Chapitre 21 - Visions (partie 2)

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Kaldor ouvrit les yeux et eut la surprise de constater qu’il n’était pas dans la caverne, mais dans une tente. Plus troublant encore, il ne parvenait pas à bouger ses membres comme il le voulait. Ceux-ci se mouvaient seuls. Un sentiment d’angoisse l’envahit. Que lui arrivait-il  ? Un servombre avait-il pris possession de lui ? Ou bien était-ce Mastar lui-même ?

Son regard se posa sur un grand miroir et il put contempler son reflet. L’homme qui se tenait là avait les cheveux blonds et les yeux bleus. Il portait des vêtements de cuir, par-dessus lesquels était enfilée une côte de mailles. Il s’agissait d’un Gèndark typique. Les nombreux galons présents sur son col semblaient indiquer qu’il devait être un général.

Le soldat prit son casque à visière sous le bras et sortit. Le quartier des hauts gradés était installé sur une butte. Kaldor observa par les yeux du militaire que le camp était vaste, tant de tentes à perte de vue. Il se dirigea vers un grand pavillon, qui devait être le centre de commandement. Cinq personnes étaient déjà présentes : quatre autres généraux et un homme vêtu de noir.

— Ah ! Voilà le retardataire ! s’exclama l’un d’eux.

— Pardon, je m’étais assoupi. Quel est le sujet de la réunion ?

— L’agent de Mastar, vient tout juste d’arriver de la capitale, où il s’est entretenu avec notre roi qui a approuvé le plan.

Comme s’il avait le choix, se dit Kaldor, même son dieu, Gènd, ne se risquerait pas à outrepasser, ou faire fi des ordres du Mastar.

— Messieurs, il est l’heure de passer à la vitesse supérieure, leur annonça le servombre. La guerre doit éclater pour de bon. J’ai fait en sorte qu’elle soit justifiée. J’ai payé des mercenaires pour qu’ils se déguisent en soldats Muzinois et attaquent quelques villages Gèndarks à la frontière.

— Cela peut fonctionner, mais nous passerons beaucoup trop de temps à essayer de franchir la muraille frontalière qu’ont construite les Valinois, souligna un général.

— Je suis venu les mains vides. Mon Maître dans sa grande générosité a décidé de vous offrir un présent qui parviendra à percer les défenses ennemies, annonça-t-il.

Le servombre désigna une quinzaine de tonneaux. Après une brève pause, il poursuivit son explication.

— Il s’agit de fûts remplis d’une poudre explosive bien plus performante que celle que vous utilisez pour vos bombardes. En une seule fois, vous détruirez tout un pan de la muraille.

— Comment parviendrons-nous à approcher ces tonneaux assez près ? demanda le militaire dans lequel se trouvait Kaldor, pressé par la curiosité de ce dernier. Je vous rappelle que l’ennemi dispose d’archers en nombre suffisant.

— Avez-vous de la gelée à la place de la cervelle, mon général ? railla le servombre. Vous devrez creuser quatre ou cinq tunnels pour déposer les fûts sous le mur défensif.

Le jeune Eldyrien n’en croyait pas ses oreilles. Il lui fallait absolument prévenir le patriarche Faldin ! Soudain, le serviteur de Mastar le fixa d’un intense regard et il sentit la peur l’envahir. Son hôte fut pris du même sentiment et se pétrifia sur place. Les autre généraux étaient tendus et redoutaient que le servombre ne déchaîna sa colère.

— Tu n’aurais pas dû te trouver ici, Kaldor, l’apostropha-t-il. C’est malheureux que tu ais entendu notre plan. Néanmoins, tu ne pourras rien y changer, quoi que tu fasses. Tu devras vivre avec cela sur la conscience. Maintenant, il est l’heure de te réveiller !

Il s’approcha avec lenteur et apposa sa main droite sur le front du général possédé. Ce dernier tremblait de terreur. Il redoutait de mourir dans d’atroces souffrances. Puis, Kaldor se sentit expulsé violemment de son hôte et ne vit plus rien, plongé dans le néant.


***


Le deuxième servombre se réveilla dans une alcôve de la caverne du Mastar. Il était dans une sorte de cocon. Son Maître l’avait ramené à la vie et lui avait donc accordé une seconde chance. Il maudit le jeune Eldyrien, qui dans un moment de panique l’avait littéralement fait brûler. Ce fut une mauvaise et douloureuse expérience qui ne se reproduirait plus.

L’intérieur de l’alcôve était agréablement chaud et confortable. Il se sentait en pleine forme et voulait y rester, mais le cocon s’ouvrit. Devant lui, se tenait le premier servombre. Son nom il ne le connaissait pas, d’ailleurs il ne se souvenait plus du sien. PourMastar, ils n’étaient que des numéros. Et pour ce qu’il en savait, autrement dit pas grand-chose, ils n’étaient que deux car il n’en avait vu qu’un seul autre.

— As-tu trouvé ce que le Maître t’a demandé de chercher ? Pendant que je courrais après un fichu gamin, demanda-t-il au Premier.

— Non, mais j’ai un vaste réseau sur le coup. Moi au moins, un gamin ne m’a pas mis au tapis facilement, railla-t-il. Aller, viens. Le Maître veut nous voir.

Le Deuxième se rendit compte qu’il ne connaissait pas cette partie de la caverne. Elle était bien plus vaste qu’il n’y paraissait et semblait s’agrandir selon les souhaits de Mastar. Celui-ci était, comme à son habitude, assis sur son trône de pierre. Il regardait dans une bassine remplie d’eau, posée sur l’accoudoir droit.

— Pourquoi as-tu échoué ? demanda-t-il au Deuxième.

— Toutes mes excuses Maître. Les deux Eldyriens sont plus forts que prévu. Cette saleté de gamin m’a surpris…

— Tu n’as pas à chercher d’excuses pour cacher ton incompétence ! fulmina Mastar.

Il passa sa main au dessus de la bassine et y plongea son regard. Quoiqu’il y vit, il émit un son de contentement.

— Tu as de la chance, une fenêtre sur l’avenir vient de s’ouvrir. Le jeune vermisseau se rendra dans les montagnes de Xy. Tu le poursuivras et le harcèleras.

— Je le tuerai avec plaisir, Maître.

— Non, ne le tue pas. J’ai d’autres projets pour lui. Il semblerait que les reliques soient bien gardées. Et qu’il soit le seul à même de venir à bout de ces épreuves. Tu le harcèleras, afin de l’étudier et le moment venu, nous lui subtiliserons les reliques. Néanmoins, tu peux prendre du plaisir à tuer ses compagnons. Avant, j’ai une autre tâche à te confier. Rends-toi auprès de nos alliés pour qu’ils passent à la vitesse supérieure. Il est grand temps qu’ils fassent usage des présents que je leur ai offert.

Le deuxième servombre s’inclina bien bas et sortit de la salle. Mastar porta alors son attention sur le Premier.

— Les recherches au sujet de la relique, que je t’ai demandé de trouver, arrivent à leur terme. Les sous-fifres de Krag pensent avoir trouvé son emplacement. Va à Temple-ville et rapporte-la-moi.

— Vous ordonnez, ainsi soit-il.

Le Premier se retira et disparut dans les ombres, laissant le Mastar scruter sa bassine en quête d’une fenêtre sur l’avenir.

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