14 - Jay

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Allongé sur le dos, je caresse avec tendresse le dos de Jen. Sa tête posée sur mon épaule, elle dort paisiblement. Il faut dire que cette nuit n'a pas été de tout repos. Notre désir l'un pour l'autre était trop fort pour qu'il s'amenuise après notre première fois. Il devait être deux ou trois heures du matin, lorsque nous nous sommes endormis, emmêlés l'un à l'autre. Me réveiller près d'elle, éveille des sensations jusque-là inconnues. Ce sentiment de bien-être est tout nouveau pour moi. Aucune femme avant elle n'est parvenue à me garder aussi longtemps dans son lit, ni à obtenir autant de faveur de ma part. Depuis le divorce de mes parents, j'ai toujours cru qu'il valait mieux se débarrasser d'une nana le plus vite possible si on ne voulait pas d'emmerdes. C'est pourquoi je prends ce qu'on me donne et me barre en courant aussitôt consommé. Avec Jen, c'est différent. J'ai besoin de plus. Beaucoup plus. Je suis rongé par un appétit insatiable et ça me fout la trouille, parce que je ne peux pas me permettre d'en vouloir autant.

Cette attirance pour elle va finir par briser mon amitié avec Shawn, foutre notre groupe en l'air et causer ma perte, si je n'y fais pas gaffe. Je vais devoir me montrer fort pour nous deux et la tenir éloignée de moi, vu que mes prières n'ont pas été assez puissantes pour qu'elle le fasse d'elle-même.

Quelque chose en moi se brise en pensant que je ne pourrais plus humer le délicat parfum de ses cheveux, ni même enrouler mes doigts autour de ses boucles soyeuses comme je le fais actuellement. Elle va me manquer, je ne peux pas dire le contraire.

Quelques coups donnés contre la porte de la suite me sortent de mes réflexions. Mon visiteur semble impatient que j'aille lui ouvrir vu l'intensité qu'il y donne. Je dépose un baiser, le dernier sûrement, sur sa tête, avant de m'extirper du lit, en essayant de la déranger le moins possible. Même si c'est la dernière fois qu'elle se trouve dans mon plumard, je veux qu'elle en profite jusqu'au bout. Elle bougonne des mots incompréhensibles, avant de se retourner sur le ventre. Mes yeux se portent instinctivement sur elle. Le drap dissimule à peine ses jolies courbes. En la voyant si belle et aux souvenirs de cette nuit, moi, Jayden Miller, le Dieu du sexe, comme elle aime m'appeler, ressent de drôle de battement sous ma cage thoracique. Et ça, c'est la merde ! Je ne suis pas né de la dernière pluie et même si je ne suis jamais tomber amoureux, j'ai déjà eu des coups de cœur quand j'étais ado. Je sais donc ce que signifie ces élans de mon palpitant.

Sous les coups contre la porte qui se font de plus en plus impatients et qui vont finir par la réveiller, j'attrape les premières fringues qui me tombent sous la main, les enfile à la hâte, avant de me précipiter dans la pièce voisine. Je suis à peine arrivé dans le salon que j'entends la voix de mon pote s'élever dans le couloir.

Merde !

— Putain, tu vas ouvrir ou j'te jure que je trouve un moyen d'entrer !

Et je sais qu'il en est foutrement capable. Tel que je le connais, il est bien fichu d'aller trouver notre manager pour lui dire qu'il s'inquiète pour moi, afin que Leo fasse ouvrir cette foutue porte. Combien de fois Dan ou même moi l'avons fait lorsque Shawn plongeait dans ses conneries, inquiets pour lui ?

Pourtant, j'hésite. Si je lui ouvre et qu'il découvre Jen dans ma chambre, ça risque de vraiment mal finir. Deux options s'offrent à moi, où je vais réveiller cette sublime créature, pour lui dire de rester bien tranquille dans mon lit ou je prie pour qu'elle ne quitte pas la chambre. Si j'envisage la première, elle pourrait m'entraîner dans un jeu que je ne pourrais que suivre, vu à quel point je suis faible devant elle, et mon pote aurait largement le temps d'aller chercher Leo. Il me reste donc à prier pour qu'elle ne se lève pas.

