Je ferme les yeux et tente de me souvenir de chaque mots gravés sur mon carnet. C'est loin d'être parfait, cependant je réussis à lui dire ce que j'ai sur le cœur. Quand j'ouvre mes paupières, mon regard est attiré par les larmes silencieuses qui roulent sur ses joues. Je dois me retenir pour ne pas aller jusqu'à elle et la serrer contre moi. Je ne crois pas qu'elle l'accepterait. Ces derniers jours, je me suis vraiment montré lourd avec elle. Rien que d'y songer, j'ai envie de me foutre un coup de pied au cul. Du coup, je reste à ma place, sans trop savoir quoi faire de mes dix doigts. Touché par sa peine, je garde le silence quelques instant, cherchant les mots adéquats, ceux qui ne la feront pas fuir en courant loin de moi. Techniquement, je pense qu'elle me foutrait plus à la porte si je sors quelque chose qui la chiffonne.

Je puise ma force dans son regard, avant de lui déclarer :

— Mon but n'était pas de te faire pleurer. Tu as déjà versé bien trop de larmes pour moi... Je désirais juste que tu saches que je n'ai jamais voulu te faire subir tout ça. Je ne sais même plus comment j'en suis venu à te mentir à ce point. J'étais juste un putain de froussard.

Face à ces souvenirs, j'émets un rire bref, nerveux. Mes frasques de l'époque resteront gravés dans les annales.

— Je ne voulais pas que tu te rendes compte de quel type immonde j'étais, lui avoué-je en glissant une main sur ma nuque mal à l'aise. Je peux t'assurer que ce n'était vraiment pas joli à voir.

Je marque un silence pour observer sa réaction. Quand je la vois ronger l'ongle de son pouce, je laisse un petit sourire étirer mes lèvres. En cinq ans, ses tics sont toujours les mêmes. Tellement craquant.

— Les journalistes s'en donnaient à cœur joie. J'avais tellement peur de te perdre...

— Que tu as préféré me mentir plutôt que me dire qui tu étais réellement ? m'interrompt-elle.

Fautif, je détourne le regard.

— Ouais, soufflé-je.

— Pourquoi ?

Sa voix est douce, pourtant j'y perçois toute sa colère et sa rancune.

— Parce que si je t'avais dit que j'étais le leader des Diamond Angels et le fils de Maxwell Black, tu aurais fini par découvrir ce que je cherchais à te cacher.

— Wendy Johnson ?

— Entre autres... mais aussi mes histoires de drogue et d'autres conneries... Tu ne peux pas savoir à quel point, je me haïssais de te mentir de la sorte, mais je n'arrivais pas à faire autrement... Je suis sincèrement désolé pour tout le mal que je t'ai fait... pour notre fille... et pour tout le reste.

D'une main, elle serre un coussin contre elle, sèche ses joues de l'autre et hoche la tête. Pendant quelques secondes, un silence nous entoure, avant qu'elle ne me déclare :

— Ta chanson est magnifique... Vraiment.

Touché par ses mots, je lui lance un petit sourire, avant de retirer la sangle de mon épaule.

— Je te demande pardon de m'être montré aussi lourdingue depuis que je t'ai revu. Savoir que... tu sais... entre Miller et toi.

Au moment où je prononce son nom, son visage s'assombrit, entraînant mon cœur dans une chute vertigineuse de plusieurs mètres. Il semble avoir marqué bien plus de points que moi en seulement deux jours. Il faut vraiment que je réagisse et plus que ça si je ne veux pas me retrouver sur le banc de touche, simple spectateur.

— La jalousie peut se révéler terrible à celui qui ne fait pas gaffe, reprends-je.

Je ne sais même pas pourquoi je lui sors ça. Peut-être pour lui faire comprendre ce que je ressens au fond de moi quand je pense à eux.

J'attends une réponse de sa part, mais rien ne vient. Son silence me tue. J'ai l'impression d'avoir perdu à cet instant tout ce qui nous liait et que rien ne pourra être comme avant. Pourtant, je continue à y croire dur comme fer, à espérer que quelque part celle que j'aime dort sous la carapace qu'elle s'est forgée.

Sans que je n'en comprenne la raison, elle se lève et se dirige vers l'immense baie vitrée. Dos à moi, elle ne peut plus voir à quel point je me déteste pour tout le mal que je lui ai fait.

Son silence me pèse de plus en plus.

— Est-ce que tu vas lui pardonner ? finit-elle par me demander, sans même me regarder.

Je pense qu'elle ne veut pas se confronter à moi à cet instant.

