Chapitre 22

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*** deux heures plus tard... Sur la piste...

Hoss galope dans la plaine. Voilà trois quarts d'heure qu'il a quitté Virginia City : Matinée fraîche, humidité des jours de pluie; humidité des coeurs attristés, humidité des coeurs meurtris. Hoss sait qu'il doit faire vite : filer à Ponderosa; ramener des tenues pour son père, ses frères et pour lui, et puis pour Joan. Et puis revenir pour être à 16hoo au cimetière pour l'enterrement d'Henry. Il n'est pas très loin du ranch, tout au plus quelques miles, il en a encore pour une quarantaine de minutes. Hoss prend les rênes du buggy et lance les chevaux.

-Ya ya, en avant.

Puis il se calme ; se rendant compte qu'il malmène la bouche des chevaux, à force de tirer sur les rênes. Ces pauvres bêtes n'y sont pour rien. Le voilà en tout sac sacrément retardé; il ne va pas falloir traîner pour rejoindre Ponderosa et avertir Hop Sing. A deux, ils seront plus efficace pour rassembler les quelques affaires qu'il souhaite rapporter. Joan lui a bien dit de ne rapporter que sa robe noire.

**** Joan marche lentement dans le grand champ derrière l'Hôtel. Elle passe entre les herbes et les frôle du bout des doigts; les yeux dans le vague. Elle s'est éloignée de Ben qui l'attend près de l'arbre qui supporte une balançoire. Il est appuyé contre le tronc, les bras croisés. C'est elle qui a demandé à sortir un peu, après avoir pris son petit déjeuner. La journée est belle, le soleil brille dans le ciel et c'est en soi un réconfort. Henry sera mis en terre sous un beau soleil, et Joan sait au plus profond d'elle-même que la chaleur des rayons de l'astre solaire seront agréables sur elle. Elle se sent protégée dans ce champ , les pieds ancrés dans le sol, en harmonie avec le ciel et la terre. Et elle au centre, au centre d'une épreuve douloureuse, mais qu'elle ne traverse pas seule. Elle serre contre elle quatre brassées de solidago blanches et jaune et d'asthers qui viendront orner la tombe d'Henry. Elle a aussi glissé dans sa poche des cailloux blancs et gris qu'elle a ramassé. Puis elle soulève le bas de sa jupe et se dirige vers Ben , d'abord en marchant puis elle se met à courir. Elle veut sentir le vent du Grand Esprit souffler dans ses cheveux qu'elle a dénoué et qu'elle a attaché avec un lacet de cuir, les faisant apparaître plus courts. Mais il n'en est rien : prise entre deux mondes; elle ne peut pas pratiquer les rituels que son peuple lui ont transmis, et de plus; son mari n'était pas un païute. N'étant elle même pas une Paîute de naissance, la voilà contrainte à créer un rituel funéraire qui lui permettra de vivre en paix. On ne lui donne pas la possibilité de veiller le corps de son mari quatre jours, peu importe, elle veillera quatre jours sur sa tombe. Elle n'a pas tranché ses cheveux, aucune femme à Virginia City n'aurait compris et accepté pareille attitude.. Elle ne tient pas à attirer l'attention, elle veut juste être en accord avec ses convictions en tenant fièrement la place qui est la sienne : à la lisière de deux mondes. Soudain, sa course est stoppée par une douleur fulgurante dans le corps; elle s'arrête de courir et tombe au sol. "JOAN." Ben se précipite vers elle. Avec précaution, il la soulève et la maintient contre lui. Elle est inconsciente. Il lui caresse le visage; lui parle doucement, lui tapote les joues; mais rien n'y fait. Elle ne revient pas à elle. Il se redresse, portant la jeune femme dans ses bras et descend la colline derrière les premières maisons de Virginia City. Il la conduit chez son ami Paul.. Une chance, ce dernier est encore ici.

- Docteur, docteur, vite ; c'est Joan. Elle s'est trouvée mal.

- Amenez-là à l'intérieur. »

Ben entre dans la maison et dépose Joan sur la table d'examen que Paul a fait installer dans une des pièces de son lieu d'habitation. Paul achève de rincer ses mains dans la cuvette, les essuie soigneusement, se saisit de sa trousse et vient au chevet de la jeune femme.