— C'est bon, j'arrive, mec. Doucement.

— Putain, t'en as mis du temps, vieux. Tout va bien ? me questionne-t-il dès que je lui permets d'entrer.

— Ouais. Je dormais. Tout le monde n'est pas aussi matinal que toi.

Sa façon de me scruter, comme si j'étais coupable ne me plaît, pas trop. Bon d'accord, je le suis, mais il n'est pas au courant. Je ne devrais donc pas me sentir sur mal devant lui. Pourtant, je me sens comme un gosse, pris en flagrant délit de vol par l'agent de sécurité.

Il faut que je me reprenne et vite, si je ne veux pas qu'il se rende compte de mon malaise.

— Vu tes cernes, on dirait que ta nuit a été courte. T'as encore été trempé ta queue une partie de la nuit ? Je croyais que tu nous lâchais parce que t'étais crevé ?

Merci pour la perche, mon pote. Vu les migraines que je me paie parfois et qui m'empêche de dormir, il ne sera pas étonné si je lui sors que j'en ai eu une carabinée.

— Foutu mal de crâne, lâché-je sans ciller, pour qu'il ne capte pas mon mensonge.

D'un signe de tête, il me fait comprendre qu'il saisit le truc.

— Désolé, mec. Depuis que je sais que tu as passé la nuit précédente avec Jen, je me fais...

Malheureusement pour moi, le mouvement de la porte de la chambre qui s'ouvre et se referme aussitôt ne lui échappe pas. Il reste un moment les yeux fixés sur la porte, avant de reporter un regard noir dans ma direction

— Mal au crâne, hein ? Mais il y a quelqu'un dans ta chambre. Tu te foutrais pas un peu de ma gueule ?

Putain, je viens de me faire cramer en beauté ! Je ne sais même pas quoi lui répondre. Un courant d'air ? La vérité ? Bon, d'accord, ça c'est le plus mauvais choix. Il va falloir que je la joue très fine, mais merde, je suis musicien, pas comédien.

Allez, mon pote, improvise, sors-toi de cette merde et vite !

Il s'approche de moi, le regard menaçant et les poings serrés, prêt à m'en décoller une si besoin. T'inquiète, mon gars, je suis prêt à te recevoir si tu tentes. J'en ai bien assez reçu depuis hier, je n'ai pas envie de me retrouver avec un pot de peinture sur la gueule ce soir pour assurer le show.

— Jen ? C'est elle dans ta chambre ?

Nerveux, je me marre. Espérons qu'il ne capte que si je suis hilare, c'est parce qu'il vient de mettre le doigt en plein dans le mile.

Putain, mais qu'est-ce qu'il m'a pris de coucher avec elle ? Maintenant que je me trouve face à mon pote, des remords à fusion me tordent les tripes.

À présent, je dois lui mentir et c'est bien la première fois de ma vie que je m'embourbe dans un tel merdier face à lui.

Juste une dernière fois, vieux. Ensuite, dès qu'il se barre, tu vas la voir et tu la vires. Ce n'est qu'une de plus dans ton tableau de chasse.

Peut-être, mais c'est la meilleure proie que j'ai pu trouver. Et savoir que je ne passerai plus une minute seul avec elle me travaille plus que de raison.

— Je pensais que tu me connaissais assez pour savoir que je ne fous pas deux fois la même meuf dans mon pieu. T'en as pas d'autres conneries à me sortir ?

Il me défie un instant en me toisant, avant de lâcher l'affaire en chassant l'air de ses poumons.

— Vaut mieux pour toi que tu dises vrai, parce que si j'apprends que tu m'as menti, t'es mort !

Je hausse un sourcil, perplexe. J'aimerais bien voir comment il a l'intention de s'y prendre. Mais, même s'il ne parvient pas à m'atteindre physiquement, le fait qu'il rompe notre amitié me foutrait un coup au moral.