Je déglutis avec difficulté à plusieurs reprises, cherchant encore une fois la réponse adéquate. Si je lui dis non, l'acceptera-t-elle ? Ça m'étonnerait. Mais si je lui mens à nouveau et qu'elle l'apprend, je peux lui dire adieu, elle ne reviendra jamais vers moi.

Face à cette évidence, mes dents joue nerveusement avec mon piercing. Les yeux fermés, je revois Miller jouer son solo accroupi devant elle. Personne ne saura jamais à quel point j'ai eu envie d'arrêter ce foutu concert en la voyant le dévorer des yeux et humecter ses lèvres du bout de la langue. Putain, elle aurait pu être sacrément bandante si ses gestes m'avaient été adressés. Sauf que c'était pour lui. On m'aurait arraché la peau à vif, ça aurait été pareille. Comment puis-je passer au-delà de la douleur que j'ai ressenti hier soir devant nos milliers de fans ?

— J'aurais pu lui pardonner s'il n'y avait eu que la première nuit. Il m'a trahi. Je vais avoir du mal à le faire, finis-je par me lancer.

— C'est ton meilleur ami, me rappelle-t-elle en se tournant vers moi.

Ouais... Du moins, il l'était.

Notre lien s'est malheureusement brisé à jamais. Plus rien ne pourra être comme avant. Je le sais. Je le sens, là, tout au fond de mes tripes. Si je le côtoie encore, c'est seulement pour ne pas planter le groupe, pour que notre rêve se poursuive. Mais jusqu'à quand cela peut-il durer ? S'il continue à marcher sur mes plates-bandes, je ne suis pas certain de pouvoir tenir longtemps. Trop d'obscurité m'entoure chaque fois qu'il se trouve proche d'elle. Tout ça pourrait me faire replonger en enfer. La preuve en est, je me suis déjà grillé un joint pour éviter de penser à eux.

— Il faut que tu le fasses, m'annonce-t-elle, comme s'il s'agissait d'une évidence.

Son regard se trouble de nouvelles larmes, comme si la situation la peinait réellement.

Pour lui ou pour moi ? Telle est la question, bien que j'en ai ma petite idée. Toutefois, je préfère ignorer cette voix qui cherche à y répondre.

— Pourquoi je le ferais ? lui demandé-je pour éviter d'affronter mes propres pensées. Il sait que je t'aime et... ce qu'il m'a fait est un putain de coup bas !

— Dans ta chanson, tu me demandes de te pardonner et pourtant tu m'as trahie et menti sur toute la ligne. Entre Jay et moi, ça n'a duré que deux nuits.

Un peu plus si on compte la journée d'hier.

Elle m'observe, s'attendant à je ne sais quelle réaction de ma part, mais je reste stoïque, le temps qu'elle poursuive.

— Alors que toi, tu as continué à sortir avec elle durant les neuf mois où nous avons été ensemble et même si tu n'as pas couché avec elle, ça revient au même pour moi. Au final, je n'étais pas ta copine, mais ta maîtresse. Tu me demandes de passer outre, alors que toi tu n'es même pas fichu de pardonner à Jayden ces deux nuits de...

Elle semble chercher les mots pour me parler de ce qu'ils ont vécu. En attendant qu'elle trouve le bon, je cesse de respirer, craignant un nouveau coup de poignard.

— Dis-moi comment je suis censée faire, Shawn ? Dis-moi comment je peux ne plus te haïr alors que tu m'as tant blessée ? Dans notre histoire, j'ai tout perdue.

Fautif, je glisse mes mains dans les cheveux. Elle a raison sur toute la ligne. À cause de mes putains de mensonges, elle ne sera plus jamais maman. Si je lui avais dit la vérité dès le début, elle serait restée près de moi et ce foutu accident n'aurait jamais eu lieu. Je l'aurais protégée. Non, je LES aurais protégées. Mes petites femmes. Que puis-je faire pour lui prouver qu'elle peut encore compter sur moi, que je ne serais plus ce menteur, que chaque mot qui sortira de ma bouche sera la pure vérité ?

Suis-je en droit de rester furieux après Jayden ? J'en sais foutrement rien. Si ce qu'il m'a fait est de la trahison, alors comment nommer ce que moi j'ai fait à Jen ?

Je m'approche d'elle lentement afin de ne pas l'effrayer. Quand je suis suffisamment près, je prends ses mains dans les miennes. Son mouvement de recul ne m'échappe pas, cependant je ne relâche pas mon emprise.

Sa peau contre la mienne m'envoie des décharges électriques dans tout le corps. Divinement agréable. Malgré tout, je sais que je ne peux pas en désirer plus à cet instant. Je me fous une putain de claque mentale pour retoucher la terre ferme, parce que, là, je viens de sacrément décoller.

