[Chapitre V 2/2] Nouvelles épreuves
Ma nuit de sommeil fut interrompue par un puissant coup de tonnerre qui s’abattait sur la région, réveillant les zombies par la même. Leurs cris, leurs excitations appelaient à un festin qu’ils ne pouvaient pas réunir. J’étais à l’aube du cinquième jour dans ces terres perdues et je pouvais distinguer des changements dans la façon de faire des morts-vivants. Les cris, rarissimes au début s’étaient invités progressivement jusqu’à devenir incontrôlables. Je ne parvenais toujours pas à comprendre comment un quartier entier s’était vidé de toute vie humaine sans que je ne puisse le relever. Clara s’était blottie contre moi, je savais désormais que les orages lui faisaient peur. Pour cette journée, je n’avais pas grand-chose de prévu mis à part me concentrer davantage sur elle. Entre les zombies, Youssef et ses amis, je n’avais pas été très présent et cette erreur allait être réparée. Cependant, en quittant la chambre, j’étais interpellé par le silence qui régnait. Les trois hommes s’en étaient allés, sans prévenir, sans assurer notre sécurité. Les accès étaient sécurisés mais si un zombie avait brisé la vitre de la porte du hall, nous ne serions peut-être plus de ce monde. J’étais énervé contre ces irresponsables mais qui sait, peut-être avaient-ils appris de leurs erreurs et s’en étaient allés ou tout du moins, peut-être étaient-ils partis chercher du matériel pour reconstruire la porte. Je profitais du temps que Clara prenait à déjeuner pour prendre l’air sur le balcon. De ce côté, le quartier semblait aussi désert, hormis les quelques zombies que je voyais chanceler ça et là. Je pouvais distinctement reconnaître l’une des créatures qui s’étaient acharnées sur ce pauvre chat. Cette image ne quittait pas mon esprit tant l’impression d’avoir assisté à un rite satanique me hantait. Pourtant, elles étaient à mille lieux de penser à des rituels, c’était avant tout une question de survie. Ma jeune acolyte ayant terminée son repas, nous passions une grande partie de la journée autour de jeux de sociétés et de jeux vidéo. Pendant ces quelques heures, le retour de ces univers virtuels me faisait presque oublier le chaos régnant à l’extérieur. La présence de Clara se chargeait de me ramener au sein de cette sinistre réalité mais les rires avaient remplacé les cris. Pendant un instant, j’imaginais même un futur où Clara et moi serions sortis de cette galère tandis qu’elle grandirait pour devenir une femme indépendante mais surtout qu’elle resterait à mes côtés. J’avais l’impression d’être devenu père en quelques jours… et ce malgré mes réticences à élever des enfants. Nous avions également beaucoup échangé. Depuis son départ de l’école maternelle, cinq ans s’étaient déroulés. Cinq années durant lesquelles sa mère s’était de plus en plus absentée, laissant cette enfant auprès de sa tante et de sa grand-mère. J’avais toujours connu Clara comme étant une enfant brillante et discrète, cependant, au contact de ces adultes, cette discrétion s’était amplifiée la transformant en une enfant complètement effacée. Elle ne m’avait pas expliqué son quotidien mais je pouvais sentir une odeur de pourri émanant de ces journées, loin de toute autorité parentale.
Soudain, un bruit émanant de la montée nous fit sursauter. Je sortis et les voix n’étaient pas celles de zombies mais les entendre ne me faisait pas plus plaisir. Youssef et ses acolytes revenaient de leur escapade, sans matériel, comme ils étaient partis.
- Vous auriez pas pu prendre récupérer de quoi réparer cette porte ? demandai-je, furieux.
- On le récupère où ce matériel ?
- Laisse Alan, il a envie de jouer aux régleurs de compte… on va être deux, reprit Marco, en agitant son arme.
- Sébastien ? Viens voir !
La voix appartenait à Clara et elle avait l’air surprise. Je tournais le dos aux revenants qui choisirent de me suivre. Nous étions à peine entrés dans le salon que je compris pourquoi elle m’avait appelé. L’écran sur lequel nous jouions, la console… tout s’était éteint en une fraction de seconde. Les interrupteurs n’ouvraient plus la lumière… c’était désormais officiel, l’électricité nous avait quitté et la survie allait être bien plus ardue. Pour autant, la fin de journée se déroula normalement.
Le déclinement du jour fit grimper la tension. Pour chaque minute passée dans ce nouvel environnement, l’appartement s’enfonçait dans l’obscurité. Nous avions de la chance d’être en plein cœur du printemps et ainsi, la suprématie de la lumière du jour était à notre avantage. Tant bien que mal, nous essayâmes de nous remettre à des activités plus décontractées, bien qu’un hurlement de zombie déchira le silence du quartier. Lentement, je sortis sur le balcon, accompagné par Youssef. Ce hurlement eut une réplique, puis une autre... L’obscurité totale qui s’était abattue sur la région n’avait pas échappé à ces créatures tandis que leur excitation montait à chaque seconde. En cette soirée, la lune avait décidé de nous narguer en restant cachée sous d’épais nuages. Les cris de morts-vivants devenaient de plus en plus puissants et nombreux. Après avoir passé plusieurs minutes à les écouter, non sans peur, j’avais cette étrange impression que leurs hurlements étaient… communicatifs. Se servaient-ils de ces cris pour échanger ? J’espérais me tromper mais pour vérifier mes dires il me fallait une étude plus poussée qu’une maigre observation.