— Qu'est-ce que tu fous là, d'ailleurs ? demandé-je.

— Je voulais juste te prévenir qu'on allait prendre notre petit-déjeuner.

Il n'a pas trouvé mieux comme excuse bidon ? Il me prend vraiment pour un con ? Ça ne tient absolument pas la route. Je connais notre emploi du temps par cœur. Leo tient à ce qu'on quitte l'hôtel pour onze heures. Quand j'ai quitté la chambre, j'ai jeté un coup d'œil à ma montre, il n'était que huit heures quarante-cinq. J'ai donc largement le temps de me préparer et d'aller me remplir l'estomac. Foutu mensonge !

— Je vous rejoins dans vingt minutes. Le temps de prendre une douche et de me préparer.

Il jette un coup d'œil sur sa montre et part s'asseoir tranquillement sur le canapé, en ramenant ses jambes croisées sur la table basse. Il n'a pas l'intention de partir, l'enfoiré !

Comment je m'en sors, moi, à présent ?

— Qu'est-ce que tu fous ? demandé-je, les sourcils froncés.

— Ça ne se voit pas ? J'attends mon pote.

Son insistance sur les deux derniers mots me met super mal à l'aise. Quelque chose me dit qu'il n'a pas gobé mes mensonges. En même temps, il me connait par cœur, il a dû le sentir, tout comme moi j'ai capté le sien. Bordel, il cherche à me griller !

Les lèvres pincées, je masse mon biceps, comme un con. Ouais, parce que là, pour me faire cafter, je n'ai pas mieux devant lui. Chaque fois que quelque chose me déplaît, me tracasse ou me met hors de moi, c'est ce que je fais. Foutu tic !

— C'est quoi le problème, Jay ? Je te dérange ?

Pas qu'un peu.

— J'aurais juste voulu finir de me réveiller tranquille.

— En la baisant ?

Quoi ? Putain, mais qu'est-ce qu'il lui prend ?

Je déglutis difficilement devant cette insinuation.

— T'es devenu taré, ma parole !

— Cesse de me prendre pour un con, Miller. Tu veux peut-être qu'on aille vérifier dans ta chambre ?

Putain de bordel de merde !

Il bondit sur ses pieds et en deux enjambées se retrouvent devant ma chambre. La main sur la poignée, il s'apprête à l'ouvrir. Je le pousse avec force pour qu'il s'en éloigne. Le regard foudroyant, il campe devant moi, réellement prêt à ne pas laisser passer cette fois. Ma réaction n'a fait qu'ajouter à ses doutes. Maintenant, il doit être certain que je la planque dans ma chambre.

— T'as quoi à te reprocher pour réagir de la sorte, hein ? vocifère-t-il.

Furax, il arpente le sol devant la porte, en serrant ses poings, avant de cogner avec violence le mur.

— Si tu me mens encore, le prochain est pour toi ! J'te jure que tu ne le verras pas venir ! C'est la dernière fois que je te pose la question, mec. Est-ce que Jen est dans ta putain de chambre ?

Je suis sur le point de lui servir un autre mensonge, quand la porte de la chambre s'ouvre sur elle. Bordel, qu'est-ce qu'elle fout ? Simplement vêtue de l'un de mes t-shirts, elle s'avance vers son ex, les bras croisés sur la poitrine.

— T'es content, Black ? le questionne-t-elle.

Sa voix est si froide, que même moi j'en frissonne.

Shawn me lance un regard plein de déception, avant de le reporter sur son ex.

— Ton pote n'y est pour rien, lui lance-t-elle. Quand j'ai compris hier matin qui il était et que j'ai su ta réaction, je n'ai eu qu'une envie de m'envoyer en l'air avec lui. Tu sais, juste histoire de te montrer à quel point ça fait mal d'être trahi. Si tu veux en tenir rigueur à quelqu'un, prends-toi s'en a moi. Je suis la seule fautive.