— Laisse-moi être ton ami et je te prouverais que tu peux me faire confiance, lui dis-je en plantant un regard sincère dans le sien.

Ses lèvres esquissent un léger sourire, qui ne se reflète pas dans ses beaux iris. Sa confiance en moi se trouve à des milliers de kilomètres, dans un passé que je n'ai pas su conserver.

— On peut juste essayer et voir où ça nous mène, ajouté-je pour tenter de la convaincre.

Ses épaules se redressent au moment où elle prend une profonde inspiration. Je ne sais pas ce qui se trame sous son crâne, mais ça me fiche les boules. Elle paraît si hésitante.

— Si tu acceptes d'aller voir Jayden et de discuter avec lui... Il prend très mal le fait que tu lui tournes le dos.

Ils doivent être vraiment proches tous les deux pour qu'il se confie ainsi à elle. Ce n'est pas son genre. Même si ça me fait chier, je vais le faire. Pour elle. Sans ça, je suis certain qu'elle ne me laissera aucune chance de revenir dans sa vie. Je dois saisir celle qu'elle vient de m'offrir.

Les lèvres pincées, elle attend ma réponse. Quand j'acquiesce d'un signe de tête, un vrai sourire, cette fois, se dessine sur sa jolie bouche.

— Alors, tu acceptes qu'on soit amis ? la questionné-je.

— Oui, mais si jamais j'apprends que tu viens de me mentir concernant Jay, je te promets que tu n'auras plus aucune chance de m'approcher.

Je ne lui mentirai pas. Dès que je quitterai la chambre, je vais aller le voir et on aura cette discussion entre mecs qu'on aurait dû avoir depuis hier.

— Je suis en repos aujourd'hui, tu veux bien qu'on se fasse un truc... entre amis ?

J'attends le cœur battant qu'elle me dise oui. Je me demande si c'est une bonne idée de le lui avoir proposé, encore plus lorsqu'elle dégage ses mains de mon emprise et s'éloigne de moi.

— Une condition, Black : je veux qu'Haley et tes deux amis viennent avec nous.

Ce n'était pas trop ma vision des choses, cependant je suppose que c'est mieux que rien.

— D'accord, accepté-je à contrecœur.

Le nouveau sourire qu'elle me lance me réchauffe instantanément.

— Ce matin, je vais être pas mal occupé. On pourrait se rejoindre vers treize heures devant la réception.

— Ouais.

— Par contre si tu viens seul, je partirai.

Elle plante son regard dans le mien pour me convaincre de son sérieux.

— Je te promets que nous ne serons pas seul.

Même si ça risque d'être difficile de décider les autres de me suivre. Haley va vouloir rester avec Ashton et Dan avec sa femme. Quant au mec que je vais aller voir dès que j'aurais quitté cette suite, il n'en aura peut-être aucune envie. Au pire, je pourrais compter sur Tim ou Tom pour tenir cet engagement. Mais acceptera-t-elle la présence de l'un de mes garde-du-corps en signe de bonne fois ? Je l'espère... Du fond du coeur, je l'espère vraiment.

Au moment de la quitter, je dépose une bise sur sa joue. Le contact de sa peau sur mes lèvres me fait frissonner. Je rêve de ce genre de contact depuis tellement longtemps. Bon d'accord, dans mes songes, ma bouche ne se pose pas à cet endroit, mais un peu plus bas à droite.

Peu importe, pour le moment, je m'en contenterai. Chaque chose en son temps.

— Évite de te faire des films, Black ! Ce n'est pas parce que j'ai dit oui à ta sortie que tout est dans la poche.

— Ça fait cinq ans que je t'attends, Jen, je pense que je saurai encore être patient.

Si Miller cesse de te tourner autour. Mais ça, je le garde pour moi.

Avant même que je franchisse la porte, elle reprend la parole.

— Vous partez dans deux jours, dit-elle d'une voix atone.

Mon coeur se serre face à cette vérité. Seulement deux foutus jours pour la ramener vers moi et la convaincre de me suivre. D'un signe de tête, je lui laisse comprendre que je le sais.

Après avoir refermé la porte de la suite, je descends rejoindre le reste du groupe au restaurant. Notre bassiste manque à l'appel. Je suppose qu'il dort encore. Il ne devrait pas tarder à se pointer. À moins qu'il n'ait pas envie de voir ma tronche après notre altercation d'hier soir. Si ça ne tenait qu'à moi, je l'éviterais également, mais je l'ai promis à Jen. Il faut que je m'y tienne. Ça me fait penser qu'il faut que je tente de convaincre Dan et sa femme de se joindre à nous cet aprèm.

