Papillon

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Tu es là, à la fois tout près de moi et tellement loin. Tu es ce papillon sur ce pétale, dans mon jardin. Plus aucune crainte ne t'anime. Plus aucun baillon ne t'étouffe. Ni cris, ni souffrances. Tu vis autrement, aérien, furtif, insaisissable. Les fleurs sont devenues ton toit, ton refuge, ton cœur. Mais ton cœur a toujours été doux comme cette fleur. Davantage, même. C'est dire ! Ce papillon est aussi pur que toi. Innocent, fragile comme une promesse grimée...

Et pourtant plus solide que le roc. Plus fort que nous tous réunis. Ce papillon qui t'incarne n'est jamais qu'entre deux mondes, deux réalités, deux opposés-complémentaires. Il volette, plane et danse devant moi dans un ballet incessant et hypnotique. Et je me sens bien par ta présence à mes côtés. Il tourbillonne soudain, puis, sans secousse, se dépose à nouveau. Tout est douceur et délicatesse...

Je te revois alors souriant, fier et sûr de toi. Vous êtes magnifiques de lumière. Je me sens presque de trop. J'ai l'impression de vous alourdir. De le gêner. De te restreindre. Mais je reste blottie dans mon coin, les yeux rivés dans le trouble sur cette légèreté qui m'est totalement étrangère. Nous sommes devenus des inconnus de façade, car nous nous aimons au-delà de cette frontière invisible et cruelle...

Il gravite, tu deviens poésie, et je vous vois. Je te reconnais à travers lui. Et je ressens ton affection au plus profond de moi. Ou est-ce la mienne qui ne demande qu'à exploser de ce trop plein par tous les pores de ma peau, dans le but de t'aider à me libérer ? Moi, je reste immobile. La prison de nos liens perdurants me rassure et m'enlace dans mes chutes infinies, dans ce gouffre qui m'aspire férocement comme pour me rejeter avec d'autant plus de brutalité à chaque fois...

Il me pousse à renoncer à lui dans une ultime violence... jusqu'au déclin suivant. La nature reprend des forces, et tu reviens à la vie durant cet interlude que je voudrais éternel. Mais il s'en va toujours, ce papillon déjà mordu par l'éphémère. M'abandonnes-tu alors ? Nous reverrons-nous un jour ? La beauté saisaissante de ces quelques minutes rend ton absence artificielle, et je souris presque de cette plaisanterie que vous jouez...

Presque. Parce qu'en réalité, je te crie. Je voudrais le hurler. Je pourrais alors vous retenir, rejeter ma peine plantant ses crocs enragés en moi... Je pourrais nous protéger. Empêcher. Encaisser ce malheur entré par une meurtière dans ta tour d'ivoire... Absorber cette noirceur qui n'aurait du se destiner qu'à la nuit. La nuit de personne. Il part, ce sublime papillon, loin, trop loin... Ton image s'efface de ma vue mortelle, trop vite, trop facilement...

Vous vous évaporez, sans moi, sans nous. Mais, moi, je ne demande qu'à vous suivre dans votre bonheur spontané, comme on cueille une paquerette en plein champs pour se rouler ensuite dans l'herbe coupée du printemps. C'est beau d'insignifiance et de fraîcheur. Tu redeviens inaccessible et je t'aime encore plus fort. Dans la peur. Il s'habille de tes ailes d'ange et je meurs encore. Votre subtilité m'a caressée et j'ai envie de m'arracher la peau...

Je ferme les yeux et tu nous rappelles à moi. Ne t'en vas pas. Ne pars plus. Retiens-moi dans ses plumes. Amène-moi à vous dans tous mes songes froids de ton hiver devenu mien. Ne m'oublie pas. Parce que je pense à toi. Ne me disparaîs pas. Parce que je ne respire plus. Montre-moi la voie. Parce que je suis aveugle. Aveugle de ma vie hier. Aveugle de ma douleur maintenant. Aveugle de ce bonheur non mérité qu'on me prédit pour demain...

Chuchote-moi pas à pas. Parce que je t'écrirai jusqu'à ma fin...

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