Alors comme ça, je n'étais qu'un pion dans son échiquier ? Elle voulait juste se venger de lui ? Putain, moi qui croyais qu'il y avait ce drôle de courant entre nous, elle m'a piégé comme un bleu ! Quelle salope ! Je veux qu'elle sorte de ma suite ! Elle me file la gerbe, la connasse ! Cette fois, je n'ai pas que des remords, mais des regrets aussi. Si elle pouvait dégager de ma vue, ça m'arrangerait bien !

À travers mon regard, je lui envois tout le bien que je pense d'elle à cet instant. Elle doit le sentir, puisqu'elle tourne la tête rapidement vers moi. Une drôle de lueur traverse ses prunelles, quand elle se rend compte que je suis vraiment énervé. Je n'ai pas le temps de m'arrêter dessus, puisque mon pote la force à se tourner vers lui, d'une main sur son coude.

— Je ne pense pas que tu l'aies drogué pour obtenir ses faveurs ! grogne Shawn.

— Tout le monde sait à quel point, le grand Jayden Miller aime baiser. Et je peux t'assurer qu'en cinq ans, j'ai beaucoup appris de ce côté-là. Je ne suis plus la sage petite Jen, que tu as connue. J'adore tout autant le sexe que ton pote et je m'en donne à cœur joie.

L'autre soir au bar, elle m'a avoué qu'elle n'avait connu que Pete après son histoire avec mon pote. À quoi joue-t-elle ? Elle est en train de mentir délibérément à Shawn. Je ne capte plus rien. Est-ce aussi le cas pour ce qu'elle a dit précédemment ?

Je reporte une nouvelle fois mon attention sur elle, pour tenter de comprendre. L'étrange lueur dans ses beaux yeux me trouble à nouveau. Elle paraît triste pour moi et semble s'en vouloir. À cet instant, je meurs d'envie de la serrer contre mon torse, de la rassurer, de lui dire d'arrêter de prendre ma défense, que je peux me démerder seul.

Pourtant, il vaut mieux que je reste à ma place si je ne veux pas envenimer la situation.

— D'abord ce gars sur la vidéo, l'autre au smoking et maintenant, le type derrière toi, qui me servait de frère, énumère-t-il en comptant sur ses doigts. J'avais cru comprendre que tu étais devenue une grosse salope !

Putain, je vais me le faire ! Comment peut-il lui sortir ça ?

Malgré la rage qui coule dans mes veines, je prends sur moi pour ne pas lui montrer qu'il vient de toucher une corde sensible.

J'enfonce mes poings au fond des poches de mon jeans, pour ne pas les abattre sur la gueule de mon pote, ou plutôt mon ex-pote.

Le regard noir, il s'approche d'elle, si près que la poitrine de Jen frôle son torse. Les voir si proche l'un de l'autre remue douloureusement quelque chose au fond de moi. Il se penche au-dessus de son oreille, pour lui parler si bas que d'ici je ne peux rien entendre. Ce qui attire le plus mon attention, c'est cette main qu'il laisse glisser sur son corps, frôlant un de ses seins au passage.

Si quelqu'un pouvait l'éloigner d'elle, ça m'arrangerait bien !

Jen se raidit, avant de le repousser et de lui mettre une claque magistrale. Bien joué, ma belle ! Ça évitera que je lui colle mon poing.

— Continue de rêver, Black ! Jamais, tu ne me remettras dans ton lit.

— Je n'ai pas dit mon dernier mot, chaton. Le jeu ne fait que commencer. Quant à toi, Miller, ajoute-t-il en se tournant vers moi, je n'ai pas de mots assez forts pour dire à quel point je suis écœuré. J'espère juste que t'étais encore bourré hier soir pour qu'elle se retrouve dans ton pieu.

— Il l'était, assure Jen, ses yeux plantés dans ceux de Shawn. Ton pote n'y est pour rien. Alors laisse-le en dehors de ça !

Il laisse un rire jaune s'échapper de sa gorge.

— Pour rien ? Il t'a quand même baisée !

— Si tu veux tout savoir, il n'a pas pu aller jusqu'au bout, tellement il était ivre. Je t'avoue que je suis pas mal déçue, mais je m'en remettrais.

