***

Dans une ruelle sombre de la ville de Lyr, capitale de l’empire de Lyrgo, un homme attendait impatiemment, en faisant les cent pas. Il s’appelait Krag et était le chef d’un vaste réseau de hors-la-loi. Âgé d’une quarantaine d’années, aux cheveux noirs légèrement grisonnants et au nez cassé. L’un de ses sbires lui avait remis un message. Celui-ci lui intimait de se rendre dans cette rue vers minuit. Il n’était pas signé, mais Krag savait qui le convoquait. Il ne pouvait s’agir que de son nouveau patron, ou plutôt son maître. Le souvenir de leur première rencontre lui revint.

Il sortait d’une des trois tavernes qu’il possédait dans la capitale de Lyrgo. Il devait être une ou deux heures du matin, lorsqu’un type tout de noir vêtu, le visage dissimulé dans sa capuche, l’avait accosté.

— Vous êtes Krag, chef des hors-la-loi de Lyr.

Ce n’était pas une question. Même si le ton de la voix n’était pas hostile, Krag rechercha vite la poignée de sa dague. Il lui fallait être prudent.

— Que me voulez-vous ? lui avait-il demandé.

— Mon Maître désirerait vous entretenir au sujet d’un service que vous pourriez lui rendre.

Krag fut soulagé de constater que l’homme n’avait pas envie d’attenter à sa vie. Il prit soin de réfléchir un moment à ce qu’il venait d’entendre. Il décida de refuser, le type ne lui inspirait pas confiance. Il souhaita bonne continuation à son interlocuteur et lui tourna le dos pour reprendre sa route. Cependant, il fut stoppé par la poigne de fer qui lui retenait le bras.

— C’est vous que mon maître veut et nulle autre personne. Je vais vous conduire à lui, de gré ou de force.

Krag s’était soudainement retrouvé dans une caverne plongée dans la pénombre. Une voix très grave lui parla, elle semblait venir du fond complètement noir de la grotte.

— Bienvenue à toi Krag, futur grand meneur des criminels.

— Qu’est-ce que vous racontez ? Je n’ai qu’un petit réseau. Et puis, qui êtes-vous d’abord ? Pourquoi vous cachez-vous ?

— Que de questions, minuscule humain. Grand chef des hors-la-loi, c’est ce que tu deviendras si tu te rallies à moi. Quant à moi, je suis le Mastar, ton nouveau maître. Je ne me dissimule pas, tu n’es simplement pas autorisé à me voir.

Mastar lui avait donc donné pour mission d’étendre son réseau de criminels à toute la Camaörie. Le but ? Augmenter les vols et agressions pour plonger les populations des grandes villes dans un sentiment d’insécurité permanent afin qu’elles se révoltent contre les dirigeants. Lorsque Krag lui avait fait part du financement d’une telle opération, le servombre lui avait alors remis une bourse magique qui ne se vidait jamais. Puis, il fut ramené non loin de sa taverne.

Une voix le rappela à la réalité.

— Venez dans l’ombre, le Maître nous attend.

Une fois de plus, il se retrouva dans la caverne. Dans le fond noir de la grotte, deux yeux rouges brillaient faiblement. Quand le regard de Mastar se posa sur lui, un mince filet de sueur froide coula le long de son dos.

— Krag, à présent que tu es à la tête d’un vaste réseau, j’aimerais voir plus de résultats que ce que tu as obtenu. Je veux que les royaumes de l’Ordre basculent dans l’insécurité !

— Ça avance, mais ce n’est pas facile à mettre en place…

— Il n’y a pas de mais ! tonna son maître. Je souhaite aussi que tu trouves des informations sur une puissante relique magique. Elle doit être contenue dans une boîte noire impossible à ouvrir et qui attire le métal.

Cela en était trop pour Krag, il était quelqu’un d’important, pas un vulgaire esclave à qui l’on donnait des ordres. Ceux-ci émanaient de lui à présent.

— Non ! Je ne ferai plus vos quatre volontés ! se révolta-t-il. Pourquoi tant vouloir l’insécurité ? Ce n’est pas bon pour les affaires. Je commence tout juste à amasser des richesses à foison et je…

— Silence ! Vermisseau ! Tu n’es rien d’autre qu’un insecte pour moi ! hurla le Mastar.

Dans sa colère, la caverne s’illumina et le révéla à son invité. Krag fut terrorisé par l’apparence de son maître. C’était une créature à l’allure humaine, la peau couverte d’écailles, les yeux rouges et reptiliens. Son faciès était un mélange entre le reptile et l’humain et des ailes de chauve-souris pendaient dans son dos.

Soudain, Krag sentit un collier invisible se fermer et se serrer autour de son cou. Devant sa détresse, le Mastar afficha un sourire très satisfait. Il prit la chaîne invisible reliée au collier de Krag et tira un bon coup dessus. Le hors-la-loi tomba à genou face à son maître. Celui-ci le toucha du doigt à l’épaule et Krag fut comme frappé par la foudre. Il hurla de douleur. De la lumière lui sortit des yeux.

— Maintenant, vermisseau, tu feras tout ce que je te dirai de faire. On aurait pu éviter d’en arriver là, si tu avais embrassé ma cause de ton plein gré…

Il regarda un moment l’humain parcouru de tremblements à ses pieds, humilié et rendu impuissant, avant de l’autoriser à renter chez lui.