- Attendez-moi dehors, Ben, je vous appelle dès que j'ai fini. » Ben sort en prenant soin de tirer le rideau derrière lui. Il s'assoit sur une chaise, commence à tordre son chapeau entre ses mains. Il est inquiet, triste et inquiet.

***** à Ponderosa

- Hop Sing, Hop Sing tu es là ?

- Mistel Caltwlight à peine allivé. Lui clier avant d'expliquer poulquoi famille pas venue.

- Oui justement, je suis là pour ça.. Pa est en ville, il s'est passé quelque chose de grave.

- Oh non, mistel Hoss pas annoncer mauvaise nouvelle. Si ?

- Si Hop Sing, je suis désolé. Mais Henry; le mari de Joan est mort.

- Molt ? mais comment ça ?

- Il a été poignardé.

- Poignaldé, mais quelle horreur ? mais comment … Qui a pu faile une chose paleille.

- C'est un de nos hommes. Marchildon, le gars que Adam a recruté dernièrement.

- Oh le gledin. Hop Sing espèle lui êtle puni poul ça lui êtle calamité.

- Le procès va avoir lieu après-demain. Je dois retourner en ville, mais je dois rapporter des vêtements pour Pa et Joan.

- Hop Sing va aider. Hop Sing veut êtle là poul soutenil pauvle Mrs Joan...

- Merci Hop Sing. Tiens toi prêt. Je monte chercher ce qu'il faut et on se met en route. Faut pas traîner. Et j'espère bien ne pas recroiser ces oiseaux de malheur.

- qui... Encole des bandits ?

- No, j't'expliquerai en route ». Hoss se précipite à l'étage; il va de chambre en chambre, attrape quatre chemise; des cravates et les vestes foncées. Bien qu'étant un peu gêné, il entre dans la chambre de Joan. Il ouvre la penderie et décroche la robe noire; toute simple, cintrée à la taille et la pose sur son bras. Il redescend et s'apprête à rejoindre Hop Sing dans la cour. Puis se ravisant, il fait demi-tour, abandonne momentanément son chargement sur le canapé et remonte les escaliers à la hâte. Il ouvre la porte de la chambre de son père et ouvre le tiroir de la table de chevet. Il en sort une bible usagée, et la fourre dans la poche de sa veste. Sûrement son père appréciera de l'avoir avec lui. Il est temps de se remettre en route. A l'heure qu'il est ils sont sûrement prêts à passer à table pour le repas de midi,qui sait, Joan mangera-t-elle un peu plus …. Au moins, elle n'est pas seule. Elle a auprès d'elle Pa, qui sait ce qu'est la douleur, un homme de cinquante ans qui a eu son lot de malheur, qui a survécu à la tristesse. Qui a connu le pire et qui ne fuit pas devant les larmes d'une femme, et qui n'a pas honte de verser les siennes...

Au détour du chemin , juste derrière le ranch...

- Oh non, Hop Sing, il faut faire demi-tour.

- Quoi ? Poulquoi ?

- Il faut prévenir le gamin. Arg darnburnt, je savais que j'oubliai quelque chose. »

Hoss fait tourner bride aux chevaux et refait le chemin en sens-inverse.

- Mais poulquoi ?

- Pa ne veut plus le laisser seul. J'ai cru comprendre qu'il voulait garder un oeil sur lui, pour lui éviter les mauvaises tentations. Tu saisis ?

- Oui, Hop Sing a complis. Mais Hop Sing dit que jeune gamin en ville va aller au saloon. Mauvaises tentations êtle en ville.

- Ah oui, faut reconnaître que c'est peut-être pas une bonne suggestion.

- Hop Sing toujouls avoil laison quand lui pas avoil tolt.

Hoss regarde le serviteur de Ponderosa et lui envoie une bourrade dans l'épaule.

- Toi alors. C'est pas la modestie qui t'étouffe.

- Hey, Hop Sing pas êtle gland , alols bien obligé de compenser … Esplit malin, concentlé de malice dans petit colps fluet.