— Prend-moi pour un con, Jen. Jay ne dort jamais avec une fille, même bourré, il la vire avant.

Les bras croisés sur la poitrine, elle le toise un instant, avant de répliquer :

— Histoire de te rafraichir la mémoire, tu m'as prise pour une conne la première. Et, tu veux savoir ce qui est le plus drôle, c'est que ce jour-là, je venais d'apprendre que je portais ton enfant.

Shawn blêmit tant que je crains qu'il ne s'effondre d'un instant à l'autre. Il était au courant pour son gosse, puisqu'il m'en a parlé, mais elle vient de lui balancer une nouvelle vérité qui le fout à terre.

Quitte à la perdre définitivement, je devrais sûrement les laisser seuls, tous les deux. Ce serait vraiment la meilleure des choses à faire. Ils ont besoin de parler. Pourtant, je n'arrive pas à me convaincre de quitter cette pièce.

— Jay et toi êtes amis depuis très longtemps, alors même si ça te fait chier qu'on ait passé la nuit ensemble, ne va pas gâcher votre amitié pour une fille qui ne veut plus de toi, Black.

Sur ce, elle retourne dans la chambre, sans même un regard pour moi. Shawn s'effondre sur le canapé, sous le poids de tout ce qu'il doit ressentir à cet instant. Je suis totalement largué. Où est ma place à présent ? Là, près de lui, comme chaque fois que nous avons eu besoin l'un de l'autre ou très loin sous terre, dans un endroit où il ne me retrouvera jamais ? Comme j'en sais que dalle, je reste debout les bras ballants, à attendre qu'il prenne la décision pour moi.

— Elle m'a dit que vous étiez sortis hier soir et que Jen n'était pas dans sa chambre ce matin, sort Shawn sans que je m'y attende.

Je le regarde, dans l'incompréhension la plus totale. Ses mains sur son visage, il se masse le front. De qui parle-t-il ?

— Je ne voulais pas la croire. Tu m'avais juré, mec, que tu ne t'en approcherais plus. Pourquoi tu m'as menti ?

— Parce que si je t'avais dit que j'allais diner avec elle, tu m'en aurais empêché. À la base, on devait régler le problème de cette foutue vidéo. Le gars, c'est son ex et il m'a cherché en l'insultant. Je n'ai fait que lui répondre et le remettre à sa place. Ça ne lui a pas plu, il m'en a collé une, je le lui ai rendu. Le père de Jen était furieux après elle. J'avais fait une connerie, fallait que je la répare.

Quand il lève les yeux vers moi, je suis saisis par la douleur qui les traverse.

— En l'emmenant dîner et en passant ta nuit avec elle ?

— Elle t'a dit, j'étais bourré.

— Tu n'avais pris que deux bières avant de la retrouver. Tu ne peux pas me faire croire que tu te tenais déjà une cuite à ce moment-là.

Il faut que je trouve le moyen de me sortir de cette merde, sans le perdre. Je m'en veux tellement de le blesser ainsi. Elle lui a bien fait assez de mal, en se barrant sans lui laisser la moindre chance de se racheter. Et tout ça par ma faute ! Si je n'avais pas commis de meurtre, il n'aurait pas cherché à protéger ma réputation. Au final, c'est la seconde fois que je fous la merde entre eux, bien que la première c'était sans le vouloir.

— Je l'ai invité au concert de ce soir, lâché-je, telle une bombe.

S'il savait comment je l'ai convaincu de s'y rendre, il me tuerait. Pour l'heure, il n'a pas besoin d'en savoir plus.

— Alors, c'est sérieux entre vous ? me questionne-t-il, ahuri.

J'aurais aimé tenter, mais ça n'arrivera jamais.

— Pour toi, mon pote, me justifié-je.

Il ricane.

— Elle pourrait craquer. Je lui ai pas mal parlé de toi, hier.

—Avant ou après l'avoir baisée ?