— Ça vous branche une sortir avec Jen et moi, en début d'après-midi ? demandé-je en tirant la chaise pour m'y asseoir.

Si je leur avais sorti que le groupe venait de faire un flop, leurs tronches n'auraient pas été différentes. Bon d'accord, j'admets que ce que je viens de leur demander doit leur paraître très étrange. Aux dernières nouvelles, Jen me déteste et Haley ne doit pas encore être informée de ma petite visite matinale.

— Je crois que j'ai mal entendu. T'as bien dit avec Jen et toi ? s'étonne Dan.

— Ouais, c'est ce que j'ai dit. Il n'y a pas que Miller qui a droit à certains avantages.

Leurs yeux s'agrandissent d'ahurissement. Ils peuvent bien s'imaginer ce qu ils veulent, je m'en fiche comme de ma première chemise.

— Attends ne me dis pas que...

Sa phrase tombe en suspens, au moment où il porte son regard derrière moi. Je me tourne aussitôt pour voir ce qui le tracasse et tombe nez-à-nez avec Miller. Au vu de sa tenue, il revient de son footing matinal.

— Vous parlez de quoi ? s'enquiert-il.

Haley et Dan décident d'un coup qu'Ashton nécessitent qu'ils s'occupent de lui. Ils se détournent, tous les deux mal à l'aise. Peut-être craignent-ils qu'on en vienne encore aux poings ? Si je ne m'étais pas engagé dans cette foutue promesse, c'est certainement ce que je ferais. D'autant plus qu'il me regarde avec ce regard hautain, qui me gonfle.

— De Jen, réponds-je en le toisant.

D'un signe du menton, il acquiesce.

— Elle voudrait qu'on sorte tous ensemble cet après-midi.

— Sans moi. J'ai des trucs à faire.

Pas la peine d'être voyant pour savoir qu'il ment. Ses mimiques nerveuses me laissent comprendre qu'il n'a pas envie de la voir. Encore moins en ma présence.

Nous nous jaugeons plusieurs longues secondes, en silence, seulement interrompus par les conversations des tables voisines et les gazouillis d'Ashton.

— Toi et moi, il faut qu'on parle, finis-je par lâcher.

— On a rien à se dire, mec.

C'est pas moi qui suis censé faire la gueule ? Je fais comment pour tenir ma promesse, s'il refuse de me parler ?

— Je suis convaincu du contraire.

— Si c'est pour me parler d'elle, je n'ai pas envie de t'entendre.

Wouah ! Plus étrange que lui, tu crèves. Entre ce qu'il s'est passé hier soir et son comportement ce matin, j'en suis à me demander ce qu'elle a bien pu lui dire pour qu'il réagisse ainsi.

— C'est pour te parler de nous, le rectifié-je.

À cet instant, Jen entre dans le restaurant. Je ne suis pas le seul à ne pas pouvoir la quitter des yeux alors qu'elle se faufile entre les tables. Jay ne la lâche pas un seul instant, jusqu'à ce qu'elle s'assoit près d'un homme d'âge mûr. Son père sans aucun doute. Ils se ressemblent beaucoup.

— Elle te plaît vraiment, hein ? demandé-je au grand brun à mes côtés.

Il me jette un regard de biais, avant de détourner la tête vers une jolie blonde qui passe par là. Le sexe pour soulager ses maux. Telle est sa devise. Si Jen était une autre fille, je lui dirais que son idée est loin des meilleures, qu'il ferait mieux d'aller voir celle qui lui plaît. Même si elle a un mec. Même si rien ne paraît évident.

— Ce n'était qu'une passade, lâche-t-il avant d'aller draguer celle qu'il vient de remarquer.

Je le laisse faire. De toute façon, nous ne sommes plus aussi proches qu'avant. Alors, à quoi bon l'en empêcher ? Il ne m'écouterait pas de toute façon. Puis, au fond de moi, je suis heureux qu'il décide de passer à autre chose. J'ai le champ libre à présent. Il ne se mettra plus en travers de ma route. Pourtant, lorsque je reporte mon attention sur Jen, je réalise que rien n'est gagné. Ses iris se sont recouvertes d'un voile de tristesse et elle ronge son pouce, sans lâcher Miller de ses magnifiques émeraudes. Quand il le remarque, leurs regards se trouvent et s'accrochent pour ne plus se quitter durant de longues secondes. De ma place, j'ai l'impression que leurs cœurs s'échangent des mots silencieux. Puis, il rompt leur bulle en posant ses yeux sur moi, avant de tourner la tête vers la fille près de lui, un sourire de façade sur les lèvres. Quand Jen se pince l'arrête du nez pour éviter de pleurer, je me promets de passer chaque secondes qui vont s'écouler à le lui faire oublier.