3- La rencontre

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Le lendemain matin, elle s'engouffrait dans la petite citadine vert-bouteille qui avait déjà plus de kilomètres à son compteur que son pauvre moteur n'était censé en supporter et fit tourner la clef dans le contact.

« Objectif : Brignoles. Tu peux le faire, ma grande... » encouragea-t-elle en tapotant le volant nerveusement.

Quant à savoir si elle s'adressait à la petite voiture ou à elle-même, c'était une bonne question.

Elle avait retranscrit tout ce que l'inconnue du téléphone lui avait énuméré, méthodiquement, détails après détails. On aurait dit une histoire fantasque, mi-récit populaire, mi-fiction de journal à sensation. Le carnet griffonné patientait sagement sur le siège près d'elle.

Après quelques heures de route, elle se gara devant l'adresse indiquée.

Celle-ci accueillait l'enseigne d'un bureau de presse méconnu. Alors qu'elle avait confié ses notes à la secrétaire et qu'elle attendait au comptoir le verdict dudit « monsieur Hadey », elle fut prise d'un doute sur le fait d'être finalement juste l'objet d'une mauvaise blague.

« C'est l'histoire la plus incroyable que je n'ai jamais lue ! s'exclama un homme en débarquant dans le hall, bras ouverts.

Ninon ressentit un moment de gêne et rougit.

Le nouveau venu en question était bel homme, élégamment cintré dans une chemise grise dont le dernier bouton était ouvert, laissant pendre avec décontraction une cravate jaune tissée. Ses manches étaient retroussés inégalement et il tenait le carnet dans sa main.

Châtain, la chevelure en bataille qu'il repoussait régulièrement en arrière avec ses doigts, une discrète fossette qui perçait adorablement sa joue, une barbe de trois jours entretenue avec une efficace négligence, ce trentenaire avait tout du working-boy détendu, à peine en décalage avec son époque.

Son sourire la fit chavirer quand il s'approcha.

« J'espère que vous n'en avez parlé qu'à nous, mademoiselle... Mademoiselle ?

- Nin... Ninon, bafouilla t-elle, alors qu'il l'entrainait par le bras jusqu'à son bureau.

- C'est ravissant ! ponctua t-il, enthousiaste. Sandra, prépare un contrat tout de suite ! cria t-il en arrière, s'adressant à la femme à l'accueil.

- Je ne suis pas sûre... monsieur. Je ne suis qu'une messa...

- Allons, allons ! Appelez-moi Jasper. Vous n'allez pas m'offrir un tel bijou et m'abandonner ensuite ! Je vous veux avec nous dès aujourd'hui. Ne me dites pas que vous avez d'autres engagements ou vous allez me briser le cœur !

De nouveau, Ninon rougit sous la fougue de ce jeune directeur dynamique qui la dévisageait de ses grands yeux verts.

- Je ne suis pas sûre de comprendre ce qui se passe... murmura t-elle.

Il la saisit par les mains qu'il réunit au creux des siennes.

- Vous serez ma meilleure journaliste, j'en suis persuadé.

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