— Arrête, mec. J'ai fait une connerie, en la ramenant dans ma piaule, j'en suis conscient, mais j'ai vraiment essayé de la convaincre de te laisser une nouvelle chance. Je sais qu'elle refuse de te voir, d'entendre parler de toi. Mais je pense qu'elle camoufle ses véritables sentiments sous cette haine qu'elle éprouve pour toi. Et quelque chose me dit qu'elle pourrait craquer si elle allait au concert.

— Ouais, souffle-t-il, elle aimait que je chante pour elle. Je crois que ma voix l'ensorcelait.

— Alors, profite pour l'envoûter à nouveau.

Même si savoir qu'il pourrait la ramener dans sa piaule ce soir me fait vraiment chier. Si j'avais le choix, je préférerais qu'elle passe une nouvelle nuit dans mes bras.

— Je vais aller rejoindre les autres, on se retrouve en bas ? me demande-t-il en se levant.

D'un signe de tête, j'acquiesce.

— Ne fais rien avec elle, même si elle le veut.

Mon pote ne m'a jamais supplié jusqu'à aujourd'hui et pourtant le ton de sa voix m'indique qu'il le fait clairement.

— Pas plus d'une nuit, tu me connais. Elle a largement dépassé le quota. Il est temps que j'en trouve une autre, surtout qu'avec elle, je suis tellement bourré à chaque fois que je ne suis pas foutu d'aller jusqu'au bout.

Je le suis des yeux jusqu'à ce qu'il atteigne la porte, soulagé de ne pas l'avoir totalement perdu. Je suppose que si Jen n'était pas intervenue en mentant de la sorte, notre amitié n'aurait pas tenu le choc. Elle est vraiment géniale.

—,Au fait, rappelé-je mon pote avant qu'il n'ouvre la porte, qui t'a dit que Jen se trouvait avec moi ?

— Sa sœur. Elle est venue me trouver au saut du lit, pour me dire que vous étiez sortis hier soir et que ce matin, Jen n'était pas dans sa chambre.

Ce que j'ai ressenti en croisant cette fille ne fait que se confirmer. Une vraie conne ! Tout ça parce que mademoiselle n'a pas supporté d'apprendre que sa sœur était l'ex de son fantasme et que du coup, elle ne pouvait plus s'approcher de Shawn. Le jour où je la croise, je lui ferais bien passer ma façon de penser, quitte à ce qu'elle ne nous suive plus. De toute façon une fan de plus ou de moins ne changera pas grand chose à notre groupe.

— Elle aurait pu être sortie ?

— C'est ce que je lui ai dit. Elle m'a répondu que ses draps n'étaient même pas défaits. À plus, mec.

Dès que la porte se referme, Jen quitte la chambre. Son regard rougi m'indique qu'elle a pleuré. Est-ce à cause de moi ? De lui ? De leur fille qu'elle a encore dû mettre en avant ? La voir ainsi me travaille plus que de raison, mais je ne peux rien faire. La prendre contre moi m'est interdit.

— Alors, c'est ça, je n'ai été qu'un jeu pour toi ? Tu voulais juste que j'aille au concert pour lui ?

Merde, elle a tout entendu !

— Et moi qu'un pion sur l'échiquier de ta vengeance ? contrattaqué-je.

— Non, tu étais bien plus que ça ! Tu sais que je lui ai menti et je l'ai fait pour toi. J'ai compris hier à quel point, votre amitié était importante. Tu n'as pas arrêté de me parler de lui. Je ne voulais pas foutre la merde entre vous.

Ouais et quand j'ai cessé, je suis tombé dans tes bras.

Quand elle s'avance vers moi, je ne peux que constater la peine et la déception dans ses beaux yeux émeraudes.

Je donnerais n'importe quoi pour revoir ce que j'y ai lu cette nuit, plutôt que cette tristesse.

— Mais, toi, tu m'as entraînée dans ton lit, juste pour que je dise oui à ce concert. Tout ça pour m'attirer dans ses filets ! s'écrie-t-elle.

Non, hier soir, je voulais vraiment que tu me voies jouer sur scène. Ce n'était pas pour lui, mais pour moi. Je voulais te plaire à travers mon jeu, je désirais te faire partager ma plus grande passion. Moi aussi, j'ai menti, mais tu ne le sauras pas.

