Chapitre 17 - Muzia la rouge (partie 1)
Voilà trois jours que le groupe de compagnons cheminait vers Muzia, capitale du royaume de Muzin. Ils parcouraient désormais quarante à cinquante kilomètres par jours, deux fois plus qu’avec le convoi. Ils remarquèrent que les bandits devenaient de plus en plus nombreux le long des routes. Ils croisèrent quelques-uns d’entre eux en chemin, mais la vue de soldats de l’Ordre du Temple bien armés les avaient tous mis en déroute.
Ce troisième jour de voyage, au début de l’après-midi, Valdir ordonna une halte à contrecœur, sous l’insistance de Binlian. Selon lui, les chevaux avaient besoin d’un après-midi de repos. Il connaissait un coin tranquille dans la petite forêt qu’ils voyaient à l’horizon. Arrivés sous le couvert des arbres, il les mena hors de la route, à travers des sentiers. Leur but : une clairière dans laquelle se tenait une mare parcourue par un ruisseau aux eaux claires.
Tandis que les soldats s’occupaient de monter les tentes et chasser ; les deux jeunes et Valdir partirent chacun de leur côté pour trouver du bois. Au bout de quelques minutes, Kaldor trouva une autre clairière, bien plus petite que la première. Une mare d’où s’échappait de la vapeur, s’étendait au centre. Elle semblait plus profonde. Il trempa un doigt dans l’eau et constata qu’elle était chaude.
Il regarda attentivement les alentours et, comme il n’y avait personne, décida de se jeter à l’eau, pour procéder à un décrassage. Au milieu de la mare, l’eau lui arrivait à mi torse.
— Tu ne comptais pas garder l'emplacement de cette mare secret ? demanda une voix.
Après un sursaut, il se retourna et aperçut Élaëna qui le regardait. Non, qui le reluquait !
— Mais enfin, que faites-vous là ?! s'exclama-il en s'accroupissant dans l'eau.
Ce n’était pas décent, pensa-t-il.
— Je ramasse du bois figure-toi. Il faut bien quelqu’un pour faire le travail, puisque tu te prélasses dans l'eau, le taquina-t-elle.
— J'ai ramassé du bois aussi, mon tas est à côté de mes vêtements, se récria Kaldor.
La jeune femme ne semblait pas prête à partir.
— Si vous ne voulez pas partir, pourriez-vous, au moins, vous retourner afin que je puisse me rhabiller ?
— J'ai déjà vu mes frères torse-nu, tu sais ? Ne sois pas si coincé. D'ailleurs, tu es plutôt bien musclé, dit-elle avec un regard appréciateur.
— Élaëna !
— D'accord ! D'accord ! dit-elle en riant. Mais à une condition : que tu arrêtes de me vouvoyer. Je sais très bien que quelqu'un de ton rang doit toujours vouvoyer une noble. Mais, on se connait bien maintenant et on va voyager encore un bon moment ensembles.
— Comme vous... tu veux.
Il était plutôt ravi d'arrêter le vouvoiement. Néanmoins, il resta silencieux en l'écoutant parler, encore gêné qu'elle l'ait regardé alors qu'il était nu dans l'eau. Ses parents lui avaient toujours appris qu’une telle situation n’était pas décente.
Arrivés au camp, Kaldor vit Valdir soulever un sourcil en les voyant qui semblait lourd de sens. Le jeune homme avait l'impression que son mentor savait tout. Était-ce la conséquence de l'ouverture de l'esprit à l'environnement qui l'entourait ?
Le soir venu, Kaldor parla de son questionnement à Valdir. Celui-ci lui expliqua à son apprenti qu'une fois qu'il se serait entraîné assez à écouter l'environnement qui l'entourait, il pourrait percevoir tout et rien à la fois.
— Tout et rien ? releva Kaldor dubitatif.
— Tout à fait. Comment t'expliquer ? Imagine que tu es dans une pièce et que tu perçoives pleins de bruits. Au bout d'un moment, tu t'habitues aux sons présents autour de toi et tu n'y prêtes plus vraiment attention. Ainsi, lorsqu'un nouveau bruit se fait entendre, tu le repères tout de suite. Bon, là je parle de sonorités, mais ça peut aussi être des pensées, une présence, etc.
Il demanda à son élève de passer à la pratique, d'ouvrir son esprit et de tenter d'arriver à cet état de conscience de l'environnement. Les yeux fermés, Kaldor élargit son champ de perception à tout le camp. Il sentait la présence de ses compagnons, puis vinrent les animaux et les plantes. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant d'arriver à se stabiliser.
— Bien, continue comme ça, élargit petit à petit ta perception, l'encouragea Valdir dans son esprit.
Soudain, une multitude d'autres pensées entrèrent dans son champ de perception. Il se concentra dessus, comme l’Eldyrien le lui avait enseigné, afin de lire leurs pensées. Celles-ci étaient confuses et hostiles. Avant qu'il ne se rende compte qu'elles leurs étaient destinées, Valdir était déjà en train de prévenir leurs compagnons qu'une attaque était proche.
Leurs assaillants étaient une quinzaine et n'avaient pas l'air de vrais soldats. Ils ressemblaient plutôt à des bandits, vue leurs tenues plutôt crasseuses. Ils les encerclèrent, affichant un rictus de satisfaction. Kaldor et ses compagnons entourèrent une Élaëna apeurée afin de la protéger.
La peur envahit le corps du jeune homme, il était comme paralysé. Des questions se pressaient dans sa tête. Et si nous ne parvenons pas nous en sortir ? Suis-je assez entraîné ? Et si je recevais une blessure grave ? Un homme armé d’une épée courte se plaça devant lui et le fit sortir de sa paralysie.
Kaldor para quelques coups, mais le plus gros du travail était effectué par les quatre soldats, habitués à combattre des ennemis. Il remarqua que les soldats de l'Ordre ne tuaient qu'en absolue nécessité, ils infligeaient de sérieuses blessures qui immobilisaient ou faisaient fuir l'ennemi. Très vite, les soldats sortirent vainqueurs. Les assaillants étaient de piètres duellistes. Dans l'ombre des arbres, à la lisière de la clairière, un homme vêtu de noir apparut.
— Vous nous aviez dit que le combat serait facile, servombre. Il ne devait pas y avoir des soldats, se plaignit un des agresseurs.
— Il semblerait que tout le monde ait menti. Ne m'aviez-vous pas dit être les meilleurs ? railla-t-il. Vous êtes donc inutiles.
Kalor ne vit aucun geste de sa part, mais les bandits restant brûlèrent sur place, en poussant des hurlements. Le jeune homme voulut détourner le regard de cet horrible spectacle. Une force invisible lui maintint la tête et les yeux ouverts sur la terrible scène.
— Regarde ! Petit vermisseau, voici ce qui t'attend si tu ne te plies pas à la volonté de Mastar. Regardez tous !
— Retourne voir ton maître, chien des ombres ! lâcha Valdir.
Il réussit à se dégager de l'étau magique, alors que le reste du groupe restait immobile. Tel un rapace fondant sur sa proie serres ouvertes, il se rua sur le servombre épée à la main. Il l'abattit avec force sur leur agresseur, qui para tant bien que mal le coup et fut propulsé quelques pas en arrière.
Sa rage, même si elle ne se lisait pas sur son visage, était palpable. D'un geste de la main, il envoya valdinguer Valdir, qui tomba sur ses compagnons. Alors que l'Eldyrien se relevait, l'homme en noir rassembla son pouvoir et lança sur eux une sorte de fumée noire. Kaldor vit son mentor lever les mains devant lui et ce fut tout ce dont il se souvint.
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