- Ouais.... J'ai déjà entendu ça, la qualité prime sur la quantité, et patin couffin, patati et patata. »

***De retour au ranch.

- Corvet ? Corvet, t'es là ? Corvet, réponds-moi. Hoss pousse la porte de la grange, jette un coup d'oeil dans les box, personne.

- Corvettttttttttttt ? Oh, t'es par là ?

Hoss s'apprête à ressortir, quand un bruit attire son attention. Assurément, il y a quelqu'un ou quelque chose dans la grange.... Hoss prend l'échelle et l'adresse contre une des poutres qui soutient le plancher sur lequel est amassé le fourrage pour les bêtes. Hoss monte trois barreaux, hisse la tête et balaie du regard l'espace sombre éclairé par les interstices des panneaux de bois vieilli.

Le voilà maintenant sur le plancher. Il avance avec précaution, à l'affut. Maintenant il distingue mieux le type de bruit, ce sont des couinements ….. Il approche encore et finit par découvrir

- Mistel Hoss, où êtes-vous ?

- En haut, dans le fournil. Y a une petite chatte qui vient de mettre bas. Y a trois chatons, ils sont mignons comme tout : y en a un noir et blanc, et deux marrons. C'est rigolo.

- Bon bon, d'accold;.. Mais Mistel Hoss en attendant, y a pelsonne ici. Je ne sais pas où il est.

- Tu lui as parlé ce matin ?

- Oui, il a plis petit déjeuner.

- Et il était comment ?

- Pas content. Lui avoil passé son temps à lonchonner.

- Le contraire m'aurait étonné. Vu la liste que Pa lui a laissé. Bon, la grange est nette, ça prouve qu'il a fait son boulot. Hoss redescend et remet l'échelle à sa place. Il tapote son pantalon pour enlever la poussière et sort de la grange, avec Hop Sing sur ses talons.

- Allons jeter un coup d'oeil dans la cabane des hommes. Peut-être qu'il y est ….

Hoss fait le tour du ranch et se dirige d'un pas alerte vers la maison que se partagent les hommes de main des Cartwrigtht qu'ils soient saisonniers ou embaûchés pour de plus longues périodes. Mais il fait demi-tour. Il y a quelqu'un dans la maison. Hoss fait signe à Hop Sing :

- pst, passe par la cuisine. Moi j'entre.

Hoss met la main à sa ceinture, et prend son colt. Il se baisse et pousse la porte.

- sortez, les mains en l'air. »

Hoss attend deux secondes.

- UN – DEUX.

- c'est bon ne tirez pas.

- Corvet c'est toi ?

- Oui, je sors.

Hoss, reconnaissant la voix du gamin, range son colt quand soudain un éclair roux jaillit de la maison, le bousculant. Enfin , façon de parler, car on ne bouscule pas Hoss Cartwright comme ça.

- Damned !

Hoss est vite sur ses talons et l'attrape par le col de son veston :

- Hey Gamin tu me fais quoi, là ?

- Mais rien.

- Tu te carapates comme si tu avais le diable aux trousses. Tu as quelque chose à te reprocher ?

- Euh non...

- bon alors dis-moi ce que tu fabriquais dans la maison. Tu cherchais quoi? Un pot de miel?

- Hum, très drôle. Vous savez, j'ai rien piqué. J'voulais juste.

- Tu voulais quoi. Dépêche, j'ai pas que ça à faire.

- Je voulais un crayon. Le mien est cassé.

- Tu te fiches de moi ?

- Non, sir... Je vous jure que.

- Ne jure pas, gamin. Je te crois, explique-moi calmement.

- Ben, à mes heures perdues, j'aime bien dessiner. Mais seulement quand j'ai fini de travailler, c'est promis.

- Du calme, gamin. J'ai vu la grange, t'as fait du bon boulot. »

Et devant la mine ébahie du jeune aide, Hoss ajoute :

- J'suis sérieux, j'ai jamais vu la grange aussi nette. Même Joe n'a jamais fait un boulot aussi propre. Compte-sur moi pour en glisser deux mots à mon père.