— Oui. Je suis comme ça. Personne ne peut me résister sous la couette. Après tout, tu m'as surnommé le Dieu du sexe, ce n'est pas pour rien.

Ma voix est froide, sans émotion. Pourtant, chaque mot prononcé m'arrache la gorge. Je la blesse volontairement pour qu'elle ne m'approche plus jamais, même si je rêve de goûter une nouvelle fois à ses lèvres, de m'enfoncer dans ses chairs. Elle est l'ex de mon meilleur pote, celle dont il est toujours amoureux. Pour lui, c'est trop tard, il est atteint depuis des années. Moi, je peux toujours m'en remettre et faire comme si elle n'avait jamais croisé mon chemin. J'aurais juste à continuer ce que je sais faire de mieux, baiser une nouvelle fille chaque soir.

— Et si tu pensais me ferrer dans tes filets, tu t'es juste planté de poisson, ajouté-je, pour lui mettre le coup de grâce.

— Après ce que j'ai entendu, tes arguments tombent tous à l'eau. Je t'ai dit, je suis très dure en affaires. Je co-gère un empire. Les requins sont monnaies courantes et j'ai vite appris à m'en méfier. Tu peux dire à ton pote, qu'il ne me verra pas, ni dans la salle, ni dans les coulisses ce soir. Quant à toi, Jayden Miller, ne croise plus jamais ma route !

— Ne t'inquiète pas, j'y veillerai !

Même si j'ai l'impression que quelqu'un s'amuse à m'ouvrir le bide sans anesthésie.

Lorsqu'elle quitte la suite, en claquant la porte, je me retiens de justesse de lui courir après, de la serrer dans mes bras, de lui dire que j'ai menti sur tout la ligne. Hors de moi, j'attrape le premier objet qui me tombe sous la main et l'envois valser à l'autre bout de la pièce. Quand il percute le sol, il se fracasse dans un bruit sourd et moi je m'effondre le long du mur.

La seule fille pour laquelle j'ai éprouvé autre chose qu'une envie de me fourrer en elle vient de se barrer, furieuse et déçue.

Je reste un moment, assis sans bouger, à penser à ce qu'il vient de se passer, à mon pote, à elle, à nous, à cette nuit. En imaginant que dans les jours qui suivent, il pourrait la récupérer, je me sens tiraillé entre deux sentiments contradictoires. Heureux pour Shawn, mais jaloux qu'il puisse à son tour se réveiller à ses côtés, s'enivrer de son parfum, enrouler ses doigts autour de ses boucles et surtout se perdre en elle.

Ai-je d'autres choix que de m'effacer ? Non. Le combat était déjà perdu à l'instant où nous nous sommes percutés dans ce couloir. Elle sera toujours à lui, même si elle reste furieuse contre lui. Leur histoire était trop intense pour qu'il en soit autrement. Ouais, je baisse les bras, sans avoir tenter de me battre. Après tout, je ne monte plus sur le ring depuis longtemps et je ne suis plus un adepte des rounds.

Après plusieurs minutes à me morfondre, adossé au mur, je me lève, pars constater ce que j'ai fracassé, avant de me glisser sous la douche. Le vase ne s'en remettra pas, Leo encore moins. Il va être furieux après moi. Tant pis. De toute façon, ce n'est pas ma journée. Elle avait trop bien commencé, j'aurais dû m'en douter. Le vent tourne toujours. Le bonheur ne sera jamais pour moi. Mon père m'a pourtant appris, quand ma mère s'est barrée, de toujours se méfier des femmes. Si seulement, je m'étais rappelé de son enseignement hier matin. Je ne serais pas là à m'apitoyer sur mon sort, en laissant l'eau tenter de chasser mes tourments.

Quand je descends rejoindre mes potes, seuls Dan et Haley sont attablés.

— Où est Shawn ? demandé-je en m'asseyant avec eux.

