Aimer, c'est quoi ?

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Aimer, c'est quoi ? C'est comment ? C'est qui ? C'est combien ? C'est où ? Autant courir inlassablement après un ruban emporté par le vent, sans prendre garde aux trous dans le sol, à notre souffle qui se perd, à la machine qui s'enraye, aux barrières, aux voitures, aux animaux sauvages, à nos forces toujours s'amenuisant...

Le sentiment d'amour ressemble à un coquelicot se dressant fièrement au beau milieu d'un parking désert. Il est là. Il prend racine. Personne ne sait comment, personne ne se demande pourquoi. Il est là et il vit. C'est tantôt une surprise, tantôt un fardeau. Tantôt une promesse, tantôt une malédiction.

Une fois conçu, l'amour généralement grandit. Il grandit sous des caresses, à la lecture d'un mot écrit à la va-vite sur le dos d'une enveloppe de facture, juste pour dire "à ce soir". Il peut se lire également dans le parfum laissé en souvenir dans des draps l'ayant cotoyé de près, dans les yeux d'une femme qui se transcende, dans la déclaration transie d'un preux chevalier ne craignant rien ni personne, au beau milieu d'un livre splendide relié en cuir. Il se lit dans les pensées de celui qui se cache, dans les mains de celui qui se cherche, dans les yeux de celui qui ressent en silence.

Certains y ajoute du sucre avec des fleurs, des mots doux inscrits au rouge à lèvres sur un miroir, des dessins dans la mousse de leur café, des nounours, des bisous, des chocolats-mais-je-dois-faire-attention-à-ma-ligne, et des films romantiques dont les demoiselles incarnent le cœur de cible. Il suffit d'observer l'étrange détresse brillant dans le regard de ces messieurs accompagnant leur dulcinée au cinéma... Ils se reconnaissent sans mot dire...

De l'autre côté de la table, l'amour peut se dévorer salé. C'est un repas préparé pendant des heures avec moult précautions, un échange d'idées et d'opinions contraires dans le seul but d'élever la discussion (et parfois même le son pour se réconcilier gentiment par après), un regard jeté sur un autre corps réceptif, comme pour vérifier que notre propre date de péremption n'est pas dépassée, et que notre autre voudra encore un peu de nous. Pour la vie ? Pour le moment ?

Oui, mais nous devrions, semble-t-il, réduire notre consommation de sel. Voici donc que l'amour se revisite pimenté. Assez pour l'un, trop pour l'autre, tout est question de dosage. Tant que le feu est présent, que les esprits finissent par s'embraser, que les corps s'électrisent et les cœurs se domptent ! La poésie charnelle s'invite alors dans notre assiette par de la dentelle dépassant d'un chemisier. L'amour épicé exacerbe les élans d'un regard droit, fier, déterminé et bavard... Plus besoin de baguettes ou de fourchettes : ce plat se déguste avec les doigts, dans la plus grande simplicité.

Cependant, afin de réussir parfaitement la recette de l'amour, il est des erreurs à éviter. En effet, le silence doit s'y incorporer par pincées, au goût du consommateur, et, idéalement, pas du tout. Trop de silence déconstruit le plat. L'assiette devient impossible à lire et à apprécier. Le nombre de convives est également très important. Une personne de trop (ou ma choisie) peut amener de l'amertume. Et quand cette dernière se présente, sel, sucre et piment réunis ne suffisent généralement pas à corriger le goût. Enfin, ne pas le laisser languir trop longtemps. Le coche est raté par trop de vanité et tout est brûlé...

Quoi qu'il en soit, l'amour, heureux ou malheureux, est malgré tout intense. Il se présente conventionnel ou se construit en dépassant les lignes. Il suffit de multiplier les tests pour adopter la recette qui nous convient maintenant, à l'instant T, dans l'immédiat, et se souvenir en permanence que l'assaisonnement se corrige, se vérifie, se pèse, se discute sans fin... L'amour ressemble à un grand verre de votre boisson favorite : c'est chaud, ça pique, ça chatouille, ça réconforte, ça fait pleurer, ça brûle, qu'importe ! Il faut y sauter à pieds joints. Vous allez boire la tasse, vous y noyer, vouloir sortir du verre ou au contraire vous y laisser sombrer avec plaisir. Le tout est d'apprendre à nager...

Si vous avez fait une erreur dans cette recette, pourquoi ne pas décider de la reprendre à deux, cette fois-ci ?

Allez, à table !

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