est-ce qui vous empêche de l'arrêter ? demande Dayve
- sa moralité , je suppose ; ajoute Larson un peu sarcastique.
- ben oui, disons que je ne l'imagine pas frapper sa mère et imaginer cette histoire" répond Roy Coffee, en refermant le dossier qu'il a sous les yeux.
"oui mais ça expliquerait pourquoi il n'a rien dérobé.
- On n'en sait rien. Cette femme, personne ne la connait en ville. Alors bien sûr; on peut toujours se dire qu'un bandit de grand chemin est passé par là, mais faut reconnaître que les circonstances ne plaident pas en faveur de ce pauvre Dexter. Sa brouille avec sa mère; ce faux document; ça fait beaucoup.
- alors qu'est-ce qu'on fait, shériff ? On prévient le juge ?" demande Dayve, en appuyant son pied sur la chaise.
"Si Dexter passe en procès, il risque la peine de mort. J'ai envie d'être sûr, je ne veux pas d'une erreur. Je n'aime pas cette affaire", ajoute Roy, plein d'autorité.
Larson jette à terre le petit bout d'allumette qu'il était en train de triturer et lance au shériff ces mots durs et secs :
"dites plutôt que ça vous gêne de devoir réaliser qu'un homme de loi puisse être coupable."
Roy ne se laisse pas démonter et regarde son associé droit dans les yeux, en pointant du doigt :
"Et ben oui, Larson. Il me semble que ça ne se fait pas de soupçonner un avocat. Ou alors, le monde est en train de devenir fou.
- et ben moi, rien ne m'étonne. Après tout, comme je vous disais, on ne sait rien de cette famille. Après tout, il est aussi avocat que moi je suis président des Etats-Unis" renchérit Dayve, avec rage.
Roy Coffee se lève et tape du poing sur la table :
"oh les gars, vous arrêtez vos délires ! D'abord vous affirmez que Dexter a assassiné sa mère, maintenant vous insinuez qu'il n'est pas avocat, désolé, mais moi je ne vous suis pas."
- mais Shérif, reconnaissez que tout est contre lui. Il n'échappera pas à la potence.
- Pour l'instant, il n'est pas question de peine capitale, je veux gagner un peu de temps et essayer de continuer mon enquête et..." lance-t-il avant d'être interrompu.
"impossible, shériff, j'ai prévenu le juge !" annonce Larson, d'un ton impérieux.
"TU AS FAIT QUOI ?," braille Roy.
"j'ai télégraphié au juge Buckler, il sera là dans trois jours.
- Mais bon dieu, qu'est-ce qui t'as pris ?" s'insurge le shérif.
"C'est la procédure, on fait toujours ça en cas d'homicide … Et le coupable, nous l'avons; je ne vois pas poourquoi vous vous foutez en pétard.
- Tu viens de le condamner à mort, espèce de demeuré.
- Erreur, shériff, Dexter s'est condamné tout seul. Et je vous interdis de m'insulter." rétorque Larson, piqué au vif.
Roy s'esclaffe, avant de se lever :
"Oh, monsieur est susceptible. Non seulement, je me prends le droit de te dire ma façon de penser , Larson, mais en plus, regarde ce que je vais faire."
Roy s'avance vers Larson, et sans un regard, d'un geste prompt, il arrache l'insigne épinglé sur la poitrine de son assistant.
"tu peux prendre la porte sur le champs; tu es viré. Tu n'avais pas à prendre une telle initiative sans m'en parler avant. C'est encore moi le chef ici, il me semble."
Larson, sans un regard pour Roy, prend son chapeau et quitte la pièce en claquant la porte derrière lui. Voilà, voilà cinq ans de collaboration foutue en l'air en quarante cinq secondes.
Roy, complètement abattu, reprend sa place derrière son bureau, non sans jeter un coup d'oeil à la porte.
"Je n'ai plus aucune chance de le sauver, maintenant.
- Mais shériff, je ne crois pas qu'il ait beaucoup de chance d'échapper à la potence, je le répète"; insiste Dayve.
- Toi aussi, tu t'y mets. Tu étais au courant qu'il avait télégraphié ?
- Non... Mais moi aussi j'ai du mal à adhérer à votre version. Je ne serais pas allé prévenir le juge, mais je me base sur les faits et les faits ne plaident pas en sa faveur. C'est un peu gros cette histoire de crotale et de balle dans le pied."
***Devant l'office. Larson marque une pause devant les quelques marches qui le séparent de la rue. Il lève les yeux et fixe l'immensité du ciel.
"matinée de merde."
La réaction du shériff a été si violente; Larson ne comprend pas. Il n'a pas le sentiment d'avoir commis une faute; c'est la procédure habituelle. Le juge est toujours prévenu en cas de mort violente. Roy lui reproche d'avoir outrepassé ses droits; mais lui et Dayve ont toujours fait ça. Les assistants ont les mêmes droits que le shériff; dès l'instant qu'un shériff ou un juge vous épingle une étoile sur la poitrine, il fait de vous son bras droit. Larson se souvient du jour où c'est arrivé, cinq ans en arrière, cinq ans jour pour jour, ou presque. Lui, le pauvre gars de Carson City débarqué ici avec vingt sous en poche et un sac mité. Prêt à tenter sa chance dans une ville en expansion; pauvre Larson Clark, orphelin de mère; abandonné par son père; élevé par sa grand-mère Pétula : une femme d'une grande bonté, mais à qui il avait fait blanchir les cheveux. « brigand, bandit; ça pousse comme de la mauvaise herbe », lui lançait-elle à bout de souffle, mais toujours avec affection. Pas de père quand il était petit. Lui était resté au bord du chemin, tandis que son père avait poursuivi le sien, un chemin qui ne devait plus jamais croiser celui de son paternel. Il aurait pu en faire des conneries, il avait d'ailleurs bien souvent frôlé les limites, joué avec le feu; comme on disait alors. C'est vrai, quand on y pensait ; il n'y avait rien de plus fin que la ligne de démarcation entre le Bien et le Mal ; quelle différence entre médaille de bonne conduite et bracelets qui menaient en prison. Chance ? Malchance ? Destin décidé dans un berceau ? Larson Clark avait-il été destiné à finir en cellule, lui la mauvaise graine de Carson City ? Et bien non, bien qu'ayant passé les cinq dernières années de sa vie à côté des grilles d'une prison, il avait su rester du bon côté, avec le trousseau de clefs dans les mains. Voir passer autant de voyous et de bandits lui avait sans cesse rappelé la fragilité d'une destinée. Il n'aurait décidément pas fallu grand chose pour qu'un homme comme lui bascule du côté des bad guys. Une mauvaise rencontre, une mauvaise influence et il aurait pu tourner le dos à une vie rangée d'honnête homme. Il en avait croisé des regards haineux, hargneux, les regards de ceux passés de l'autre côté et qu'il avait bouclé derrière les barreaux.
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