— Aucune idée. On ne l'a pas encore vu, répond mon pote.

Je hoche juste la tête devant cette nouvelle. Est-il allé la retrouver après son départ ? Sont-ils en train de discuter ou de s'envoyer en l'air ? Ou bien est-il dans sa suite en train de broyer du noir, comme moi un peu plus tôt ?

— Ça n'a pas l'air d'aller ? s'inquiète Haley, en posant ses beaux yeux bleus sur moi.

Il n'y a pas à dire la femme de mon pote est canon aussi. Certes, pas autant que Jen, mais elle a ses atouts également. Tous deux forment un joli couple et leur bébé est à croquer.

— Si. Je pensais juste à un truc. Est-ce que tu pourrais convaincre Jen de venir au concert ce soir ?

Les deux froncent aussitôt leurs sourcils, interloqués par ma question.

— Oui, je veux bien, mais pourquoi ?

— J'ai promis à Shawn qu'elle y serait, mais elle semble avoir changé d'avis.

Merde ! J'en dévoile un peu trop là. D'ailleurs, je ne suis pas étonné de voir encore plus de perplexité sur leurs tronches.

— Tu l'as déjà invité ? s'enquiert Haley.

— Ouais, soufflé-je.

Dan me scrute. Son regard semble vouloir percer ma carapace, pour y découvrir mes secrets.

— Pour lui ou pour toi ? me questionne-t-il.

— Pour lui, évidemment. Qu'est-ce que tu crois ?

— J'en sais rien. Quelque chose me dit que tu as envie qu'elle soit là pour toi. T'en pinces pour elle ou quoi ?

Grillé, mon vieux !

Je laisse planer le silence, en espérant que ce soit suffisant pour qu'il ne tente pas d'en savoir plus. À tort. Lui aussi me connait très bien. Même si notre amitié est moins longue que celle qui nous lie Shawn et moi, ça fait une dizaine d'années qu'on le côtoie.

— Merde ! souffle-t-il.

— Ouais, comme tu dis. Mais t'inquiète, il n'y aura rien entre elle et moi.

— Ça, ce n'est pas mon problème, mec. Fais juste gaffe de ne pas y laisser des plumes.

— Elle viendra, conclut Haley, juste avant que Shawn vienne nous rejoindre.

— Désolé de mon retard. J'avais un truc à voir avec mon ex, s'excuse-t-il en tirant la chaise à mes côtés.

Il plante son regard dans le mien, espérant me faire réagir. Je reste de marbre, ça lui ferait trop plaisir de savoir que ça remue quelque chose au fond de mes tripes.

— Ne me dis pas que vous vous êtes remis ensemble, lâche Dan en me fixant.

— Pas encore, mais quelque chose me dit que si j'y travaille, elle pourrait finir par craquer. Et, j'ai bien l'intention de lui prouver à quel point, je tiens encore à elle ce soir. D'ailleurs, je pense qu'on devrait rajouter quelques chansons à notre répertoire. J'ai pensé à Come back to me, Remember et une reprise de Nothing esle masters de Metallica. Vous en pensez quoi, les gars ?

C'est quoi son putain de jeu ? Ces trois chansons sont liées à Jen, mais que cherche-t-il à prouver ?

— J'en pense que Leo ne va pas apprécier, réponds-je un peu trop vite.

— Leo ou toi ?

— Putain, mais c'est pas possible que tu recommences ! m'emporté-je, excédé par son comportement.

Je pensais que le problème était réglé. Visiblement, il est bien plus rancunier que je ne le croyais.

— Je voulais juste voir à quel point, tu tenais à elle pour la foutre deux fois dans ton lit. Mais vu que tu dis que Leo ne va pas apprécier, je suppose que ce n'est pas ton problème si je les chante ?

— Tu fais ce que tu veux, mec. Je m'en fous royalement. En plus nos fans ont toujours adoré Remember et Come back to me.

— Dan ?

— Aucun souci pour moi, mec.

— Super ! s'enthousiasme Shawn. Il me reste plus qu'à convaincre Leo et c'est dans la poche.

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