- C'est vrai, vous êtes content ?

- Si je te le dis, bougre d'idiot. Je parie même que tu as ramassé les brins d'herbe avec une pince,

-Ben non, quand même pas. Alors, vous êtes pas faché ?

- Mais non. Tu as répondu tout de suite, ce qui fait que j'ai rengainé. Tu as bien réagi. Bon, tu aurais pu éviter de sortir comme une furie.

- Ben j'ai eu peur.

- J'ai dans l'idée que tu sais pas trop comment faire, toi, hein?

- qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Ben tu as un peu besoin qu'on te remette les pendules à l'heure. C'est pas bien clair chez toi les limites entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Fuir, par exemple, ça n'a jamais arrangé les affaires de personne. Il vaut toujours mieux faire face à ses responsabilités et dire la vérité. Les bobards t'attireront toujours des ennuis. Autant te mettre ça dans le crâne si tu veux continuer à bosser pour nous. Compris ?

- yes sir.

- Bon maintenant, il faut qu'on y aille.

- Qu'ON y aille ? Où ? Et qui ?

- Toi et moi et Hop Sing; on va en ville.

- J'tiens pas trop à y aller.

- oh gamin, je ne te demande pas ton avis. TU viens et c'est tout ».

Tout en disant ça, il tire le gamin un peu brusquement. Il faut dire que Hoss a eu sa dose de casse-bonbons pour aujourd'hui. On a beau être un grand bonhomme costaud et sensible et patient et bon enfant, un géant au coeur d'or, la patience, elle n'est pas en fer et ne se dilate pas sous l'effet de la chaleur.

- C'est bon, c'est bon, vous énervez pas. Je viens. Je faisais ça pour vous taquiner. En tout cas, sauf le respect que je vous dois, vous êtes bien le fils de votre père.

- Oh allez, avance, gamin. »

Hoss est faussement en colère, et sa mauvaise humeur tombe aussitôt.

- Ouais, t'as de la chance que dans la donne, le mauvais caractère de mon père se soit trouvé dilué entre nous trois, je suis celui qui en a hérité le moins.

- Oh non, j'trouve pas qu'vot père a mauvais caractère. Je le trouve pas bougon et c'est un homme bon.

- Si tu le dis. Et au fait, Corvet, parlons-en de ton père. Tu nous a dit l'autre jour qu'il était mort , qu'est-ce qui s'est passé ?

- Oh, un accident , il était mineur. Y a une galerie qui lui est tombé sur le paletôt. On nous a demandé à ma mère et à moi de reconnaître le corps; mais difficile d'identifier de la gelée.

Et voilà une nouvelle secousse pour Corvet;

- Hey, un peu de respect gamin. Tu te rends compte comment tu parles de ton père.

- ouais, peut-être, pardon. J'ai pas fait gaffe.

- Oui et bien, fait un peu plus attention à ton langage.. C'est pas des façons. Allez, on y va. Faut pas traîner.

- Dites, monsieur Hoss, on va faire quoi en ville ?

- Tu verras avec mon père comment il a prévu de te faire passer l'après-midi. Au fait, attends que je jette un coup d'oeil ; t'es propre sur toi ?

- Oui, j'crois.

- On t'achètera une cravate et une veste en ville.

- Une cravate, pour quoi faire ?

- Parce que nous allons à un enterrement cet après-midi. Tu sauras te tenir ?

- Ben oui, quand même. J'ai pas quatre ans, j'suis pas un môme;.

- Si t'en est un. Et t'as intérêt à te tenir correctement... Sinon il t'en cuira.

- et ben mes cadets, et ben mes petits frères, ça commence bien.

- Qu'est-ce que tu marmonnes dans ton ébauche de moustache ?

- Euh rien, je disais , rien à craindre, je sais ce que j'ai à faire,

- très bien.... Allez en route... »

Hoss grimpe sur le siège du buggy, Hop Sing prend place à côté de lui , tandis que Corvet se hisse à l'arrière.

- Hey fiston, t'assois pas sur les vêtements, s'il te plaît. Pousse-les un peu.

- Oh pardon."

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