Le Royaume des fleurs

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 La Princesse Ida ne s’était pas encore beaucoup aventurée en ville, et jamais seule auparavant. Mais la fleur semblait connaitre son chemin et la guida sans souci. Les villageois qui la reconnaissaient n’osaient pas s’approcher d’elle et se contentaient de murmurer sur son passage. Finalement, après un moment de marche, la princesse sortit de la ville et s’approcha d’une vaste plaine de fleurs multicolores.

 — Nous sommes arrivées ! s’écria la fleur.

 — Et quoi ? répondit la princesse, de mauvais poil. Il n’y a rien d’intéressant, ici !

 — Allons, penses-tu bien que nous nous cachons des hommes, sinon quoi ils seraient jaloux, répondit la fleur. Attends, je vais leur demander de se montrer …

 Et la petite fleur se mit à chuchoter dans un langage que la petite Ida ne comprenait guère. Pas très patiente de base, la princesse se tenait prête à jeter le pot par terre quand, soudain, l’herbe et les fleurs de la plaine se mirent à bouger. D’abord faiblement, puis avec grâce et volupté, de grandes racines et tiges s’élevèrent vers le ciel, s’entortillant les unes aux autres. Des millions de fleurs s’entremêlaient dans une fantastique architecture. Bientôt, sous les yeux ébahis de la Princesse Ida, se dressa un majestueux château comme elle n’en avait encore jamais vu. Il était bien plus grand que le palais de son père, et beaucoup plus beau, éclatant de mille couleurs. La petite Ida était bouche bée. Elle qui avait toujours connu le meilleur du luxe et du faste était éblouie devant tant d’éclat.

 Alors, les portes du château s’ouvrirent, lentement, laissant passer une grande et magnifique créature, constituée de mille fleurs sublimes, et monté par ce qui semblait être un homme. Mais il apparut vite à la Princesse Ida qu’il n’avait de l’être humain que la silhouette. L’être semblait être un méli-mélo de ronces ou plutôt de tiges de rosiers, tandis que sa figure était composée d’immenses pétales écarlates. Il descendit de sa monture et s’approcha de la petite Princesse Ida, attrapant sa main sans la piquer et lui faisant un baisemain.

 — Le roi de la plaine te remercie de ta visite, lança la petite plante en pot. Il est heureux de rencontrer une princesse humaine et t’invite à visiter son palais.

 La Princesse Ida ne savait que dire. Elle suivit le roi de la plaine à l’intérieur du majestueux château. Tout était aussi magnifique à l’intérieur. D’autres personnages semblables au roi, mais avec des pétales et des tiges différentes, se pavanaient à l’intérieur et saluaient la princesse à son passage. Celle-ci n’en revenait pas de découvrir ce monde inconnu et merveilleux, si proche de chez elle.

 Elle passa toute la journée à visiter et rencontrer de nobles végétaux qui se montraient si aimables avec elle. On lui fit essayer des robes faites entièrement de pétales multicolores, et la petite Ida se sentit plus belle qu’elle ne l’avait jamais été avec toute sa garde-robe à en faire pâlir d’envie l’Impératrice. D’autres personnages tout aussi verts vinrent jouer avec elle et elle s’amusa comme rarement elle s’était amusée. On lui raconta même une histoire, que la plante en pot dût traduire puisque la princesse ne parlait pas le langage des plantes. Enfin, le parfum ambiant faisait tressaillir ses narines de bonheur. Le château avait une odeur plus plaisante que toutes les eaux de toilette exotiques que la Princesse Ida avait pu tester à ce jour.

 Cependant, le temps sembla s’écouler bien vite et, le soir venu, la plante en pot lui expliqua que la plaine devait s’endormir dès que le soleil se couchait. Elle quitta donc le royaume, saluant ses nouveaux amis, déçue de ne pouvoir rester plus longtemps.

 Néanmoins, si cela avait été trop court à son goût, la princesse était ravie. Elle se sentait unique au monde de se voir ouvrir l’accès au monde merveilleux et secret des fleurs. La plante en pot lui avait expliqué plus tôt que le royaume n’était visible qu’à ceux qui y étaient invités, et que les fleurs se cachaient d’ordinaire des hommes. Mais une question vint jeter le trouble chez la princesse Ida.

 Comment cet homme avait-il pu lui offrir cette plante en pot si particulière, capable de parler autant sa langue que celle des humains? Était-il conscient de ce qu’il lui avait offert ou s’était-il réellement moqué d’elle ? Et sinon, comment un homme aussi pouilleux que lui avait-il eu connaissance du royaume des fleurs ?

 Mais elle ne put avoir de réponses à ses questions. Quand, de retour au palais et après avoir caché sa plante en pot dans sa chambre, elle exigea de rencontrer l’homme qu’elle avait jeté en prison, on lui apprit qu’il avait disparu, sans que personne ne sache comment. La cellule, bien que constamment gardée, s’était soudain révélée vide. Devant une telle incompétence, elle ordonna à ce que les responsables soient jetés en prison à leur tour, qu’on voit s’ils étaient si malins.

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