- J’ai pas apprécié ton manque de respect hier, tu prends la garde pour ce soir, conclut Alan.
Les trois hommes s’éloignèrent tandis que pour honorer une parole que je m’étais donné, j’allais tout de même rester avec Clara jusqu’à son endormissement. Cette journée était, pour elle, un réel apaisement, je pouvais le voir dans son regard. Elle semblait prête à affronter les prochaines péripéties qui allaient certainement jalonner notre nouvelle vie. Après l’avoir câliné durant un instant, je pouvais la voir quitter ce monde ultra-violent pour les heures à venir. Je quittai la chambre sur la pointe des pieds tandis qu’une silhouette familière se tenait dans le couloir, sans que je ne puisse la distinguer.
- On peut causer ? demanda Youssef.
Pour accéder à sa requête, je lui proposai de retourner sur le balcon, l’endroit le plus approprié pour vérifier ma théorie. Dehors, le silence s’était imposé, laissant une atmosphère extrêmement malsaine s’inviter au creux de cette soirée. Pendant quelques minutes, j’avais l’impression d’être face au vide intégral et inébranlable. Aucun son, aucune lumière, rien. Peut-être avaient-ils eu peur de cette obscurité totale ? Depuis l’arrivée des morts-vivants, ils s’étaient faits plutôt discrets de jour tandis que leurs cris déchiraient le silence du quartier la nuit. Avec cette nouvelle donne, je me mis à penser que la lumière artificielle avait peut-être un effet sur eux.
- Y a que du noir en bas… qu’est-ce que tu regardes ? demanda Youssef.
- Je vérifiais une théorie sur les zombies, ce n’est pas très important. Bon c’est pas tout ça mais tu voulais me parler alors je t’écoute.
- Alan, Marco et moi allons partir.
- Je m’en fous… vous êtes arrivés comme des parasites, ce matin j’ai cru que vous étiez partis donc ça ne me fera rien de vous savoir loin d’ici.
- Ecoute, je comptais te proposer une excursion pour réparer la porte et vous mettre à l’abri du besoin, tu comptes rester ici, pas vrai ?
- Pour le moment, je ne vois pas où je pourrais aller…
- Demain matin, dès que tout le monde est réveillé, on prend la route.
- Tu comptes aller où ?
- Le Castorama devrait faire l’affaire.
- Il est loin d’ici, remonter tant de matériel à pied, c’est de la folie !
- A pied ? Qui a dit à pied ? Ce matin, je suis allé vérifier que la voiture que mon père avait l’habitude d’utiliser roulait toujours et c’est le cas. On pourra stocker tout ce qu’il faut à l’arrière. En plus, le Castorama est parfait comme endroit.
- Parfait ? Pourquoi ? demandai-je, étonné.
- Il n’est pas loin d’un club de tir… on pourra en profiter pour te récupérer une arme ou deux. Si tu restes ici, tu en auras besoin pour faire face à ces monstres.
J’avais peur d’un guet-apens tendu par cet individu dont je ne savais finalement pas grand-chose. Pourtant, ces paroles ne me semblaient ni agressives ni contraignantes, elles me paraissaient simplement véridiques. J’acceptais sa proposition me demandant au passage ce qui les poussaient à quitter l’appartement. Alors qu’il s’engouffrait de nouveau à l’intérieur, il m’appela une dernière fois.
- Pour demain, on emmène ta petite protégée aussi, ne la laisse pas seule.
En cette nuit, la chaleur s’était invitée ou peut-être était-ce moi qui avait chaud. Cette dernière phrase utilisée par Youssef ne m’inspirait aucune confiance, cependant, faire le guet devant une porte grande ouverte ne m’inspirait pas plus. Tous ces éléments se mirent à bouillir dans mon esprit et mes hésitations naturelles revenaient au galop. Mon cerveau tourna à plein régime une bonne partie de la nuit tandis que le silence extérieur n’avait pas été interrompu une seule seconde. Finalement, je pris la décision d’accompagner ces hommes, ce que m’avait dit Youssef avait pris le pas sur mes appréhensions. Si par malheur, des zombies venaient à nous attaquer, j’aurais une bien meilleure chance de protéger Clara avec un pistolet car à l’heure actuelle, ma barre de fer me semblait être une option terriblement limitée. Au lever du jour, Marco vint à ma rencontre afin de me remplacer, j’allais ainsi pouvoir dormir un peu. Malgré ma rancœur, je le remerciais mais il ne répondit pas… c’était un homme au vocabulaire léger mais aux actions particulièrement imprévisibles que j’avais face à moi. De mes indésirables invités, il était celui dont je me méfiais le plus.
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